EuroBusinessMedia (EBM) : Sanofi, leader mondial et diversifié de la santé, publie aujourd’hui ses résultats pour le deuxième trimestre 2012. M. Viehbacher, bonjour et bienvenue.
Chris Viehbacher : Bonjour Adrian.
EBM : Vous êtes le Directeur Général de Sanofi. Quels sont vos commentaires sur les résultats du deuxième trimestre 2012 ? Le recul du bénéfice par action (BPA) est-il conforme à vos attentes ou plus marqué?
Chris Viehbacher : Le résultat du deuxième trimestre n’est en aucune manière une surprise. Le 17 mai, nous avons perdu l’exclusivité de Plavix®. Pendant les quelques mois qui ont précédé cette date, Plavix® aura été la molécule la plus vendue dans le monde. Bien entendu, cela fait trois ans que nous préparions cet instant. Nous avons construit toute notre stratégie non seulement pour survivre à la falaise brevetaire, mais surtout pour que l’entreprise connaisse ensuite une période de croissance durable. Bien sûr, les chiffres du trimestre s’en ressentent. Cela restera vrai pour les quatre prochains trimestres, qui seront tous comparés à des trimestres où Plavix® existait encore. Et en effet, cette perte d’exclusivité se traduit par un recul de 17 % du BPA à change constant. A bien considérer la performance sous-jacente et nos plateformes de croissance, j’observe que notre stratégie porte ses fruits et qu’à change constant, nos ventes sont très proches de celles du 2e trimestre l’an dernier. Compte tenu des expirations de brevets dont nous subissons encore l’impact (comme Lovenox® en glissement annuel, ou Eloxatine®), le groupe semble avoir particulièrement bien survécu à la falaise brevetaire, et se trouve aujourd’hui très bien positionné pour la croissance à venir.
EBM : Justement, où en êtes-vous de cette « falaise brevetaire » ? Est-ce la fin ? Ou faut-il encore s’attendre à d’autres expirations de brevets ?
Chris Viehbacher : Les effets de la falaise brevetaire sur l’entreprise sontvisibles de 2 façons différentes. Plusieurs produits, comme Plavix®, Eloxatine® ou Taxotere® en Europe, sont consolidés dans la rubrique du chiffre d'affaires. Considérons un instant les neuf produits qui représentaient le chiffre d'affaires du T2 2009. Le pic des ventes trimestrielles pour ces produits s’élevait à €2,2 milliards. Pour cette même liste de produits, au T2 2012, les ventes ont chuté à €750 millions. Autrement dit, nous avons perdu plus de €1,5 milliard de chiffre d'affaires trimestriel. C’est pourquoi comme nous l’avions prédit, l’année 2011 aura atteint le creux de notre courbe de ventes. Maintenant, en ce qui concerne 2012, la situation est un peu différente. Plavix® et Avapro® ne sont pas consolidés dans notre chiffre d'affaires puisqu’ils relèvent d’une Joint Venture avec Bristol-Myers Squibb. En revanche, ils apportent une contribution non négligeable au résultat du groupe. Depuis le 17 mai, nous avons perdu l’exclusivité de Plavix®. Comme nous l’avions déjà annoncé, pour l’exercice, cette perte d’exclusivité sur Plavix® et Avapro® amputera le résultat après impôt d’environ €1,4 milliard. Cette année, dans la rubrique chiffre d'affaires, nous perdrons également Eloxatine® aux États-Unis, à compter du mois d’août. En revanche, d’ici la fin de l’année, seulement près de 5 % de notre chiffre d'affaires se concentrera sur des petites molécules aux États-Unis et en Europe occidentale. Autrement dit, nous avons survécu à cette profonde falaise brevetaire ; nous en sortons avec une exposition au risque de perte de brevets parmi les plus faibles du secteur. Cela m’incite à considérer avec confiance une période de croissance pour l’avenir.
EBM : Qu’en est-il de votre croissance dans les pays émergents ? Est-elle durable ?
Chris Viehbacher : L’un des grands atouts de Sanofi est sa présence dans les marchés émergents. Sur ce marché, nous sommes numéro 1. C’est la plus importante de nos régions géographiques. Notre chiffre d'affaires y a atteint € 2,8 milliards au 2e trimestre, soit une progression de presque 10 %. C’est une activité que nous menons depuis longtemps ; dans ces pays, notre maillage local est très dense, et notre portefeuille de produits, bien diversifié. Ainsi, notre chiffre d'affaires hors pays BRIC est le double du chiffre d'affaires réalisé au sein des pays BRIC. Bon nombre de nos concurrents sont en Inde et en Chine. Nous sommes également très présents dans des pays tels que la Colombie, le Vietnam et l’Indonésie. C’est cela qui nous a vraiment permis de croître dans les marchés émergents - car ne l’oublions pas, les Marchés émergents comptent plus de 80 pays. Il est impossible de les traiter de manière uniforme : chaque pays a un système de soins de santé et connaît une conjoncture économique qui lui est propre. Ce qui me plaît, c’est qu’il s’agit d’un panier diversifié de pays, ce qui nous permet de réaliser une croissance annuelle plus régulière que certains de nos concurrents. C’est ici, également, que la stratégie de l’entreprise a joué un rôle important. Dans la plupart des Marchés émergents, la population ne dispose pas d’assurance maladie. Chacun paie donc ses médicaments de sa propre poche. Il faut donc proposer une offre de produits compatible avec le portefeuille des clients. C’est pour cela que la Santé grand public est si importante, de même que les Vaccins et les Génériques de marque. Et nous disposons - détail très important - d’une large gamme de produits produits localement. Nous pouvons donc vendre ces produits à des prix compatibles avec les moyens des consommateurs. Les marchés émergents sont donc notre région numéro 1, nous y sommes numéro 1 : c’est l’un des grands atouts de Sanofi. C’est également un avantage concurrentiel que nous comptons bien maintenir, à cause de cette production locale, à cause de notre gamme de produits adaptée et aussi, ne l’oublions pas, car c’est important, à cause de la vaste expérience de notre management. Nous connaissons les marchés, nous connaissons les réglementations et nous connaissons les clients. Je suis donc très confiant sur notre approche des Marchés émergents pour l’avenir.
EBM : Quelles sont vos perspectives dans le domaine du diabète, et particulièrement pour Lantus®, alors que le marché s’interroge sur l’offre de vos concurrents ?
Chris Viehbacher : Avant toute chose, prenons un peu de recul et analysons le marché du diabète. C’est un segment extrêmement stratégique du marché. L’incidence du diabète de type 2 connaît une progression spectaculaire dans le monde. Cela découle à la fois d’un style de vie et de l’urbanisation des populations : l’on estime à 350 millions, cette année, le nombre de personnes atteintes du diabète de type 2. C’est un marché énorme, et bien entendu, dans le cadre du protocole de traitement, la plupart des patients finissent sous insuline. Pour bien des opérateurs, c’est donc un marché attrayant et il est normal que la concurrence s’y intéresse. Nous sommes cependant persuadés de disposer, avec Lantus®, d’une véritable référence. La performance de ce produit reste d’ailleurs extrêmement soutenue. Aux États-Unis, notre part de marché dépasse 80 %, et la croissance du produit, 16 %. Dans l’ensemble, l’activité Diabète progresse de 13 % sur le trimestre, et ce que nous voulons surtout, c’est devenir une entreprise capable de répondre à tous les besoins du patient diabétique. Nous ne proposons pas que Lantus® : Apidra® repart de plus belle, nous avons été en mesure de lancer iBGstar®, un glycomètre qui, loin de mesurer simplement la glycémie sanguine, aide le patient à gérer son diabète. Nous avons un portefeuille de nouveaux médicaments en préparation ; nous attendons l’autorisation de mise sur le marché de Lyxumia® en Europe, et aux États-Unis, nous allons déposer le dossier d’enregistrement de Lyxumia GLP-1 fin 2012. Une nouvelle formulation de Lantus® est en phase III. Ce portefeuille de produits est extrêmement important pour nous ; c’est un moteur de croissance majeur. De toute évidence, Sanofi est désormais un leader incontesté en diabète, et nous comptons le rester encore un bon moment.
EBM : Quels sont les progrès enregistrés par Genzyme dans son activité Maladies rares ? Où en êtes-vous de vos projets de pénétration dans le secteur de la Sclérose en plaques ?
Chris Viehbacher : Tout d’abord, je tiens à souligner que l’intégration de Genzyme s’est parfaitement bien déroulée. Songez donc : nous voulions marier une société française avec une société américaine, une société biotechnologique - qui plus est, l’une des quatre pionnières - avec un géant de la pharmacie. Autant dire que nous avons tout fait pour nous compliquer la vie en termes d’intégration. J’avoue que je suis très satisfait de la manière dont les différentes équipes se sont intégrées. Et je suis très heureux de la manière dont Genzyme a déjà contribué à la croissance de Sanofi. Nous avons redéfini Genzyme, nous l’avons réorienté sur les Maladies rares et la Sclérose en plaques. De toute évidence, l’essentiel de nos efforts devait porter sur la production. Nous savons que l’activité Maladies rares a eu à faire face à des problèmes de production. Nous étions convaincus que l’intégration nous permettrait d’aider l’équipe Genzyme à relancer cette production - ce que nous avons fait cette année. Nous avons à Framingham une nouvelle usine, désormais approuvée. Nous disposons donc d’un surcroît de capacité pour produire Fabrazyme® (contre la maladie de Fabry). Cela nous a permis de simplifier l’usine d’Allston, où sont survenus la plupart des problèmes de production. Nous avons ainsi libéré de la capacité pour la production de Cerezyme®. Aujourd’hui, nous avons donc une usine dédiée pour la production de Cerezyme®, une pour Fabrazyme® et une pour Myozyme®. Et les résultats en témoignent déjà : nous avons enregistré une très forte croissance de Fabrazyme® et récupéré des parts de marché. Pour Cerezyme®, les stocks se reconstituent, et bon nombre de nos patients peuvent à nouveau prendre des doses complètes : l’approvisionnement de Cerezyme® va continuer de s’améliorer. Myozyme® évolue bien aussi. Le plus important pour nous, c’est que nos collaborateurs peuvent à nouveau se consacrer à faire progresser l’activité plutôt qu’à gérer les ruptures de stocks. Le moral et la motivation des collaborateurs de Genzyme s’en portent mieux, car leur mission, depuis toujours, consiste à aider des patients atteints de Maladies rares. Je suis donc très satisfait de l’évolution de cette activité. La croissance a atteint 9 %, avec une progression particulièrement forte pour Fabrazyme®, et la production me semble donc en bonne voie. L’autre projet passionnant chez Genzyme touche au lancement de deux nouvelles molécules majeures pour la Sclérose en plaques. Il y a tout d’abord Aubagio™, thérapie qui présente une efficacité proche du traitement par l’interféron, avec la commodité d’un traitement par voie orale. Les résultats que nous avons publiés montrent non seulement une réduction du taux de rechute, mais aussi un ralentissement de la dégradation des scores d’invalidité. Aubagio™ est de toute évidence une excellente opportunité, suivie de très près par Lemtrada™. En matière de Sclérose en plaques, Lemtrada™ représente un tournant majeur. Nous ne parlons plus d’un traitement à prendre chaque jour, chaque semaine, chaque mois, mais seulement une fois par an. Cinq injections intraveineuses, suivies de trois injections supplémentaires l’année suivante, et c’est tout. Il s’agit là d’un médicament qui semble rééquilibrer le système immunitaire, dont nous avons pu observer certains résultats extraordinaires en termes d’efficacité. Les questions d’innocuité sont tout à fait maîtrisables. Donc si l’on prend les deux produits, l’un, excellent, à administration orale et l’autre, qui a déjà fait la preuve d’une efficacité encore inconnue à ce jour, je pense que tenons là une extraordinaire opportunité dans le traitement de la Sclérose en plaques. Ce qui nous ramène à la raison pour laquelle nous considérons Genzyme comme l’un des principaux moteurs de croissance du groupe.
EBM : Où en sont les perspectives de croissance de votre activité de vaccins, après la récente rupture de stock de Pentacel® ? Et que pensez-vous des résultats de votre étude de preuve de concept pour la molécule du vaccin contre la dengue ?
Chris Viehbacher : Dans cette division, le chiffre d'affaires du trimestre a progressé de 3 % à €783 millions. Nous observons une très bonne croissance sous-jacente ; l’hémisphère sud a connu une saison de grippe particulièrement forte, et même record. Adacel® et Menactra® ont enregistré une bonne performance. Pour l’approvisionnement en Pentacel®, nous faisons face à des limitations qui devraient durer jusqu’au premier trimestre 2013. La production n’est pas interrompue, mais elle n’est pas au niveau que nous souhaitons. Nous avons toutefois une nouvelle opportunité, et c’est notre vaccin IPV au Japon, Imovax®. C’est une excellente opportunité pour nous au Japon, mais également à l’extérieur. Maintenant qu’il n’y a plus eu de nouveaux cas de polio en Inde, nous allons graduellement passer du vaccin antipolio oral vers le vaccin IPV au cours des prochaines années. Sanofi est particulièrement bien placé pour le faire et pour en tirer profit. Pour le vaccin contre la dengue, nous avons annoncé une étude de preuve d’efficacité. Il est important d’avoir conscience qu’il s’agit d’un vaccin tétravalent. Nous avons fait la preuve que nous pouvions générer une production d’anticorps pour chacun des quatre sérotypes du virus. C’était la toute première étude d’efficacité d’un vaccin contre la dengue dans le monde. Nous sommes donc très heureux de constater qu’il y a eu une protection contre trois des quatre sérotypes. Pour ce vaccin, appelé à être utilisé dans une population extrêmement vaste, le profil d’innocuité est extrêmement important, et nous avons vu pour ce vaccin des résultats extrêmement satisfaisants en la matière. Le quatrième sérotype n’a pas réagi au virus qui circule en Thaïlande, et des travaux sont en cours pour tenter de le comprendre. Bien entendu, nous poursuivons l’important programme de phase III ; une autre étude majeure est en cours en Amérique latine et une autre, en Asie. Aucun traitement de la dengue n’existe à ce jour. Près de la moitié de la population mondiale court le risque d’une infection à la dengue. Toute épidémie de dengue peut constituer pour les hôpitaux une charge majeure. Il est donc essentiel, tant d’un point de vue de santé publique que du patient, de proposer à la population un certain niveau de protection puisqu’aucun traitement n’existe encore. Ce projet me paraît appelé à devenir un important contributeur à notre activité vaccins.
EBM : L’inhibition du PCSK9 dans le traitement du cholestérol donne lieu à un buzz inouï en ce moment. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ce projet de R&D vous passionne ?
Chris Viehbacher : L’anti-PCSK9 est un anticorps totalement humain, administré par voie sous-cutanée, pour l’enzyme PCSK9, qui se lie aux récepteurs responsables de la clairance du cholestérol. Chez certaines personnes bénéficiant naturellement de taux de cholestérol très bas, l’on a observé une mutation génétique concomitante à l’absence de PCSK9. L’hypothèse était donc la suivante : supprimer l’enzyme permettrait-il à l’organisme d’éliminer le cholestérol ? En testant cette hypothèse, nous avons observé qu’elle se vérifiait. Nous avons d’ailleurs observé quelques résultats extraordinaires dans trois études de phase II, où nous avons été en mesure de réduire le LDL-cholesterol de près de 70 % en plus de fortes doses de statines. En analysant les besoins non rencontrés, nous distinguons plusieurs situations. Certaines personnes souffrent d’hypercholestérolémie familiale, avec des taux de cholestérol très élevés même après la prise de statines. Certains patients sont intolérants aux statines, et sont donc totalement désarmés pour tenter de réduire leur taux de cholestérol. Enfin, troisième aspect, certaines populations de patients ont déjà subi une crise cardiaque. Ces patients pourraient bénéficier d’une extraordinaire opportunité d’éviter une deuxième crise cardiaque en maintenant leur taux de cholestérol à un niveau proche de 50 - si l’on utilise l’unité américaine de mesure du LDL-Cholestérol. Dans la plupart des cas, ces patients n’y arrivent pas avec les traitements existants. C’est donc une fantastique opportunité pour les personnes intolérantes aux statines, à celles qui ont déjà subi un infarctus ou un autre problème cardiovasculaire, ou pour les personnes présentant naturellement des taux élevés de cholestérol et qui ont besoin de substances plus puissantes pour réduire ces taux. L’on estime cette population à un total de 21 millions de personnes. Manifestement, plusieurs de nos concurrents visent cette même cible. À ce jour, l’anti-PCSK9, que nous développons en collaboration avec Regeneron, a le potentiel d’être la première molécule de sa classe, et nous semblons disposer d’une confortable avance. Il s’agit donc d’un projet particulièrement intéressant, qui vient de passer en phase III, et dont nous attendrons les résultats avec impatience.
EBM : Lorsque vous avez rejoint Sanofi, en 2008, vous avez mis en place une stratégie destinée à surmonter la falaise brevetaire et à transformer le groupe ; l’un des piliers de cette stratégie consistait à accroître le poids de l’innovation dans l’activité de R&D. Où en êtes-vous aujourd’hui ? Quels progrès ont été réalisés ?
Voilà bientôt 25 ans que je suis dans ce secteur. À mon équipe, je ressasse jusqu’à saturation que ceci est la quatrième falaise brevetaire de ma carrière. L’objectif réel de la stratégie du groupe, c’est d’en éviter une cinquième. Et pour cela, il faut réduire la dépendance de l’entreprise aux brevets et aux inévitables incertitudes qui entourent la R&D. C’est pour cela que nous avons investi dans des plateformes de croissance. Il s’agit de métiers dont les barrières à l’entrée ne doivent rien aux brevets : dans le cas des Vaccins, c’est le savoir-faire ; dans le cas de la Biologie, c’est l’important volume de capitaux à investir ; il peut aussi s’agir des Marchés émergents, où la propriété intellectuelle n’a jamais vraiment eu droit de cité ou encore de la Santé grand public, où ce sont les marques qui protègent véritablement l’activité. Cela dit, ce tournant nous a permis de renouer avec une croissance qui ne nous met plus à la merci de la R&D et des brevets. Mais ce tournant ne visait pas à renoncer à de l’innovation.
L’innovation sera toujours le cœur de métier du groupe. Désormais, nous bénéficions d’une perspective de croissance durable qui nous permet de mettre vraiment l’accent sur une activité de R&D de la meilleure qualité et d’éviter cette routine qui nous oblige à toujours avoir un certain nombre de projets en cours en risquant des compromis sur la qualité. Il y a trois ans, nous avons complètement révisé notre activité de développement. Nous voulions la rendre beaucoup plus efficiente, mais surtout plus rigoureuse, car c’est pour le « D » de R&D qu’a lieu l’essentiel des dépenses. Dès ma nomination à la tête du groupe, nous avons soumis notre portefeuille à une version « pharma » des stress tests bancaires. Nous avons décidé d’abandonner 40 % de notre pipeline de produits presque à maturité. Du jamais vu dans le secteur ! Mais cet exercice nous a permis de structurer nos critères de décision ; aujourd’hui, plus aucun projet n’est mis en développement avant une validation rigoureuse du concept et la confirmation de la véritable valeur du produit sur le marché.
Depuis peu, nous nous concentrons sur le « R » de R&D, la Recherche. Dans notre métier, c’est le lieu de l’innovation. Or nous n’avions connaissance d’aucune autre entreprise qui aurait développé véritablement un nouveau modèle. Nous voulions nous démarquer, aussi avons-nous opté pour une approche toute différente. Il s’agit d’une approche qui se base beaucoup plus sur la collaboration avec les institutions universitaires, avec les sociétés de biotechnologie : la science est devenue si extraordinairement complexe… Aucune institution, aucune entreprise ne peut tout faire seule en R&D. L’avenir, c’est le travail en collaboration. Et c’est justement pour cela qu’il faut disposer d’équipes propres de recherche, profondément intégrées dans les meilleurs écosystèmes de recherche qui existent. Un écosystème est l’espace où se trouvent les plus prestigieuses universités mondiales, les institutions de recherche académiques disposant de financements publics, les fournisseurs de capital-risque et les entreprises de biotechnologie, le lieu où évoluent les plus brillants des esprits qui se consacrent à la recherche dans le monde. C’est le cas par exemple de Boston et Cambridge. Nous avons donc entrepris de réorganiser toute notre structure de recherche, en Europe et aux États-Unis, pour les aligner sur ces écosystèmes. Nous venons de faire de même en France, où nous allons aligner notre recherche sur les écosystèmes internationalement reconnus que sont Lyon, Strasbourg et Paris. Nous avons la conviction de pouvoir ainsi participer aux meilleurs travaux scientifiques dans le monde, et de diversifier nos sources d’innovation. C’est pour cela que nous avons créé un centre en Chine, que nous en avons un autre en Allemagne, un en France, et un aux États-Unis, basé à Boston et à Cambridge. Cette réorganisation commence déjà à porter ses fruits, et je pense qu’elle emportera Sanofi vers une nouvelle ère de recherche et d’innovation.
EBM : Pour conclure, confirmez-vous votre guidance d’un recul de 12 à 15 % de votre bénéfice par action pour l’exercice ?
Chris Viehbacher : Je pense que l’activité évolue favorablement. Pour le premier semestre, elle est en ligne avec les perspectives annoncées pour l’ensemble de l’année.. Nous avons enregistré une très bonne performance sur nos plateformes de croissance. Manifestement, nous maîtrisons très bien nos coûts, et je pense que tout évolue au mieux. Bien entendu, nous avons perdu Plavix® et Avapro® cette année, comme prévu. Cela se traduira, en termes de résultat, par un impact de €1,4 milliard dans le résultat net, comme nous l’annoncions déjà l’an dernier. C’est cette perte d’exclusivité qui va nous coûter cette année un recul du bénéfice de 12 à 15 %. En revanche, à bien considérer nos activités, l’entreprise se porte bien, malgré une conjoncture macro-économique défavorable dans de nombreuses parties du monde. Je suis confiant dans nos capacités à être en mesure de réaliser notre guidance pour l’exercice.
EBM : Chris Viehbacher, Directeur Général de Sanofi, je vous remercie.
Chris Viehbacher : Merci, Adrian.