EuroBusiness Media (EBM) : Nexity, première société de services intégrés dans les métiers de l'immobilier en France, publie ses résultats pour l'année 2015. Alain Dinin, bonjour. Vous êtes le Président-Directeur Général de Nexity. Alors, première question: que faut-il retenir principalement de l'année 2015 ?
Alain Dinin : Je retiens trois événements. Le premier : 3 Md€ de chiffre d'affaires qui est un score historique pour Nexity, 16% de croissance par rapport à l'année dernière. Le second : 20% d'augmentation de notre résultat d'exploitation, donc plus important que l'augmentation de chiffre d'affaires, je veux dire qu'on aime bien gérer l'entreprise et qu'on est dans une entreprise qui est solide. Troisième évènement, ou troisième élément majeur pour moi : nous, les dirigeants, plus Arkéa, en action de concert, représentons aujourd'hui le principal actionnaire, parce que, comme vous le savez, en 2015 BPCE s'est désengagé progressivement de Nexity, et les dirigeants et Arkéa, qui est le groupe Crédit Mutuel de Bretagne, a décidé de prendre une participation significative ; nous représentons environ 20% du capital, et donc à partir de là, nous nous mettons dans une dynamique et de croissance et d'évolution de nos organisations dans une dimension qui me semble plus forte et plus dynamique encore que les années précédentes.
EBM : Quelles sont vos perspectives pour l'année 2016 ?
Alain Dinin : Alors, justement, à partir de ces éléments-là, on va rajouter un 4ème élément, qui est que notre endettement net est à peine supérieur à 100 M€, qu'on a généré du free cash flow, qu'on a donc des capacités de nos ambitions dans les différents marchés, et comme vous le disiez Nexity c'est une société de services à l'immobilier donc qui a des métiers, et chacun de ces métiers a sa propre stratégie de développement.
Par exemple, nous sommes le premier opérateur dans le résidentiel en France, je sens que le marché est plutôt dynamique, d'ailleurs l'ensemble des stakeholders et des gens qui regardent les marchés financiers trouvent que l'immobilier en France est assez sain, parce qu'il y a pas de stock, parce qu'il y a pas eu de survaleur, parce qu'il n'y a pas de bulle immobilière, les taux d'intérêt sont bas. Donc on va continuer à croître en part de marché dans ce secteur-là.
En matière d'immobilier entreprise on va continuer de penser à l'évolution des différents métiers, de la façon dont il convient de travailler dans les bureaux avec les nouveaux systèmes d'information, la nouvelle façon de travailler donc va transformer au fond ce métier de la pure fabrication de bureaux en un métier de services aux entreprises.
Et puis dans les métiers de l'administration de biens, qui est un métier que l'on a historiquement depuis 2007, enfin les marges s'améliorent et puis on passe aussi sur des métiers comme la gérance en ligne, comme un certain nombre de sujets sur la dématérialisation de toute la partie administrative pour s'orienter vers une démarche très clairement client.
Donc, autour de ces éléments-là, de la capacité de ce groupe, sa capacité financière, des marchés plutôt dynamiques, des considérations si on est essentiellement sur le domaine français qui font que la production de logements, la production d'immobilier, l'ensemble du secteur est poussé par les pouvoirs publics parce qu'il est pourvoyeur de main d'œuvre. Donc ces éléments-là donnent une année 2016 qui sera assez stable en terme de chiffre d'affaires, parce que nous sommes dans des éléments de carnets de commandes, il y a un cycle, mais par contre, encore une fois, une amélioration de notre taux de marge avec une croissance de notre résultat qui devrait être de l'ordre de 7% à 8%, aux alentours de 235 M€ et des capacités financières intactes.
EBM : Votre projet stratégique se repose en partie sur le digital et l'innovation. Qu'est-ce que cela veut dire dans vos métiers ?
Alain Dinin : Alors, il faut pas se tromper en matière d'innovation. L'innovation ce n'est l'utilisation d'objets techniquement nouveaux ou digitaux, comme vous l'évoquez là. Je pense que l'innovation, c'est un ensemble de comportements qui vont s'appuyer sur des éléments techniques nouveaux. Comme la digitalisation, comme la dématérialisation des factures tout à l'heure. Mais ce que l'on peut regarder comme l'innovation, c'est aussi de nouveaux modes de partenariat avec un opérateur immobilier, avec lequel nous avons annoncé avoir pris une participation majoritaire, mais qui va rester au capital, sous une marque différente de celle de Nexity pour approcher différemment nos clients. C'est une forme d'innovation.
Le bâtiment connecté ou les modes de travail à distance comme les sujets autour de ce que nous appelons Blue Office, qui est une organisation du travail permettant aux gens de travailler pas forcément dans les locaux de leur entreprise mais plus proche de leur lieu d'habitation pour leur favoriser un système de vie, tous ces éléments-là font partie des métiers de l'innovation.
Là-dessus il faut avoir en tête que tout va pas fonctionner. Je dirais que même majoritairement il faudrait que tout ne fonctionne pas bien, parce que sinon nous ne prenons pas de risques. Or il faut, si on veut être en avant-garde, si on veut être une société en avance, il va convenir de prendre ces risques-là et donc on va investir, on a investi l'année dernière un peu plus de 20 M€ et on va investir sur la période des 4-5 prochaines années 20 M€ chaque année dans ces nouveaux métiers, ces nouvelles approches client. De quelle façon doit on s'occuper des divisions familiales, de quelle façon doit on s'occuper du vieillissement de la population, des mixités de populations sur le même lieu d'habitation, etc. ? Tous ces éléments là c'est ce que je mets dans la partie stratégie et digital.
Et la croissance externe avec de nouveaux partenaires dans des architectures ouvertes, ça fait partie aussi de l'innovation.
EBM : Vous avez une ambition d'atteindre un résultat opérationnel de 300 M€ en 2018. Comment comptez-vous atteindre cet objectif ?
Alain Dinin : Alors, d'abord comme vous le savez, notre métier en matière de promotion immobilière c'est un métier de carnet de commandes. Donc déjà nous avons 18 mois de carnet de commandes devant nous, donc nous savons d'avance les 18 prochains mois de 85% de notre chiffre d'affaires et de nos résultats. Ensuite on sait que nous avons la capacité d'améliorer nos marges, non pas parce que nous avons augmenté les prix parce que quand vous regardez les prix de l'immobilier chez Nexity ils sont globalement stables, simplement parce que par les nouveaux modes de commercialisation, la nouvelle approche client, les datas, etc. on a réussi à réduire nos coûts, nos prix de revient de contact au client. Et puis on a l'amélioration dans les services. Un peu de croissance externe. Et puis aussi le fait que dans ces situations de marché quand même la taille a de l'importance. Nous sommes le premier opérateur de services immobiliers en France, donc quelque part nous sommes une forme d'aspirateur, d'aimant d'un certain nombre de sujets donc je suis assez confiant sur ces sujets-là.
Après la question qui se posera ça sera, une fois qu'on dit qu'en 2018 les 300 millions sont atteignables, il y a encore de l'effort à faire, est-ce qu'on va avoir des choses à annoncer en 2017, en 2018, en 2019 ? Et ça c'est tout le projet de l'entreprise qui est de l'emmener vers une stratégie qui sera de croissance, de rendement, et les deux en même temps, et donc c'est aussi pour ça que cette année, au-delà de la croissance de nos résultats tel que nous le prévoyons, on s'est dit aussi qu'il fallait qu'on évolue sur notre rendement, en plus l'action a pris un peu de valeur, donc un rendement supérieur à 5% nous va bien, et €2,20 pourrait devenir notre prochaine guidance de dividende, comme on l'a fait dans les 5 dernières années sur les €2.
EBM : Alors on a certes aujourd'hui de bonnes nouvelles, mais est-ce qu'il n'y a pas une inconnue importante pour vous en 2017, année électorale en France lorsqu'on sait qu'il y a souvent des interdépendances entre le politique et le secteur de l'immobilier ? Une réaction ?
Alain Dinin : Alors, d'abord j'ai deux réactions. Sur le plan politique, je suis assez serein. Je suis à mon 20ème Ministre du logement. On a vu passer depuis les 30 dernières années de nombreux thèmes sur ces sujets-là, à chaque fois il y a un coup de balancier dans un sens et il y a un coup de balancier dans l'autre. Alors peut-être qu'on 2017 il y aura un moment où les choses vont re-flotter mais de la même façon que, de façon claire, Nexity a profité de ces coups de balancier, on continuera de le faire. Mais la stratégie de Nexity au milieu de ça, c'est de commencer à s'isoler de cette dimension politique et d'avoir suffisamment de métiers dans le panel et dans le portefeuille de Nexity pour être de moins en moins dépendant et d'être de plus en plus résilient. Si vous regardez nos résultats sur la longue période, si vous remontez à l'introduction en bourse de Nexity en 2004, et bien, année après année, bonne année, mauvaise année, sujet politique, croissance mondiale, crise financière, taux d'intérêt etc. on a réussi à tenir nos résultats, à annoncer nos résultats, à les tenir, y compris sur des périodes longues, à compenser un certain nombre de baisses de résultats certaines années par un dividende stabilisé, ça reste la stratégie de Nexity et c'est comme ça qu'on va piloter cette entreprise pour les 3 à 5 prochaines années.
EBM : Alain Dinin, je vous remercie.
Alain Dinin : Merci beaucoup.