EuroBusiness Media (EBM) : BNP Paribas, l’une des banques leader en Europe, publie ses résultats annuels 2015. Jean-Laurent Bonnafé, bienvenue !
Jean-Laurent Bonnafé : Bonjour !
EBM : Quels sont vos commentaires sur les résultats 2015 du Groupe ?
Jean-Laurent Bonnafé : En 2015, BNP Paribas a réalisé une bonne performance d’ensemble.
Dans les pôles opérationnels, nos revenus sont en hausse de 9,1% avec une hausse dans tous les pôles, et le résultat avant impôt progresse de 13% par rapport à 2014.
Le coût du risque du Groupe reste globalement stable à un niveau modéré à 54 points de base.
Dans l’ensemble, BNP Paribas a réalisé cette année un résultat net de bon niveau, à 6,7 milliards d’euros, soit 7,3 milliards d’euros hors exceptionnels. Sur une base comparable, cela représente une amélioration de 7,3% par rapport à l’an dernier. Le ROE 2015 hors exceptionnels atteint ainsi 9,2%, soit une rentabilité des fonds propres tangibles de 11,1%.
Cette rentabilité élevée se traduit en une amélioration des ratios réglementaires ; ainsi, le ratio Common Equity Tier 1 atteint 10,9% et le ratio de levier 4% en fin d’année.
Nous avons à nouveau créé de la valeur pour nos actionnaires : l’actif net comptable par action atteint 70,9 euros à la fin de l’exercice, soit une croissance annualisée de 6,5% depuis 2008 ! Nous avons également proposé le paiement d’un dividende de 2,31 euros par action, soit un taux de distribution de 45 % conforme à notre objectif.
Ces résultats confirment le bon déroulement de notre plan de développement et nous avons par ailleurs commencé à préparer le nouveau plan 2017 à 2020, que nous comptons présenter l’an prochain.
EBM : Le coût du risque semble actuellement sous contrôle. Cela risque-t-il de changer, au regard du ralentissement économique en Asie et de la baisse du prix du pétrole ?
Jean-Laurent Bonnafé : Comme je le disais, notre coût du risque est resté modéré en 2015. D’ailleurs, grâce à notre forte diversification, il est resté modéré depuis plusieurs années déjà. Depuis 2012, ainsi, il se maintient dans une fourchette très étroite de 54 à 59 points de base.
Bien entendu, nous suivons de très près l’évolution des activités liées à l’Asie et au pétrole, mais nous n’avons à ce stade pas de raison d’attendre une dégradation sensible de notre coût du risque. En 2015, si l’on regarde le pôle CIB-Corporate Banking, qui est celui susceptible de subir les effets que vous évoquez, le coût du risque est inchangé à 12 points de base par rapport à l’année précédente.
Il faut garder en tête que seul un segment restreint de la chaîne de valeur du secteur pétrolier est spécifiquement impacté par la baisse des prix du baril. Je vous rappelle aussi que nous avons cédé, en 2012, notre activité de crédits adossés à des réserves d’hydrocarbures aux États-Unis, et sensiblement réduit notre activité de financement des secteurs des matières premières et de l’énergie depuis 2013.
Au-delà, au niveau du Groupe, il faut se souvenir qu’en Italie, par exemple, nous avons encore amplement matière à améliorer notre coût du risque, compte tenu du repositionnement de notre portefeuille de crédits et de l’amélioration de la conjoncture économique.
EBM : Les taux d’intérêt européens restent bas. Comment s’est comporté le pôle Domestic Markets en 2015, dans ces circonstances ?
Jean-Laurent Bonnafé : Domestic Markets a bien géré les pressions induites par ces taux bas. Sur fond de reprise économique en Europe, les encours de crédit de Domestic Markets progressent de 1,6% grâce à l’amélioration de la demande et les dépôts progressent très sensiblement dans tous nos métiers.
Les revenus de Domestic Markets progressent de 1,6% à 15,9 milliards euros. Cette bonne performance est tirée par l’activité de Banque de détail en Belgique et nos métiers spécialisés : Arval, Leasing Solutions et Personal Investors. L’environnement de taux bas pénalise en revanche bien sûr nos revenus d’intérêt, particulièrement en France et en Italie.
Nos coûts ont été impactés par des charges exceptionnelles chez BNL, essentiellement dues au plan de sauvetage de 4 petites banques italiennes. Hors ces éléments et à base comparable, la bonne maitrise de nos coûts est confirmée.
Grâce à la baisse de notre coût du risque, particulièrement en Italie, le résultat avant impôt progresse de 6,4% à 3,6 milliards d’euros.
En d’autres termes je dirais donc: une bonne performance d’ensemble en 2015 pour Domestic Markets.
EBM : dans les métiers de banque de détail, il est beaucoup question de banque digitale. Qu’est-ce que cela implique pour vous ?
Jean-Laurent Bonnafé : BNP Paribas développe activement son offre digitale à tous les niveaux du groupe. Dans la banque de détail, nous avons lancé Hello Bank!. Cette banque digitale 100% mobile se développe rapidement dans cinq pays de la zone euro et compte déjà 2,4 millions de clients. International Retail Banking propose déjà par ailleurs une offre digitale en Pologne, avec BGZ Optima, et en Turquie avec Cepteteb.
Simultanément, nous adaptons en permanence nos réseaux de banque de détail. Par exemple, Domestic Markets réalise depuis un certain temps l’optimisation des réseaux et la différenciation des formats d’agences.
L’évolution des attentes et des comportements des clients, mais aussi celle de notre environnement du fait de la transformation digitale, ont incité notre division Domestic Markets à formuler ses ambitions à moyen terme, qu’elle compte mettre en œuvre dans les prochaines années. Nous avons ainsi l’intention de capitaliser sur nos forces spécifiques. Je pense à notre modèle intégré de distribution multi-canal, à l’optimisation des réseaux dont je parlais à l’instant, à Hello Bank ! et à nos capacités d’innovations technologiques ainsi qu’illustré par L’Atelier, la cellule de veille technologique et d’analyse de l’innovation de BNP Paribas, active sur trois continents.
Nos ambitions portent sur notre capacité à créer des modèles de service digitalisés et différenciés, à réinventer le parcours client en vue de couvrir tous ses besoins potentiels et mettre au point des offres de service complètes, à l’image par exemple de notre nouveau service Arval Active Link d’optimisation de la gestion de parcs automobiles.
En bref, chez Domestic Markets, nous voulons accélérer notre transformation digitale et personnaliser davantage nos services dans tous les segments de clientèle.
Bien entendu, Domestic Markets et International Retail Banking partageront leur expérience, dans un esprit de mutualisation visant à renforcer leurs offres digitales respectives.
EBM : Chez International Retail Banking, comment ont évolué les marchés retail émergents en 2015 ? Comment l’intégration de la banque Bank BGZ en Pologne progresse-t-elle ? Le relèvement des taux aux États-Unis a-t-il eu un impact positif sur votre activité retail ?
En 2015, dans Europe-Méditerranée nos activités sont restées dynamiques dans toutes les zones.
En Pologne, l’intégration de la Banque BGZ est en bonne voie, créant ainsi une banque de référence dans ce pays, au 7eme rang avec une part de marché de 4 %. Du fait de cette intégration, nous comptons générer 94 millions d’euros de synergies supplémentaires d’ici 2017.
Dans l’ensemble, la croissance des volumes de prêts et de dépôts est restée bonne dans Europe-Méd.
À périmètre et change constants, les revenus progressent de 10%, en ligne avec la progression des volumes. Les coûts augmentent moins que les revenus, conduisant à une croissance à deux chiffres du résultat brut d’exploitation. Le coût du risque reste globalement stable, permettant d’améliorer, à périmètre et change constants, de 8,2% le résultat avant impôt qui s’établit ainsi à 483 millions d’euros en 2015.
Aux États-Unis, BancWest n’a pas encore bénéficié du relèvement des taux, intervenu seulement en fin d’année et qui reste évidemment d’une ampleur encore limitée.
L’activité commerciale de BancWest n’en est pas moins très soutenue dans un contexte économique favorable, avec une poursuite de la croissance des dépôts et des crédits. La banque privée poursuit sa progression : nos actifs sous gestion dépassent désormais les 10 milliards de dollars.
À périmètre et change constants, les revenus 2015 progressent de plus de 6%, surtout grâce à une augmentation des volumes. Les frais de gestion continuent de refléter l’augmentation des coûts réglementaires. Hors cet effet, ils augmentent de 5,3% sur l’exercice. Dans un contexte économique favorable, le coût du risque reste très bas et le résultat avant impôt dépasse légèrement 910 millions d’euros. En euros, cependant, il progresse en fait de plus de 24% grâce à l’appréciation du dollar US sur la période.
EBM : Comment s’est déroulée l’année 2015 pour Personal Finance, le leader européen du crédit à la consommation ?
Jean-Laurent Bonnafé : En 2015, Personal Finance a réalisé une très bonne performance, avec une augmentation des encours de 15% incluant LaSer et de 4,3% sur une base comparable, dans un contexte d’amélioration de la demande dans la zone euro.
Personal Finance poursuit son expansion grâce à de nouveaux partenariats dans les secteurs du financement automobile, de l’énergie et des partenariats bancaires tels que ceux menés avec CajaMar en Espagne ou Poste Italiane en Italie.
Les revenus dépassent 4,7 milliards d’euros, tirés par les très bonnes performances en Allemagne, en Belgique, en Italie et en Espagne. À périmètre et change constants, les coûts augmentent moins vite que les revenus, et le coût du risque recule légèrement.
Personal Finance enregistre ainsi une progression à deux chiffres de son résultat avant impôt à 1,35 milliards d’euros.
Ainsi, 2015 aura été encore une bonne année pour Personal Finance qui consolide son leadership européen.
EBM : Comment évoluent vos activités d’épargne et d’assurance au cours de l’année ?
Jean-Laurent Bonnafé : En 2015, nos activités d’épargne et d’assurance affichent un bon niveau de collecte nette dans tous les métiers. Le total des actifs sous gestion progresse de près de 7%, à 954 milliards d’euros en fin d’année.
Si l’on regarde tout d’abord l’Assurance, elle continue de développer avec succès ses activités, avec un chiffre d’affaire en hausse à 28 milliards en 2015. Les revenus progressent ainsi de 5,7% à 2,3 milliards d’euros, les coûts reflétant le développement continu de l’activité.
Au total, l’Assurance génère un résultat avant impôt très solide, 1,3 milliards d’euros, en progression de 6,8% par rapport à l’année précédente.
Dans Gestion Institutionnelle et Privée les revenus progressent dans tous les métiers, à plus de 3 milliards d’euros en 2015. Notre bonne maîtrise des coûts permet de dégager un effet de ciseau positif, conduisant à une amélioration de 4% du résultat avant impôt, à 740 millions d’euros.
En résumé, l’ensemble de ces métiers affiche une bonne performance pour 2015, avec une contribution accrue aux résultats du Groupe.
EBM : Plusieurs de vos concurrents ont déjà commencé à déleverager leur division CIB. Comptez-vous vous faire de même ou adopter une autre approche ?
Jean-Laurent Bonnafé : Tout d’abord, je voudrais commenter la performance 2015 de notre pôle CIB pour vous aider à comprendre où nous nous situons aujourd’hui.
Les revenus de CIB progressent de 13%, avec une contribution positive de tous les métiers, qui s’appuie sur une bonne activité de la clientèle.
Examinons cela métier par métier : Global Markets réalise une forte performance dans les Dérivés Actions et en Fixed Income, reflétant une hausse des volumes de la clientèle et des gains de parts de marché. BNP Paribas occupe la 1ere place pour l’ensemble des émissions obligataires en euros et la 9eme pour l’ensemble des émissions internationales.
Securities Services confirme sa forte croissance, avec une augmentation sensible des actifs en conservation et du nombre de transactions, confirmant son leadership européen et sa 5e place mondiale.
Enfin, Corporate Banking poursuit son bon développement commercial. Hors impact de la réduction du métier Énergie et Matières premières, aujourd’hui largement réalisée, les revenus progressent de 11%, avec une bonne performance des financements export et de « media telecom », ainsi que des activités de conseil en Europe. BNP Paribas confirme sa place de n°1 sur les financements syndiqués en Europe, ainsi que son leadership européen en Cash Management et sa 4eme position mondiale.
Notre CIB s’avère donc aujourd’hui rentable et bien positionné. Avec un modèle économique au service des clients, les entreprises et les institutionnels qui sont nos deux bases de clientèle, CIB gagne des parts des marchés alors que certains concurrents se replient. Bien intégré au Groupe, bien dimensionné, CIB s’est développé par croissance organique en tirant profit du potentiel de ventes croisées avec les autres métiers du Groupe. Contrairement à beaucoup de nos concurrents, nous avions déjà fortement réduit les actifs pondérés de CIB en 2011-2012 pour nous adapter rapidement à Bâle III. Dans un effort constant d’adaptation, en 2015, CIB a réduit de -15,6% son levier par rapport à 2014. Depuis 2013, CIB a également réduit la voilure dans le secteur E&C que je viens d’évoquer.
Une adaptation rapide de CIB s’impose cependant en prévision des nouvelles contraintes. Certaines sont déjà supportées par le Groupe, et pas encore allouées aux métiers ; par exemple la contribution au fonds de résolution ou l’exigence augmentée de fonds propres. D’autres sont liées aux évolutions réglementaires à venir; que nous ne pouvons pas encore quantifier précisément. C’est pourquoi CIB met en place un plan de transformation en vue de générer 8 points de ROE avant impôt d’ici 2019. Cet objectif sera affiné et étendu à 2020, dans le cadre du nouveau Business Plan 2017-2020 que nous présenterons l’an prochain.
Cette transformation reposera sur 3 grands leviers dans toutes les régions et tous les métiers de CIB.
Le premier, « Focus », consiste à libérer du capital et du bilan pour soutenir un redéploiement ciblé. Il s’agit de réduire les encours d’actifs pondérés les moins productifs et de redimensionner les activités peu rentables pour réinvestir les actifs pondérés ainsi libérés dans des activités existantes.
Le deuxième levier, « Improve », vise à optimiser le modèle opérationnel de CIB via 200 projets de rationalisation qui devraient dégager 1 milliard d’euros d’économies d’ici 2019.
Le troisième levier, « Grow », se concentre sur des initiatives stratégiques de croissance ciblées. Elles visent à développer les métiers moins consommateurs de capital telles que le traitement des opérations ou le conseil, de capitaliser sur notre position forte dans les dérivés, et de développer des plateformes digitales dans tous nos métiers.
Cette transformation sera adaptée à nos positionnements régionaux avec pour objectifs de renforcer encore notre leadership européen, de tirer parti de la croissance à long terme dans la zone Asie-Pacifique, et mieux aligner la plateforme américaine avec la stratégie et les clients du Groupe.
Pour conclure, s’appuyant sur notre modèle économique original et orienté vers les clients, notre approche vise à créer de la valeur en :
- améliorant notre efficacité opérationnelle et libérant des ressources pour favoriser une croissance ciblée ; et en
- développant nos activités moins consommatrices de capital et les activités génératrices de commissions, comme le traitement des opérations.
Hors impact des contraintes à venir, cela devrait contribuer à 1,6 milliards de résultat avant impôt additionnel d’ici 2019, sur la base d’une croissance annuelle moyenne de 4% des revenus et une amélioration de 8 points de notre coefficient d’exploitation.
EBM : Vous avez récemment communiqué sur les exigences de capitaux propres à la suite du SREP. Comment allez-vous respecter ces contraintes réglementaires et quels sont vos nouveaux objectifs de capitaux propres ?
Jean-Laurent Bonnafé : Dans le SREP, notre exigence de Common Equity Tier 1 pour 2016 a été fixée à 10 % ; et nous sommes déjà bien au-delà de ce niveau.
Le niveau anticipé d’exigence pour 2019, y compris le coussin G-SIB qui s’élève à 2 % en fully-loaded pour BNP Paribas, s’élève à 11,5 %.
Nous avons l’intention d’atteindre ce niveau dès mi-2017 grâce à la combinaison de :
- la génération organique de capital et une gestion active de notre capital, soit une contribution d’environ 35 points de base de ratio par an ; et
- la cession ou l’introduction en bourse de First Hawaiian Bank, qui pourrait renforcer le ratio d’environ 40 points de base.
Nous nous sommes fixé comme objectif d’atteindre un ratio Common Equity Tier 1 fully-loaded de 12% à partir de 2018. Ceci tient compte d’un « management buffer » de 50 points de base, cohérent avec la forte et récurrente génération organique de capital du Groupe au travers du cycle.
Pour le ratio de Total Capital, le niveau exigé en 2019 s’élève à 12,5 %. Notre objectif, au niveau du Groupe, est de dépasser 15%, soit un coussin d’au moins 2,5%. Cela signifie que notre Total Capital dépassera 100 milliards d’euros, ce qui garantira une qualité élevée, à la dette de BNP Paribas.
EBM : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur-Directeur Général de BNP Paribas, merci beaucoup !
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.