EuroBusiness Media (EBM) : BNP Paribas, l’une des plus grandes banques en Europe, publie ses résultats du premier trimestre 2019. Jean-Laurent Bonnafé, bienvenue ! Vous êtes Administrateur Directeur général de BNP Paribas.
Jean-Laurent Bonnafé : Merci
EBM : Que souhaitez-vous mettre en avant dans les résultats du Groupe au 1er trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : Au premier trimestre, l'activité progresse dans nos trois pôles opérationnels. En début de trimestre, le contexte de marché est resté encore affecté par les conditions de marché extrêmes observées fin 2018, mais il s'est amélioré en fin de période.
Les revenus du Groupe sont en hausse de 3,2 % par rapport au 1er trimestre 2018, soit +3,9 % à périmètre et changes constants. Les revenus des pôles opérationnels progressent de 4,4 %, avec une légère baisse dans Domestic Markets, une hausse significative chez International Financial Services et une augmentation chez CIB, due à la reprise de l'activité clientèle pendant le trimestre.
Les coûts du Groupe sont en hausse de 2,3 % par rapport au premier trimestre 2018, permettant de dégager un effet de ciseau positif. À périmètre et changes constants, et en excluant l'impact des 1,1 milliard d'euros de taxes et contributions annuelles qui sont comptabilisées en quasi-totalité au T1, ils sont en hausse de 1,2 %, accompagnant la reprise de l'activité.
Le coût du risque du Groupe reste bas, à 38 points de base. Il est plus élevé qu'au premier trimestre de l'an dernier, qui avait été particulièrement bas en raison de reprises de provisions chez CIB et Personal Finance.
Après prise en compte de la plus-value sur la vente de 14,3 % de SBI Life et de la dépréciation de survaleurs, le résultat net du Groupe s'établit à un bon niveau, 1,9 milliard d'euros, en hausse de 22,4 % par rapport au 1er trimestre 2018. La rentabilité des fonds propres annualisée, hors éléments exceptionnels, s'élève à 9,7 %, soit 11,2 % en termes de rentabilité des fonds propres tangibles.
L'actif net comptable par action du Groupe augmente à 76,7 euros, soit un taux de croissance annuel de 5,2 % depuis fin 2008, confirmant une création de valeur récurrente au travers du cycle.
Un bon trimestre donc pour la banque.
EBM : Dans l'environnement actuel difficile de taux bas, quels progrès avez-vous faits en matière de coûts et que pouvez-vous nous dire de plus sur la mise en œuvre de votre transformation digitale ?
Jean-Laurent Bonnafé : Dans le cadre de la mise à jour de notre plan 2020 que nous avons donnée en février dernier, nous avons annoncé des économies de coûts récurrentes additionnelles de 600 millions d'euros à compter de 2020, portant à 3,3 milliards d'euros en 2020 le total des économies récurrentes cumulées pour le Groupe. Au premier trimestre, le montant des économies réalisées s'élève à 169 millions d'euros, portant le total cumulé déjà réalisé à 1,3 milliard d'euros depuis le lancement de notre plan. Nous prévoyons de réaliser des économies supplémentaires de 0,5 milliard d'euros cette année, et de 1,5 milliard en 2020.
Parallèlement, au premier trimestre, nos coûts de transformation ont été réduits à 168 millions d'euros.
Cela signifie que nous sommes en bonne voie pour réaliser les objectifs de notre plan de transformation, avec des impacts positifs sur nos coûts tant en 2019 qu'en 2020, qui contribueront à générer un « effet de ciseaux » positif dans chaque pôle opérationnel dès cette année.
S'agissant de notre transformation digitale qui, comme vous le savez, est au cœur de notre plan 2020 et nous aide à dégager les économies de coûts, nous nous adaptons à l'évolution des besoins de nos clients et avons déjà beaucoup avancé en proposant de nouvelles expériences client ainsi qu'une banque plus efficace et plus digitale.
Ainsi, dans Domestic Markets le nombre d'utilisateurs actifs mobiles dans les réseaux a augmenté de 20% par rapport au premier trimestre de l'an dernier, avec une moyenne de 19 connexions mensuelles.
L'expérience client est optimisée partout, avec par exemple plus de 50 % des contrats dans le monde signés électroniquement dans Personal Finance.
A côté des nouvelles expériences client, nous développons aussi la robotique et l'intelligence artificielle. Ainsi, par exemple, plus de 500 robots sont déjà opérationnels dans nos différents métiers afin d'automatiser tous les processus, reportings et contrôles.
Dans l'ensemble, nous réalisons de très bons progrès dans la mise en œuvre de notre plan de transformation digitale partout dans le Groupe.
EBM : Quelle a été la performance des différents métiers dans vos réseaux de détail de la zone euro au premier trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : L'activité commerciale de Domestic Markets augmente au premier trimestre avec une bonne croissance des crédits dans les réseaux de détail et dans les métiers spécialisés, combinée à une hausse des dépôts dans tous les pays.
Domestic Markets continue à simplifier et optimiser ses réseaux d'agences afin d'améliorer le service au client et réduire les coûts. Depuis fin 2016, nous avons ainsi fermé 289 agences en France, en Belgique et en Italie ; nous avons aussi simplifié l'an dernier la structure régionale du réseau français.
Domestic Markets met aussi en œuvre activement la transformation de son modèle opérationnel avec une simplification et une digitalisation de bout en bout de ses principaux parcours clients ainsi que par l'automatisation de ses processus.
En termes de résultat, les revenus sont en légère baisse, à près de 4 milliards d'euros, en raison de l'environnement de taux bas et de l'impact sur les commissions financières en début de trimestre, de conditions de marché encore défavorables, mais qui se redressent cependant graduellement. Ceci est partiellement compensé par le regain d'activité que j'ai déjà évoqué, et par la bonne dynamique des métiers spécialisés.
Les frais de gestion sont en légère hausse, du fait de la croissance des métiers spécialisés, qui affichent cependant un effet de ciseau positif. Dans les réseaux de détail, les coûts ont continué de diminuer. Sur une base comparable, Domestic Markets dégage un effet de ciseaux positif au premier trimestre.
Le coût du risque reste faible, mais plus élevé qu'au premier trimestre 2018, qui était à un niveau très bas ; et celui de BNL continue de baisser. Dès lors, le résultat avant impôt s'élève à 608 millions d'euros, en recul de 7,6 %.
En résumé, Domestic Markets montre une hausse de son activité commerciale et des revenus résilients, malgré le contexte de taux bas et l'impact, en début de trimestre, de la chute des marchés fin 2018.
EBM : Vous avez récemment augmenté votre présence en Pologne. Comment se passe l'intégration de la nouvelle entité ? Plus généralement, comment évoluent vos réseaux de détail à l'international ?
Jean-Laurent Bonnafé : L'intégration de l'essentiel des activités bancaires de Raiffeisen Bank Polska, acquises l'an dernier, progresse bien. La nouvelle entité née de ce rapprochement en Pologne s'appelle désormais BNP Paribas Bank Polska ; elle opérera sous l'enseigne BNP Paribas en Pologne. Nous mettons activement en place les synergies de coût et nous avons fermé au premier trimestre 97 agences dans le cadre de la rationalisation du réseau dans le pays.
Plus généralement, dans Europe-Med, l'activité commerciale montre une croissance des crédits, en particulier en Pologne et au Maroc, et une croissance des dépôts tirée par la Turquie.
Nous continuons de renforcer notre offre digitale et nous comptons déjà 2,5 millions de clients digitaux dans les pays de la zone Europe-Méditerranée.
En termes de résultat à périmètre et changes constants, les revenus progressent de 12 % grâce à l'amélioration des volumes et des marges ainsi qu'au bon niveau des commissions. Les coûts sont en légère baisse, reflétant un bon contrôle et les premières synergies liées à l'intégration en Pologne, générant un effet de ciseaux largement positif ce trimestre. Au total, compte tenu de la quasi-stabilité du coût du risque, le résultat avant impôt d'Europe-Méditerranée progresse de 76 % au T1 2019, sur base comparable. A périmètre et changes courants, le résultat avant impôt recule légèrement en raison de la forte dépréciation de la livre turque et du niveau élevé des éléments non opérationnels comptabilisés au 1er trimestre 2018.
Si nous passons maintenant à la banque de détail aux États-Unis, à périmètre et changes constants, BancWest affiche une progression modérée des crédits par rapport à l'an dernier, tandis que les dépôts restent stables.
Les actifs sous gestion dans notre Banque privée sont en hausse de 8 % à 14,3 milliards de dollars. Côté transformation digitale, BancWest a ouvert près de 15 000 comptes en ligne au premier trimestre, soit 61 % de plus qu'au premier trimestre 2018.
Toujours à périmètre et changes constants, les revenus reculent de 1,7 % du fait d'une baisse des revenus d'intérêts, partiellement compensée par l'augmentation des commissions perçues. Les coûts restent bien sous contrôle, reculant de 1,1 % grâce à la réduction des effectifs et au transfert de certaines fonctions de support en Arizona, un État où les coûts sont moins élevés. En résumé, compte tenu d'un coût du risque toujours bas, le résultat avant impôt de BancWest diminue de 10,7 % sur une base comparable. Après prise en compte d'un effet de change favorable, il s'établit à -1,5 % à périmètre et changes courants.
Pour notre réseau de détail à l'international, une bonne performance d'ensemble, en résumé, avec un effet de ciseau largement positif dans Europe-Med et une bonne maîtrise des coûts pour BancWest.
EBM : Le crédit à la consommation a un métier porteur dans l'environnement actuel de taux bas. Quels sont les points marquants de l'activité de Personal Finance au 1er trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : Personal Finance continue d'afficher un bon dynamisme commercial au premier trimestre. Les encours de crédit progressent de 12 % grâce à une demande toujours forte et à l'effet positif des nouveaux partenariats.
Le métier a lancé en France une nouvelle carte, C-Pay, associée à un crédit revolving qui permet notamment une grande flexibilité dans le choix des options de remboursement. Du côté des partenariats, Personal Finance a signé un nouvel accord commercial en Allemagne avec le principal comparateur de prix, Check 24, en vue de distribuer une carte de crédit assortie d'un crédit revolving.
En termes de résultats, les revenus progressent de plus de 5 % en lien avec la croissance des volumes et le positionnement sur des produits présentant un meilleur profil de risque. Les coûts augmentent de 6 % en raison du développement de l'activité ; cependant, grâce à l'effet graduel des mesures d'économies en cours d'année, Personal Finance confirme son objectif d'effet de ciseau positif pour l'ensemble de l'exercice.
Le coût du risque reste bas, mais il est en augmentation par rapport au premier trimestre 2018, qui avait bénéficié de reprises de provisions. Dès lors, le résultat avant impôt s'élève à 340 millions d'euros, en recul de 8.6 % par rapport à l'an dernier.
Pour résumer, une bonne dynamique commerciale pour Personal Finance au premier trimestre.
EBM : Vos activités d'épargne ont subi l'effet de la forte baisse des marchés à la fin de l'année dernière. Comment évoluent-elles en ce début d'année ?
Jean-Laurent Bonnafé : Le total des actifs sous gestion de nos activités d'épargne augmente sensiblement au premier trimestre par rapport à fin 2018, pour s'établir à 1 075 milliards d'euros à fin mars. Au premier trimestre, nous avons observé un effet performance largement positif lié au rebond des marchés financiers, alors que la collecte nette était freinée par le contexte encore difficile du début du trimestre.
L'activité d'Assurance continue à bien se développer, avec une collecte soutenue dans les contrats en unités de compte et une bonne performance de l'épargne & de l'assurance protection à l'international. Le métier s'engage résolument dans la transition énergétique, avec un objectif de 3,5 milliards d'euros d'investissements verts d'ici fin 2020.
En termes de résultats, les revenus de l'assurance augmentent de 32 % grâce au fort rebond des marchés financiers par rapport à la fin 2018 – car une partie des actifs sont en valeur de marché – et à un bon niveau d'activité commerciale. Les coûts augmentent de 6 %, reflétant le développement de l'activité et générant un effet de ciseaux positif. Le résultat avant impôt augmente ainsi de près de 41 % à 520 millions d'euros au premier trimestre.
Passons à la Gestion institutionnelle et privée. Ce métier a subi l'effet du contexte de marché défavorable en début de trimestre après la chute des marchés à la fin de l'an dernier.
En termes d'activité, Wealth Management s'est vu décerner le prix « Best European Private Banking » pour la troisième année d'affilée. Asset Management continue de simplifier son organisation, lançant de plus sa stratégie globale d'investissement durable, et Real Estate progresse bien en gestion de fonds immobiliers, particulièrement en France et en Allemagne.
En termes de résultats, les revenus reculent de 3,7 %, touchés comme je l'indiquais par les effets persistants de la forte baisse des marchés au quatrième trimestre, que reflète le faible niveau des transactions réalisées par les clients d'Asset Management et de Wealth Management, ainsi que par la base de comparaison élevée de Real Estate l'année précédente. Cela étant, l'activité s'est graduellement redressée en fin de trimestre. Les coûts augmentent de 4,4 % au premier trimestre, soit 3,7 % hors impact d'IFRIC 21. Cette augmentation reflète surtout les coûts de développement de Wealth Management, par exemple en Allemagne, et les coûts d'industrialisation d'Asset Management. Dès lors, le résultat avant impôt est inférieur de 29 % à celui du premier trimestre.
En résumé, une forte augmentation des actifs sous gestion pour nos activités d'épargne au premier trimestre, avec une forte hausse des revenus en Assurance, mais aussi l'impact du contexte défavorable des marchés au début du trimestre dans Wealth & Asset Management.
EBM : L'activité de CIB a également subi l'effet des mouvements de marché défavorables en fin d'année. Qu'en est-il de la performance des différents métiers de CIB ce trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : CIB a enregistré une reprise de l'activité clientèle, malgré un contexte de marché toujours défavorable en début de trimestre. Le pôle était bien préparé pour ce rebond, grâce à la transformation mise en place l'an dernier. Comme prévu, il accélère cette transformation avec la création de la plateforme Capital Markets, regroupant les forces de Corporate Banking et de Global Markets pour répondre aux besoins de financement des clients entreprises, l'arrêt des activités de trading pour compte propre d'Opera Trading et de dérivés sur matières premières aux États-Unis, ainsi qu'avec de nouvelles économies de coûts.
Au T1, les revenus de CIB s'élèvent à 3 milliards d'euros, en hausse de 3,5 % par rapport au premier trimestre 2018.
Si l'on passe les métiers en revue, les revenus de Global Markets augmentent de 1,7 %. Hors transfert des activités liées à la mise en place de la nouvelle plateforme Capital Markets, les revenus progressent de 3,8 %. La performance du premier trimestre est contrastée, avec une hausse de l'activité sur les marchés des taux en Europe et une normalisation graduelle des marchés d'actions après les conditions de marché extrêmes à la fin de l'an dernier.
Dès lors, les revenus de FICC augmentent de 28,5 %, ou de 32,4 % hors mise en place de la plateforme Capital Markets, avec une forte performance dans tous les secteurs, et particulièrement sur les taux et sur le change. Nous confirmons notre forte position en émissions obligataires, où nous occupons la 1ère place pour les émissions en euros et pour les obligations vertes, et la 7ème pour tout l'ensemble des obligations internationales.
Les revenus de l'activité Equities reculent de 29,5 % par rapport à la base élevée du premier trimestre 2018, mais sont en rebond sensible par rapport au 4ème trimestre 2018. Au cours du trimestre, la normalisation de la valorisation des inventaires a compensé le redressement seulement progressif au cours du trimestre de l'activité clientèle.
Passons à Securities Services : les revenus sont pratiquement stables à 516 millions d'euros, reflétant le léger recul du nombre de transactions et l'effet retard des nouveaux mandats obtenus. Securities Services continue en effet d'obtenir de nouveaux mandats, par exemple avec le courtier en ligne CMC Markets dans 11 pays de la zone Asie-Pacifique.
Enfin, les revenus de Corporate Banking augmentent de 8,6 % (soit 5,2 % hors mise en place de la plateforme Capital Markets), en hausse dans toutes les régions ; par ailleurs, la croissance du cash management et du trade finance se poursuit et le métier y confirme son positionnement leader en Europe. Corporate Banking confirme également son positionnement fort dans le segment des crédits syndiqués, où il se classe numéro 2 pour la région EMEA.
Quant aux coûts totaux de CIB, ils progressent de 3,1 % du fait de l'élargissement du périmètre de Securities Services et de l'augmentation de l'activité, générant un effet de ciseaux positif de 0,4 point. Les coûts progressent de seulement 0,8 % à périmètre et changes constants, grâce aux mesures d'efficacité qui ont généré 65 millions d'euros d'économies de coûts au cours du trimestre par l'utilisation accrue de plateformes mutualisée, la mise en place de processus digitalisés de bout en bout et l'automatisation des activités.
En conséquence, le résultat brut d'exploitation est en hausse 5,5 % ce trimestre.
Le coût du risque reste peu élevé, mais augmente par rapport au premier trimestre 2018, marqué par des reprises nettes de provisions. Dès lors, CIB génère 514 millions d'euros de résultats avant impôt, en recul de 7,9 % par rapport au premier trimestre 2018, qui avait bénéficié des reprises de provisions.
Vous le voyez, une belle performance d'ensemble pour CIB, qui bénéficie de l'intensification de sa transformation et du bon développement de sa base de clientèle.
EBM : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur-Directeur Général de BNP Paribas, merci beaucoup !
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.