EuroBusiness Media (EBM) : Jean-Laurent Bonnafé, bonjour et bienvenue. Vous êtes Administrateur Directeur Général de BNP Paribas. Quels sont vos commentaires sur la performance du Groupe pour le quatrième trimestre et pour l’exercice tout entier ?
Jean-Laurent Bonnafé : En 2012, BNP Paribas a réalisé des résultats solides dans une conjoncture difficile, tout en menant à bien son plan d’adaptation annoncé en septembre 2011. Le Résultat net part du Groupe atteint 6,6 milliards d’euros, en hausse de 8,3% par rapport à l’exercice précédent, confirmant ainsi la bonne capacité bénéficiaire du Groupe par rapport à ses pairs.
Le PNB des pôles opérationnels démontre une bonne résistance; il bénéficie de la diversification de notre modèle économique et de la bonne maitrise générale de nos coûts. Pour 2012, le coût du risque enregistre une augmentation modérée dans un contexte économique difficile, pour s’établir à 58 points de base des prêts à la clientèle.
Durant cette année, BNP Paribas a continué à augmenter sa base de dépôts, en progression de 7 % par rapport à 2011 dans le pôle Retail Banking, avec une hausse de 5 % dans Domestic Markets. Chez CIB, les dépôts du Corporate Banking atteignent 55 milliards d’euros, soit une progression de 18% par rapport à l’an dernier.
Au quatrième trimestre, nos pôles opérationnels affichent une bonne performance opérationnelle par rapport à un 4ème trimestre 2011 impacté par la crise de la dette souveraine. Le coût du risque augmente dans certains domaines, notamment chez BNL en Italie et chez CIB, où l’essentiel de la hausse s’explique par un dossier important. Hors éléments exceptionnels, le résultat net du trimestre s’élève à presque 1,1 milliard d’euros.
En 2012, BNP Paribas mené à bien son programme d’adaptation au nouvel environnement tant en terme de solvabilité que de liquidité. Côté solvabilité, notre ratio Common Equity Tier 1 selon les normes Bâle 3 « fully loaded », s’élève à 9,9% fin 2012, dépassant notre objectif initial de 9%. Côté liquidité, fin 2012, nous avons plus que doublé notre excédent de financement stable à 69 milliards d’euros.
Tout cela se traduit par une poursuite de la création de valeur pour l’actionnaire : l’actif net par action progresse à pratiquement 61 euros, et l'actif net tangible par action dépasse 50 euros.
EBM : Dans l’environnement difficile actuel, comment s’est comporté le pôle Domestic Markets ? Quels sont, à votre avis, les leviers de développement futur de cet ensemble ?
Jean-Laurent Bonnafé : Domestic Markets a continué à dégager des résultats solides dans une conjoncture difficile. Je viens d’évoquer sa contribution à la croissance des dépôts, et la progression de ses crédits, bien qu’en ralentissement, atteint encore +1,3% sur l’exercice.
Le PNB reste stable sur l’année, grâce à notre dynamisme commercial, qui a permis de compenser l’impact du niveau bas des taux d’intérêt, et le recul de la production de nouveaux crédits. Notre maitrise des coûts a été très bonne dans tous les domaines, conduisant à une amélioration du coefficient d’exploitation sur tous nos marchés. Le coût du risque reste modéré en France et en Belgique, alors qu’en Italie, il progresse, surtout en fin d’exercice.
Le bénéfice avant impôt reste à 4 milliards d’euros, pratiquement stable par rapport au record historique enregistré en 2011.
Au delà de 2012, nous sommes déjà en train de préparer la Banque de détail de demain. Nous investissons dans les innovations digitales et dans le développement de nouveaux systèmes de paiement. Nous adaptons également nos réseaux aux nouvelles attentes de nos clients qui recherchent, par exemple, plus de conseil dans nos agences et moins de transactions bancaires de base.
L’innovation technologique ira de pair avec des nouvelles optimisations de coûts pour améliorer encore notre efficacité opérationnelle dans nos marchés domestiques.
Nous avons déjà lancé en décembre un plan ambitieux en Belgique en ligne avec ces objectifs : « Bank for the future ».
EBM : Qu’en est-il du reste de l’activité Retail ? Quelle a été sa performance en 2012 ?
Jean-Laurent Bonnafé : Commençons par Europe-Méditerranée : nous y enregistrons un fort développement commercial tiré par une croissance des dépôts à deux chiffres, notamment en Turquie. La progression des encours de crédit atteint environ 3,5%, avec également une croissance à deux chiffres en Turquie alors que l’Ukraine connaît un nouveau recul.
Au Maroc et en Tunisie, nous avons continué de mettre en place notre offre multicanal. En Turquie, nous avons encore amélioré notre efficacité opérationnelle, tout en développant les ventes croisées avec CIB et Investment Solutions.
Globalement, le résultat est en très nette augmentation, dépassant 250 millions d’euros de bénéfice avant impôt.
Aux États-Unis, notre banque de détail, BancWest, a réalisé une bonne performance dans un contexte économique qui s’améliore. Les dépôts progressent de 8% et les crédits de 3,5%, avec une belle performance sur les prêts aux entreprises.
Nous avons poursuivi nos investissements en Private Banking, où nous comptons désormais 126.000 clients. De plus, nos efforts de modernisation du réseau et d’introduction des services de banque sur mobile se poursuivent activement.
Le résultat avant impôt progresse de 7% à 859 millions d’euros pour l’exercice, témoignage de la forte rentabilité de BancWest.
Si nous passons à Personal Finance, l’activité commerciale a été marquée par la signature de nouveaux partenariats, notamment avec Sony en Allemagne et avec CORA en France. En Allemagne, notre coentreprise avec Commerzbank est un succès que nous voulons reproduire en Russie, où nous venons de signer un accord de partenariat avec la Sberbank.
Malgré l’impact des nouvelles réglementations en France, ce dynamisme commercial, auquel s’ajoutent les effets du plan d’adaptation sur les coûts, a permis de faire progresser le résultat avant impôt à un niveau proche de 1,3 milliard d’euros pour l’exercice.
EBM : Quels sont les faits marquants pour votre division Investment Solutions ? Comment ont évolué vos actifs sous gestion ?
Jean-Laurent Bonnafé : La division Investment Solutions a connu une très bonne performance d’ensemble en 2012, avec une progression de près de 5% de son PNB et une hausse de son résultat avant impôt de plus de 16%, même après ajustement pour la dépréciation de la dette grecque en 2011.
Le PNB a bénéficié d’un bon développement de l’activité Wealth Management, d’une forte croissance de l’Assurance et d’une dynamique positive de Securities Services. Les revenus de l’Asset Management ont été impactés par la baisse des encours, évolution partiellement compensée par une bonne maîtrise des coûts résultant de la mise en œuvre du plan d’adaptation.
En parallèle, nous avons continué d’investir dans le développement des activités d’Assurance, de Wealth Management et de Securities Services, particulièrement dans la région Asie-Pacifique.
En 2012, Investment Solutions a enregistré une collecte nette positive pour Wealth Management et pour l’Assurance, tandis que la Gestion d’actifs enregistrait une collecte dans les supports monétaires et obligataires, mais une décollecte sur les autres supports.
Les actifs sous gestion atteignent près de 900 milliards d’euros, soit une progression de 5,6% par rapport à 2011.
Toutes les activités ont apporté une contribution positive à l’exercice, tiré largement par la reprise des marchés financiers.
EBM : Pouvez-vous commenter l’activité du pôle CIB en 2012 ? Quel y a été l’impact de votre plan d’adaptation ?
Jean-Laurent Bonnafé : En 2012, le PNB de CIB a diminué de 10%, hors impact exceptionnel des cessions de titres souverains et des cessions de crédits, soit une baisse de 1,1 milliard d’euros, en ligne avec l’impact annoncé du plan d’adaptation. Cette baisse s’explique essentiellement par la réduction du bilan dans le Corporate Banking. Nos activités de Marchés de Capitaux affichent une bonne résilience dans le contexte Européen, où l’activité client s’est avérée quelque peu volatile pendant l’exercice.
Notre réelle maitrise des coûts, avec la réalisation de notre plan de réduction des effectifs, a permis de maintenir notre efficacité opérationnelle à un niveau compétitif. Notre coefficient d’exploitation s’élève à 62,3% hors éléments exceptionnels, malgré des investissements continus dans le Cash Management et la collecte de dépôts.
En Fixed Income, nous restons le numéro 1 sur les émissions obligataires en euros pour la troisième année consécutive. Pour l’ensemble des émissions obligataires internationales, nous occupons le 8ème rang mondial. Si l’activité Actions et Conseil a souffert d’une demande limitée de la part des clients, elle n’en a pas moins confirmé ses positions solides : n°3 sur le marché des émissions « Equity-linked » en EMEA, par exemple.
Comme je le disais, la réduction des encours de crédits chez Corporate Banking s’explique par notre plan d’adaptation. Parallèlement, nous avons continué de développer notre modèle « Originate to Distribute », réalisant par exemple plusieurs transactions majeures en Asset Finance. Corporate Banking a confirmé son leadership tant en syndication de crédits, où nous sommes n° 1 européen, qu’en « Trade Finance », où nous sommes la 2ème meilleure banque au niveau mondial selon Euromoney.
Nous avons aussi poursuivi le développement de notre plateforme de Cash Management, où nous sommes leader dans la zone euro et 5ème au niveau mondial, ainsi que celui de nos capacités de collecte de dépôts. Notre succès sur ce plan est clairement démontré par l’augmentation significative des dépôts de la clientèle, qui atteignent 55 milliards d’euros fin 2012.
Globalement, 2012 aura été une année charnière importante pour CIB, qui a su s’adapter au nouvel environnement tout en préservant ses expertises et ses capacités. C’est bien ce qu’a reconnu le magazine IFR en décernant à BNP Paribas sa prestigieuse distinction de « Bank of the Year » pour 2012 !
EBM : Les règles de liquidité à court terme sont maintenant finalisées sur la base d’hypothèses plus réalistes. Pensez-vous être à même de respecter les nouveaux ratios de liquidité avant leur entrée en vigueur progressive à partir de 2015 ? Devrez-vous passer par une nouvelle phase de deleveraging ?
Jean-Laurent Bonnafé : Toutes les modalités de ce ratio ne sont pas encore totalement clarifiées et plusieurs hypothèses restent encore éloignées de la « vrai vie ». Ce que je peux néanmoins vous donner comme indication globale, c’est que BNP Paribas respectait quasiment les exigences d’un ratio LCR de 100% à fin 2012. Nous n’avons donc pas besoin d’une diminution supplémentaire de notre bilan !
EBM : Dans la conjoncture actuelle, de quels leviers dispose le management pour améliorer la rentabilité dans les trimestres à venir, si les turbulences macroéconomiques se maintiennent ?
Jean-Laurent Bonnafé : Dans le contexte actuel de croissance faible de la zone euro, nous avons lancé « Simple & Efficient », un projet ambitieux de simplification du fonctionnement du Groupe et de renforcement de son efficacité opérationnelle. Nous avons l’intention d’investir 1,5 milliard d’euros sur les trois prochaines années pour générer progressivement d’ici 2015 des économies de 2 milliards d’euros par an. Ces économies proviendront de tous les secteurs, et toutes les zones géographiques du Groupe. Leur répartition correspondra globalement à la répartition actuelle de notre activité, à savoir : 1/2 Retail Banking, 1/3 CIB et 1/6 Investment Solutions.
Le plan s’appuie sur 5 axes de transformation, qui vont de la revue des processus à la rationalisation des outils en passant par l’optimisation des coûts. Il prévoit par ailleurs des approches transversales visant à l’amélioration de l’efficacité opérationnelle, avec par exemple la digitalisation des processus ou le renforcement des délégations de pouvoir.
A ce jour, plus de 1.000 initiatives ont déjà été identifiées dans le Groupe, ce qui témoigne de la mobilisation de toutes les divisions et de toutes les fonctions.
L’importance de ce plan est telle que son pilotage fera l’objet d’un suivi par la Direction Générale du Groupe.
EBM : L’an dernier, vous laissiez entendre que vous souhaitiez accroître votre présence en Asie. Ces derniers mois, plusieurs banques d’affaires ont annoncé des coupes dans leurs activités en Asie. Quels sont vos projets dans cette région, qui semble particulièrement concurrentielle ?
Jean-Laurent Bonnafé : Je confirme que nous souhaitons continuer à développer la présence du Groupe dans cette région en forte croissance. Le développement du Groupe dans la zone Asie-Pacifique est un levier majeur de sa rentabilité future, et nous y sommes déjà l’une des banques internationales les mieux positionnées avec une présence dans 14 pays et une licence bancaire complète dans 12 de ces pays.
Nous disposons déjà dans la région de plateformes solides avec des franchises reconnues. Ainsi, en Cash Management, nous occupons le 5ème rang en Asie. En Trade finance, nous disposons de 25 « trade centers » et nous avons été élus, pour l’Asie, à la deuxième place du classement « Best Trade Finance Bank » en 2012 par Euromoney. Je pourrais continuer avec le Fixed Income, où nous sommes un acteur de premier plan dans les dérivés. Outre CIB, nous disposons également d’une expertise reconnue en Private Banking, avec quelque 30 milliards d’euros sous gestion et une position de n°8 en Asie, mais aussi en Assurance, où nous sommes le 7ème assureur non asiatique sur la zone, avec une présence dans 6 pays.
Notre présence est complétée dans la région par des partenariats avec de grands acteurs locaux tels que la State Bank of India, Shinhan Group en Corée du Sud et la Bank of Nanjing, pour ne citer que quelques-uns d’entre eux.
Nous avons des projets ambitieux dans la région. Nous voulons porter les revenus générés dans la zone Asie-Pacifique de 2 milliards d’euros aujourd’hui à plus de 3 milliards en 2016. Cela représente un taux de croissance annuel de 12% au cours des 4 prochaines années.
Pour cela, nous voulons renforcer notre présence et augmenter localement nos effectifs de quelque 1.300 collaborateurs d’ici trois ans. Nous ciblerons à la fois la clientèle des entreprises et les investisseurs pour augmenter à la fois nos actifs financés et nos dépôts en ligne avec nos objectifs de revenus. Pour nous assurer de sa bonne exécution, un membre du Comex pilotera ce plan directement depuis l’Asie.
J’ai la conviction que BNP Paribas peut jouer un rôle croissant dans le développement de l’économie asiatique et que la zone Asie-Pacifique est à même de représenter une part croissante de nos bénéfices.
EBM : Vous disposez de l’un des ratios de solvabilité les plus élevés du secteur bancaire. Vous respectez déjà les normes Bâle 3 et vous vous situez bien au-delà de la plupart de vos concurrents. Comment faire pour tirer parti de cet avantage concurrentiel ?
Jean-Laurent Bonnafé : Avec un ratio Common Equity Tier 1 proche de 10%, BNP Paribas peut se concentrer sur sa croissance. 2013 sera donc l’année de préparation de notre plan de développement 2014-2016.
La première étape de ce plan est le lancement de notre projet Simple & Efficient, plan ambitieux qui a pour objectif, comme je l’ai déjà indiqué, d’améliorer l’efficacité opérationnelle du groupe.
La deuxième étape comprendra des plans de développement par région ou par métier, le premier plan présenté étant justement celui pour la zone Asie-Pacifique que je viens d’évoquer.
Ces plans de développement seront annoncés progressivement, en vue de présenter un plan de développement complet pour la période 2014-2016 dès le début de l’an prochain.
Je vous demande donc un peu de patience : vous aurez une réponse complète à votre question au fil de l’année en découvrant l’ensemble des options sur lesquelles nous travaillons actuellement.
EBM : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur Général de BNP Paribas, merci beaucoup.
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.