EuroBusiness Media (EBM) : Le Groupe BNP Paribas publie ses résultats du premier trimestre 2018. Jean-Laurent Bonnafé, vous êtes Administrateur Directeur général de BNP Paribas. Bonjour.
Jean-Laurent Bonnafé : Bonjour !
EBM : Quels sont les faits marquants dans les résultats du Groupe au 1er trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : Au 1er trimestre, l'activité commerciale du Groupe a poursuivi sa bonne progression dans le contexte de croissance économique en Europe.
Les revenus des pôles opérationnels baissent de 1,4 % du fait d'un effet de change défavorable et d'un contexte de marché moins porteur pour l’activité Fixed Income en Europe qu’au 1er trimestre 2017. Cette situation a pesé sur les revenus de CIB, alors que les revenus de Domestic Markets augmentaient légèrement et que IFS affichait une bonne progression.
Les coûts des pôles opérationnels sont stables, hors impact des taxes & contributions intégralement comptabilisées au T1.
Le coût du risque reste bas au niveau du Groupe, à 32 points de base, en ligne avec le niveau de l’année dernière.
Le résultat net du Groupe s'élève à 1,6 milliard d'euros, soit 3,8 % de moins qu'au même trimestre l'an dernier, hors éléments exceptionnels et hors impact des taxes et contributions annuelles. Cela se traduit par une rentabilité des fonds propres annualisée de 10,2 %, hors exceptionnels, soit 11,9 % en termes de rentabilité des fonds propres tangibles.
En termes de structure financière, le groupe est bien capitalisé, et le ratio Common Equity Tier 1 plein s'élève à 11,6 % à fin mars.
Globalement, je dirais que ces résultats sont solides et en ligne avec la trajectoire de notre plan de développement 2020.
EBM : Dans le contexte actuel de croissance économique robuste, quels sont les éléments à retenir pour votre pôle de banque de détail domestique ? Comment avancez-vous sur la rationalisation des réseaux d'agences ?
Jean-Laurent Bonnafé : Domestic Markets confirme sa bonne dynamique commerciale au premier trimestre, soutenue par une croissance économique robuste dans la zone euro. De fait, le pôle continue d'afficher une bonne croissance des crédits dans les réseaux de détail et dans les métiers spécialisés, de même qu'une hausse des dépôts dans toutes les régions.
La Banque Privée enregistre une bonne collecte nette ce trimestre ; de son côté, Hello Bank! a attiré 110 000 nouveaux clients ce trimestre.
Domestic Markets développe progressivement des nouvelles expériences clients et poursuit sa transformation digitale. Le pôle accélère l'usage des services bancaires mobiles par les clients avec la mise en œuvre de nouvelles fonctionnalités dans les moyens de paiement. A titre d’exemple, l'acquisition de clients par le biais de canaux digitaux représente déjà un tiers des nouveaux clients et le nombre d'utilisateurs mobiles actifs augmente de 21 % par rapport à l'an dernier, avec en moyenne 17 connexions mensuelles.
Nous adaptons également l'offre aux différents usages bancaires avec Nickel en France, qui a déjà ouvert 900.000 comptes, et la solution universelle de paiement mobile Lyfpay, qui atteint déjà 2 500 téléchargements par jour et qui va être bientôt déployée dans plus de 500 magasins Casino en France.
Parallèlement, nous continuons de simplifier et d'optimiser nos réseaux d'agences. En France, la suppression d’un niveau régional de pilotage sera réalisée cette année, comme cela a déjà été fait chez BNL en Italie ainsi que dans la banque de détail en Belgique. Nous allons ainsi accélérer la prise de décisions, améliorer l'efficacité opérationnelle et réduire les coûts.
En termes de résultats, les revenus progressent de 0,4 % à près de 4 milliards d'euros. Comme je l'indiquais, nous constatons une bonne dynamique commerciale dans nos marchés domestiques, mais comme prévu, nous continuons d'être impactés par l'environnement de taux bas.
Les frais de gestion augmentent légèrement sous l'effet des taxes comptabilisées au 1er trimestre, au titre de l’ensemble de l'exercice en application d'IFRIC 21. Si l’on prend les réseaux de détail uniquement et en excluant l'impact d'IFRIC 21, les charges reculent de 0,3 % en moyenne alors qu’elles augmentent dans les métiers spécialisés du fait de leur développement continu.
Compte tenu de la baisse du coût du risque, en particulier chez BNL en Italie, le résultat avant impôt s'élève ainsi à 658 millions d'euros, soit une réduction de juste 1,5 % hors impact d'IFRIC 21.
En résumé, Domestic Markets montre une bonne dynamique commerciale et des revenus résilients, malgré un contexte de taux bas.
EBM : Au-delà de la zone euro, comment évolue International Retail Banking au premier trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : International Retail Banking confirme sa bonne dynamique commerciale au T1, avec un volume total de crédits en hausse de 3,8 % à périmètre et changes constants.
Commençons par Europe-Méditerranée, où l'activité continue de bien progresser, avec en particulier une hausse des crédits en Turquie et une augmentation des dépôts dans toutes les régions.
Nous continuons de renforcer notre offre digitale. Ainsi, chez TEB en Turquie, nous mettons graduellement en place un nouveau format d'agence qui offre des services numériques grâce à une nouvelle génération de guichets bancaires automatiques.
En avril, nous avons également annoncé le renforcement de notre présence en Pologne avec l'acquisition des opérations bancaires « core » de Raiffeisen Bank Polska. Cela nous permettra d'atteindre une part de marché supérieure à 6 % et de consolider notre 6ème place sur le marché polonais, avec un effet positif sur le bénéfice net par action du Groupe de 1 % d'ici 2020.
À périmètre et changes constants, les revenus d'Europe-Med progressent de 7 %, grâce à la croissance favorable des volumes que j'ai mentionnée. Les coûts augmentent du fait du bon développement de l'activité, mais plus lentement que les revenus. Ainsi, compte tenu de la quasi-stabilité du coût du risque, le résultat avant impôt d'Europe-Méd progresse de 17,6 % au T1 2018, sur une base comparable.
Passons à la banque de détail aux États-Unis, où BancWest confirme sa bonne dynamique commerciale au 1T18, même si en Euros, elle subit bien évidemment la dépréciation de 13 % du dollar US.
À périmètre et changes constants, les crédits progressent de 4,2 %, alors que les dépôts augmentent de 9 % par rapport à l'an dernier.
Les actifs sous gestion de notre banque privée progressent de 11,6 % par rapport à l'année précédente, pour atteindre 13,3 milliards de dollars. Dans le domaine du digital, BancWest a ouvert près de 8 000 comptes en ligne au 1T18, soit deux fois plus que l'année précédente et plus de 20 % du nombre total d'ouvertures de comptes sur la période.
Toujours à périmètre et à changes constants, les revenus progressent de 3,5 %, du fait de l'augmentation des volumes. Les coûts sont bien maîtrisés, et BancWest génère un effet de ciseaux positif de 1,8 pt. Au final, compte tenu d'un coût du risque globalement stable à un niveau très bas, le résultat avant impôt de BancWest augmente de près de 9 % sur une base comparable. Compte tenu de l'effet de change défavorable que j'évoquais, il s'établit à -8,5 % à périmètre et changes historiques.
Pour résumer donc, une bonne dynamique commerciale et une performance opérationnelle solide chez BancWest, mais un effet de change défavorable.
EBM : Personal Finance est un métier en forte croissance avec des positions de leadership en Europe. Quels sont les faits saillants du premier trimestre de l'année ?
Jean-Laurent Bonnafé : Personal Finance continue de montrer un bon dynamisme commercial au T1. Les encours de crédit progressent de 12 % sur base comparable, grâce à une forte demande partout en Europe en lien avec la conjoncture économique favorable et par l'effet positif des nouveaux partenariats. Personal Finance poursuit également, avec succès, l'intégration de l'activité de financement de GM Europe, acquise l'an dernier. Le métier continue sa transformation digitale avec déjà près de 72 % des contrats signés par voie électronique en France, en Italie et en Espagne.
À périmètre et changes constants, les revenus progressent de près de 8 % en lien avec la hausse des volumes et un positionnement sur des produits présentant un meilleur profil de risque. Les coûts augmentent de 4,9 %, hors impact d'IFRIC 21, grâce au bon développement de l'activité.
Le coût du risque est bas et le résultat avant impôt s'élève à 373 millions d'euros, en progression de 5.5 % par rapport à l'an dernier.
Pour résumer, dans un contexte favorable en Europe, Personal Finance maintient sa bonne dynamique commerciale et une forte génération de résultat.
EBM : Comment évoluent vos activités d'épargne en ce premier trimestre ? Avez-vous continué de bénéficier d’une collecte positive ?
Jean-Laurent Bonnafé : Le total des actifs sous gestion de nos activités d'épargne dépasse légèrement la barre des 1 000 milliards d'euros à fin mars, stable par rapport à fin 2017. Au 1T18, nous avons enregistré une collecte nette de 12,9 milliards d'euros, avec une contribution positive de tous les métiers mais les effets performance et de change ont été négatifs.
Si l’on prend tout d'abord l'Assurance, le métier continue d’avoir un bon développement de son activité, tant en termes d'épargne que de protection. Nous constatons une bonne croissance en France ainsi qu’à l'international, et la collecte nette dans les contrats en unités de compte augmente à nouveau de manière significative.
Nous avons poursuivi nos initiatives de croissance, notamment au Japon, où nous allons lancer de nouveaux produits en partenariat avec le réseau SuMiTrust, et en France, où nous lançons ce mois-ci des produits d'assurance d'auto et habitation avec la Matmut.
En termes de résultats, les revenus de l'Assurance progressent de 10,8 % grâce au bon développement de l'activité. L’évolution des coûts reflète le développement continu de l'activité ; et compte tenu de la bonne performance des sociétés mises en équivalence, le résultat avant impôt augmente de 13 % pour atteindre 369 millions d'euros au 1T18.
Passons à la Gestion Institutionnelle et Privée, qui affiche également un bon développement de l'activité dans tous ses métiers.
Wealth Management a annoncé l'acquisition d'ABN Amro Luxembourg ; Asset Management poursuit sa transformation digitale, utilisant pour la première fois la technologie blockchain pour la souscription de fonds ; et de son côté, Real Estate confirme sa forte croissance, particulièrement en Allemagne, où il est un leader dans le segment des services immobiliers.
En termes de résultats, les revenus de la Gestion Institutionnelle et Privée progressent de 2,8 %, malgré de moindres plus-values chez Asset Management par rapport à l'an dernier. Les coûts augmentent en raison du développement de l'activité et ils enregistrent l’impact de certains projets spécifiques chez Asset Management et des coûts liés à l'acquisition de Strutt & Parker au Royaume-Uni. En gardant à l’esprit une reprise de provision non récurrente dans le coût du risque au 1T17, le résultat avant impôt recule de 14 % au 1T18.
En bref, une bonne croissance de l'activité pour nos métiers d’épargne au 1T18.
EBM : La volatilité a récemment fait un retour, mais les conditions de marché ont été généralement contrastées, surtout en Europe. Comment se comportent les différents métiers de CIB dans ce contexte ?
Jean-Laurent Bonnafé : CIB a connu un contexte de marché moins favorable en Europe qu’au premier trimestre de l'an dernier, où les volumes de clientèle avaient été élevés. Cependant, l’activité commerciale du pôle se développe toujours avec succès.
Les revenus de CIB s'élèvent à 2,9 milliards d'euros, en recul de 9,8 % par rapport à une base de comparaison élevée au 1T17, avec un effet de change négatif représentant 2,9 points de baisse.
Prenons les métiers un par un : les revenus de Global Markets reculent de 14,6 %, car le regain de volatilité observé à la fin janvier s'est traduit par un attentisme chez les clients de FICC en Europe et par une hausse des volumes chez Equity & Prime Services.
Les revenus de FICC reculent de 31,4 %, par rapport à une base de comparaison très élevée au 1T17 qui avait enregistré de forts volumes clients en Europe. Nous confirmons notre forte position en émissions obligataires, où nous occupons la 2e place pour toutes les émissions en euros, et la 8e pour toutes les obligations internationales.
Les revenus de l'activité Equities, en revanche, enregistrent une forte croissance (+19,3 %) grâce à la hausse des volumes de clientèle dans les dérivés sur actions.
Dans Securities Services, les revenus augmentent de 5,7 %, grâce à une bonne croissance des actifs en conservation et sous administration. Securities Services continue de gagner d'importants nouveaux mandats (avec Intermediate Capital Group, par exemple) et a finalisé son partenariat stratégique avec Janus-Henderson aux États-Unis, qui porte sur 138 milliards de dollars d’actifs en conservation. Au T1, Securities Services a également annoncé l'acquisition de l'activité de banque dépositaire de Banco BPM en Italie, tout en poursuivant le développement d'offres conjointes en coopération avec Global Markets, par exemple dans des domaines comme l'exécution et la compensation des dérivés ou la gestion du collatéral.
Les revenus de Corporate Banking ont pour leur part enregistré un effet de change défavorable à hauteur de 5,7 points et ont baissé de 8,8 % par rapport au 1T17, qui avait enregistré un niveau de commissions élevé. Dans la zone Amériques, les revenus de Corporate Banking reculent à cause de l’effet de change et de la décision de ne plus financer les hydrocarbures non conventionnels ; ils baissent légèrement en Europe et augmentent dans la zone Asie-Pacifique. Les activités de transaction montrent une bonne performance en Europe et en Asie. Le métier consolide sa position auprès des grandes entreprises en Europe, avec un taux de pénétration de 41 % sur le Cash management, et de 65 % dans le Corporate Banking selon le dernier classement Greenwich Associates. Enfin, je voudrais signaler que le niveau des opérations en portefeuille est bon, avec plusieurs mandats significatifs en cours d’exécution dans les mois à venir.
Concernant les coûts de CIB, ils reculent de 4,7 % par rapport au 1T17, et de 7,2 % si on exclut l'impact d'IFRIC 21. Ils bénéficient des mesures d'économies mises en œuvre par CIB depuis 2016, qui ont déjà généré 297 millions d'euros d'économies récurrentes. CIB continue à être proactif dans ce domaine, comme en témoignent le programme d'automatisation de quelque 200 processus et la mise en œuvre de trois projets « End-to-end » tels que, par exemple, le processus de crédit.
Le Coût du risque est en reprise nette ce trimestre, comme au 1T17, mais dans une moindre mesure.
Au total, CIB a réalisé 558 millions d'euros de résultat avant impôt, soit une baisse de 15 % hors impact d'IFRIC 21 par rapport à un premier trimestre 2017 qui avait bénéficié d'un contexte favorable pour les activités FICC en Europe.
EBM : Vos résultats sont-ils conformes au programme fixé dans votre plan pour 2018 ?
Jean-Laurent Bonnafé : Comme je l’indiquais, BNP Paribas a réalisé une performance solide au cours du trimestre, avec un résultat net de 1,6 milliard d'euros.
L'activité commerciale progresse dans le contexte de croissance économique en Europe et le Groupe renforce ses positions concurrentielles. Les coûts sont bien maîtrisés et le coût du risque se maintient à un niveau bas.
Même si le contexte de marché a été moins porteur en Europe qu’au 1er trimestre 2017, ces résultats sont en ligne avec la trajectoire du plan 2020 et l’atteinte de ses objectifs.
EuroBusiness Media (EBM) : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur-Directeur Général de BNP Paribas, merci beaucoup !
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.