EuroBusiness Media (EBM) : BNP Paribas, l’une des plus grandes banques en Europe, publie ses résultats du troisième trimestre 2018. Jean-Laurent Bonnafé, bienvenue ! Vous êtes Administrateur Directeur général de BNP Paribas.
Jean-Laurent Bonnafé : Bonjour !
EBM : Que voulez-vous plus particulièrement souligner dans la performance du Groupe au troisième trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : Au troisième trimestre, BNP Paribas a réalisé un bon niveau de résultat net. L'activité commerciale continue de progresser avec une augmentation sur un an de 4,2% des encours de crédit, dans le contexte de croissance économique en Europe.
Les revenus des pôles opérationnels progressent de 0,8% sur une base comparable, avec une forte croissance dans International Financial Services, des revenus en légère baisse pour Domestic Markets dans l’environnement de taux bas, et un contexte qui reste peu porteur pour les activités de FICC au sein de CIB en Europe.
Les coûts des pôles opérationnels augmentent du fait de la poursuite du développement des activités spécialisées de Domestic Markets et d'IFS. Ils baissent cependant dans les réseaux de la banque de détail et chez CIB.
Le coût du risque du Groupe reste bas, à 34 points de base des encours, en ligne avec le niveau du troisième trimestre 2017.
Le résultat net part du Groupe s'élève à 2,1 milliards d'euros, en progression de 4% par rapport au même trimestre de l'an dernier. Hors exceptionnels, il est égal à celui de l'an dernier, et correspond à une rentabilité des fonds propres tangibles de 11%.
En termes de structure financière, le groupe est bien capitalisé et le ratio Common Equity Tier 1 plein progresse à 11,7% à fin septembre.
EBM : Quelle est la performance de Domestic Markets dans le contexte européen actuel ? En particulier, que pouvez-vous nous dire de vos activités italiennes ?
Jean-Laurent Bonnafé : Domestic Markets montre une bonne dynamique commerciale dans le contexte de croissance économique avec une progression des crédits à la fois dans les réseaux de détail et dans les métiers spécialisés, et une hausse des dépôts dans tous les pays.
Les actifs sous gestion de la Banque Privée continuent d'augmenter, tandis que Hello Bank! étoffe sa base de clientèle de près de 14% en un an, à presque 3 millions au total. Nous observons une forte acquisition de clientèle, particulièrement en France, où le nombre de clients de Hello Bank! dépasse les 400 000 à fin septembre.
Domestic Markets développe de nouvelles expériences client et poursuit sa transformation digitale. Le nombre d'utilisateurs mobiles actifs progresse fortement dans les réseaux de détail, et dépasse de 17% le niveau de l'an dernier.
En termes de résultat, les revenus sont légèrement plus faibles à environ 3,9 milliards d'euros, toujours sous l'effet de l'environnement de taux bas, mais partiellement compensé par la bonne dynamique commerciale que j'ai déjà mentionnée et par la forte croissance des métiers spécialisés.
Les frais de gestion sont légèrement plus élevés, sous l'effet du développement des métiers spécialisés, mais ils diminuent de 1,3% dans nos réseaux de détail.
Compte tenu d'une réduction du coût du risque, en particulier chez BNL en Italie, le résultat avant impôt avoisine les 1 milliard d'euros, niveau à peine inférieur à celui de l'an dernier.
Concernant notre filiale italienne BNL, les revenus sont en baisse du fait des taux bas et du choix stratégique de privilégier les entreprises les mieux notées. Certains éléments exceptionnels ont également eu un impact ce trimestre. A l'avenir, nous tablons sur une amélioration de l’évolution, liée à une amélioration des marges.
En tous cas, BNL parvient à réduire ses coûts grâce à la digitalisation en cours et la réduction continue de son réseau d'agences. Son coût du risque continue de s'améliorer sensiblement, à 67 points de base ; il est en bonne voie d'atteindre notre objectif 2020 de 50 points de base. Grâce à cette amélioration, et malgré les turbulences politiques, la rentabilité de BNL s'améliore régulièrement.
Avant de conclure, un mot sur notre banque de détail en France, qui montre une amélioration de l’évolution de ses revenus, avec un revenu net d'intérêts pratiquement stable ce trimestre, grâce à la normalisation du niveau des renégociations de crédits et ainsi qu’à une croissance de l'activité.
En résumé, pour Domestic Markets, nous observons une bonne résilience des revenus, du fait d’une dynamique commerciale positive et malgré la persistance de l'environnement de taux bas.
EBM : Hors zone euro, quelle performance pour votre activité International Retail Banking ce trimestre ? Plus particulièrement, qu'en est-il de vos activités en Turquie ?
Jean-Laurent Bonnafé : International Retail Banking confirme sa dynamique commerciale au troisième trimestre.
Dans Europe-Méditerranée, les encours de crédit et de dépôts progressent, tandis que la mise en œuvre de la transformation digitale se poursuit, comme le montre le succès de nos banques digitales : en Turquie, la clientèle de Cepteteb dépasse la barre des 617 000 clients et en Pologne, BGZ Optima dépasse celle des 220 000 clients.
Nous avons également étendu l'utilisation de la signature électronique, tout en poursuivant l'automatisation des processus grâce à la mise en place de robots.
À périmètre et changes constants, les revenus d'Europe-Méd sont en hausse de 16 %, avec une progression dans toutes les régions, en particulier en Turquie. Les coûts augmentent beaucoup plus lentement que les revenus, dégageant un effet de ciseaux largement positif. Le coût du risque, qui était bas l'an dernier, subit une augmentation en Turquie ce trimestre. Dans l'ensemble, le résultat avant impôt de la zone Europe Méditerranée fait preuve d’une bonne résilience à -5% sur une base comparable, mais il est en baisse de 25% à périmètre et changes historiques, du fait de la forte dépréciation de la livre turque sur la période.
Si l’on regarde plus précisément la Turquie, le coût du risque augmente de quelques dizaines de millions. Cette augmentation est partiellement compensée par l'augmentation des revenus. À l'échelle du Groupe, ces effets sont mineurs, puisque la Turquie représente à peine 2% des engagements totaux du Groupe, et se compose essentiellement de TEB, une banque bien capitalisée, très liquide, et qui bénéficie d'une forte collecte de dépôts.
Si l’on passe maintenant à la banque de détail aux Etats-Unis, BancWest poursuit sa dynamique commerciale au troisième trimestre. Elle a par ailleurs cédé une tranche supplémentaire de 30,3% de First Hawaiian Bank, réduisant sa participation à 18,4%.
À périmètre et changes constants et par rapport à la même période de l'année dernière, les crédits progressent de 1,1%, hors effet d’une opération de titrisation au quatrième trimestre 2017, et les dépôts augmentent de 1,5%.
Les actifs sous gestion de la Banque privée sont en hausse de 11% à plus de 14 milliards de dollars, grâce à une forte collecte nette au troisième trimestre.
BancWest continue également de renforcer son activité cash management en coopération avec CIB ; elle a récemment étendu son offre avec le lancement de trois nouveaux produits.
Toujours à périmètre et à changes constants, les revenus progressent de 0,8%, en lien avec l'augmentation des volumes, tandis que les coûts augmentent de 2%, hors éléments non-récurrents. BancWest génère ainsi 286 millions d'euros de résultat avant impôt, en baisse de 9% par rapport à l'an dernier, mais en hausse de 31,7% à périmètre et changes historiques, du fait de la plus-value réalisée sur la cession de 30,3% de First Hawaiian Bank.
En conclusion, une performance résiliente, ce trimestre, pour International Retail Banking.
EBM : Personal Finance est une activité qui marche bien dans l'environnement actuel de taux bas. Que pouvez-vous nous dire des résultats de ce métier au troisième trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : Ce que je peux dire, c'est que Personal Finance continue de montrer une forte dynamique commerciale au troisième trimestre, avec un encours de crédit en hausse de plus de 13% sur une base comparable, grâce à une demande robuste en Europe et à l'effet positif des nouveaux partenariats. Je vous rappelle par ailleurs que ce métier a acquis l'activité de financement de General Motors Europe, fin octobre 2017.
Personal Finance poursuit également la mise en œuvre de sa transformation digitale, comme le montre l'augmentation sensible du nombre de robots et l'introduction graduelle de chatbots dans plusieurs pays.
En termes de résultats, les revenus progressent de plus de 13% (soit 9,9% sur une base comparable) en lien avec la hausse des volumes et un positionnement sur des produits présentant un meilleur profil de risque. Les coûts progressent de 11%, soit presque 4,4% sur une base comparable, avec un large effet de ciseaux positif. Le coût du risque reste faible, mais plus élevé que le niveau particulièrement bas observé au premier semestre. Ainsi, le résultat avant impôt ressort à 424 millions d’euros, en légère augmentation par rapport à l'an dernier.
En conclusion, dans un contexte favorable en Europe, Personal Finance confirme ses solides performances opérationnelles au troisième trimestre.
EBM : Comment se présente l'activité d'épargne au troisième trimestre ? Et comment évoluent les actifs sous gestion ?
Jean-Laurent Bonnafé : Commençons par l'évolution de nos actifs sous gestion. Ceux-ci progressent à 1 066 milliards d'euros à fin septembre, soit une augmentation annuelle de 2,4%. Sur les neuf premiers mois de l'année, la collecte nette d'actifs atteint 16 milliards d'euros, avec une contribution positive en particulier de Wealth Management et de l’Assurance. L'effet de performance sur la période est négatif, mais presque intégralement compensé par l'intégration, au cours du trimestre, des actifs sous gestion provenant de l'acquisition des activités d'ABN Amro au Luxembourg.
L'activité d'Assurance, continue à bien se développer, avec une forte collecte nette en épargne, tant en France qu'en Italie, et avec une bonne performance en assurance protection en Asie.
De plus, le récent lancement de notre offre d'assurance dommage développée par la coentreprise créée entre Cardif et Matmut, se traduit déjà par le placement de 75 000 contrats dans notre réseau de détail en France depuis le mois de mai.
En termes de résultats, et à base comparable, les revenus d'assurance progressent de plus de 11%, tandis que les coûts augmentent moins que les revenus. Le résultat avant impôt apparait en baisse, en raison de la plus-value réalisée l'an dernier sur SBI Life au troisième trimestre, mais sur une base comparable, il progresse en fait de 7% au troisième trimestre.
Passons à la Gestion Institutionnelle et Privée. Comme je l'indiquais, Wealth Management a finalisé l'acquisition des activités d'ABN Amro au Luxembourg, qui vont renforcer son positionnement auprès des grands entrepreneurs dans le pays. Asset Management s'est vu attribuer la note la plus élevée par le réseau international PRI pour ses activités d'investissement socialement responsable. Real Estate confirme une forte activité commerciale, particulièrement dans son métier de Conseil en Allemagne, en France et en Italie.
En termes de résultats, les revenus de Gestion institutionnelle et privée progressent de 5%, tiré par de l'activité Real Estate. Les coûts augmentent plus rapidement, au vu du développement de l'activité et de certains éléments non récurrents. Compte tenu de la forte performance au troisième trimestre de l'an dernier, le résultat avant impôts enregistre une baisse de 31% par rapport à l’an dernier.
Pour conclure, une bonne croissance de l'Assurance et une poursuite du développement des activités en Gestion institutionnelle et privée au troisième trimestre.
EBM : Le contexte des activités de marché a été plutôt mitigé au troisième trimestre. Quels sont les principaux faits marquants pour les métiers CIB ?
Jean-Laurent Bonnafé : En effet, le contexte a été assez mitigé pour CIB, particulièrement en Europe, mais les activités de CIB se sont montrées résilientes du fait de leur diversification.
Les revenus de CIB s'élèvent à 2,6 milliards d'euros, en recul de 3,5% par rapport au troisième trimestre de l'an dernier. Prenons les métiers un par un. Les revenus de Global Markets sont en baisse de 8% dans un contexte toujours peu porteur pour l'activité FICC en Europe, partiellement compensé par une augmentation des revenus chez Equity & Prime Services.
Les revenus de FICC reculent de 15% par rapport à l’an dernier, avec une activité de la clientèle sur les taux qui est restée faible en Europe, et un contexte de marché peu porteur sur les changes et, dans une moindre mesure, sur le crédit. Néanmoins, le métier confirme sa forte position en émissions obligataires sur les neuf premiers mois de l'année, occupant la première place pour les émissions en euros, et la 9e pour l’ensemble des émissions internationales.
Pour leur part, les revenus de l'activité Equities progressent de 4,5% grâce à une hausse des volumes clients dans l'activité dérivés et à une légère hausse de l'activité Prime Services.
Les revenus de Corporate Banking sont en baisse de 1,9%, mais de seulement 0,4% hors effet du transfert de l'activité de banque correspondante à Securities Services ce trimestre. Corporate Banking affiche une bonne résilience de ses revenus, dans un contexte de marché en recul pour les crédits syndiqués, où le métier confirme son positionnement de numéro 1 de la région EMEA. La banque de transaction continue de bien se développer en cash management et en trade finance ; le métier consolide sa première place dans le domaine du trade finance en Europe.
Corporate Banking met en œuvre activement sa transformation digitale, comme l'illustre le succès de l’acquisition de nouveaux clients sur Centric, notre plateforme digitale, qui comptait plus de 9 400 clients fin septembre.
Les revenus de Securities Services progressent de 5,6% (et de 2,7% hors transfert de l’activité de banque correspondante) grâce à une bonne dynamique commerciale et à l'effet positif des nouveaux mandats. Sur le front de la digitalisation, 40 processus ont déjà été automatisés par le métier, et 35 sont en voie de l'être. Le métier développe de nouveaux services basés sur l'intelligence artificielle pour des choses telles que la génération automatique de documents et les assistants virtuels sur des plateformes client.
Passons aux coûts de CIB. Ils reculent de 0,7% grâce aux mesures d'économies, qui ont déjà généré 413 millions d'euros d'économies récurrentes depuis fin 2016. Poursuivant sa transformation digitale, CIB a déjà automatisé plus de 120 processus sur 200 identifiés, et a commencé à mettre en place les premières fonctionnalités de deux des quatre projets « end-to-end » prévus, à savoir la filière crédit et l'entrée en relation clients.
Dans l'ensemble, compte tenu d'une reprise nette de provisions au cours du trimestre, CIB a généré un résultat avant impôt de 734 millions d'euros, en baisse de 5,6% par rapport à l'année précédente. CIB affiche une bonne résilience de sa rentabilité, avec un rendement des fonds propres avant impôts de 16% sur les 9 premiers mois de l'année, grâce aux mesures d'économies et à la gestion active des ressources financières.
EBM : Comment progresse votre plan de transformation digitale, en particulier dans le domaine des applications de banque mobile et des différents canaux bancaires proposés à vos clients ?
Jean-Laurent Bonnafé : J'ai évoqué à plusieurs reprises notre transformation digitale, qui est mise en œuvre dans tous nos métiers, conformément au plan prévu.
J'ai mentionné le bon développement de nos banques digitales, avec Hello Bank!, qui a su convaincre près de 3 millions de clients ; et nos banques digitales dans International Retail Banking qui affichent au total 840 000 clients, avec une bonne acquisition de clientèle. De plus, en France, Nickel, qui est notre offre simplifiée pour les comptes et les paiements, a franchi la barre du million de comptes ouverts, confirmant son grand succès.
Dans chacun de nos pôles opérationnels, nous déployons activement de nouvelles expériences client.
Dans Domestic Markets, nous continuons d'observer une hausse marquée du nombre d'utilisateurs mobiles actifs, au nombre de 3 millions à fin septembre, en hausse de 17% par rapport à l'an dernier.
En ce qui concerne IFS, nous généralisons l'utilisation de la signature électronique dans les réseaux internationaux et dans Personal Finance où, par exemple, près de la moitié des contrats sont déjà signés par voie électronique ce trimestre.
Pour CIB, le meilleur exemple est la plateforme Centric, déjà citée, que nous avons déjà déployée dans 45 pays, et qui donne accès à 31 applications.
Un autre aspect de notre transformation digitale concerne l'utilisation de technologies innovantes et de l'intelligence artificielle. Des robots ont été introduits dans différentes activités pour exécuter des tâches allant des contrôles jusqu'à l'élaboration de reporting ou à des chatbots.
Chez Asset Management, nous mettons à profit l'acquisition de Gambit, dans le domaine du robot-advisory, pour mettre en place des solutions innovantes destinées à des clients particuliers et à des clients en gestion de patrimoine.
Nous utilisons les tendances nouvelles comme une opportunité pour lancer des produits innovants.
Nous proposons de nouveaux services avec le lancement, en France, de Lyfpay, solution universelle de paiement mobile développée en collaboration avec d'importants groupes de grande distribution. Le nombre de téléchargements de cette application a déjà franchi la barre du million.
Ce ne sont là que quelques exemples de la transformation importante à laquelle nous travaillons. La mise en place de notre plan digital a également contribué à réaliser les économies de coûts récurrentes que nous poursuivons, trimestre après trimestre, et dont le montant cumulé avoisine un milliard d'euros à fin septembre.
EBM : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur-Directeur Général de BNP Paribas, merci beaucoup !
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.