EuroBusiness Media (EBM) : Société Générale, un des tout premiers groupes européens de services financiers, publie ses résultats pour le troisième trimestre. Frédéric Oudéa, bonjour. Vous êtes Président-Directeur général de Société Générale. Quelles sont les tendances opérationnelles sous-jacentes qu’il faut voir dans vos résultats du troisième trimestre ?
Frédéric Oudéa : On a des résultats solides dans tous les métiers en dépit d’un environnement médiocre, et notamment une bonne dynamique commerciale. Ça c’est essentiel parce que c’est la génération de revenus futurs. Deuxièmement, bonne maîtrise des coûts, baisse du coût du risque, donc au total un résultat net de 836 millions d’euros pour le trimestre, en hausse de près de 57% par rapport à l’année dernière. Ça montre les progrès que nous réalisons.
EBM : Votre banque de détail en France continue à faire face à des vents contraires, surtout en terme de croissance de revenus. A quand une inversion de la tendance ?
Frédéric Oudéa : Comme dans tous les grands pays de la zone Euro matures avec une faible croissance - et la croissance française est faible, on le savait, ce n’est pas une surprise – il est difficile de faire croître les revenus. Ce qui est essentiel néanmoins c’est de conquérir de nouveaux clients, c’est que la production de crédits aux entreprises augmente, + 6% sur neuf mois, que les dépôts continuent à augmenter. Donc on arrive à compenser des effets négatifs de la baisse des taux, par exemple, grâce à cet effet volume et nouveaux clients. Ensuite, comme dans toute activité retail, il faut bien gérer les coûts et c’est ce qu’on fait, le coût du risque baisse, et donc au total en dépit de cet environnement moyen le résultat net de cette activité progresse de plus de 5% par rapport à l’année dernière, en ligne d’ailleurs avec nos attentes.
EBM : Comment qualifier les perspectives de la banque de détail à l’international compte tenu des perspectives en Russie qui sont teintées par les tensions internationales ?
Frédéric Oudéa : Là aussi d’une manière générale, bonne dynamique commerciale - c’est ce que je regarde de plus près - et notamment une croissance des crédits, et c’est le cas en Russie, +5% de croissance des crédits. Pareil, on gère les frais et le coût du risque, qui est là aussi très bien géré : en Russie il est stable. Donc la Russie, par exemple, dégage une contribution positive, modeste, mais une contribution positive en dépit de l’environnement économique plus difficile que nous connaissons. Et puis on a une belle croissance en Afrique, on a des belles activités en République Tchèque qui est une espèce de pilier de résilience, et aussi dans les activités d’assurance et de services financiers aux entreprises qui sont des métiers qui se développent très, très bien avec des bonnes rentabilités. Donc là aussi, progression des résultats nets dans un environnement qui reste contrasté, mais tout ça avance bien.
EBM : Votre pôle Banque de Grande Clientèle et de Solutions Investisseurs a affiché des résultats mitigés en Banque de Financement et d’Investissement. Comment l’expliquer et quelles sont les perspectives en BFI ?
Frédéric Oudéa : On confirme ce trimestre qu’on a un des modèles les plus performants en termes de coefficient d’exploitation et de rentabilité. En termes de revenus, l’été a été moyen. Il y a eu peu de volume en Europe, notamment sur les marchés actions, avec une faible volatilité, donc un peu moins de revenus. Mais là encore, même recette, en termes de clients ça se développe. Nous sommes par exemple à fin septembre la deuxième banque dans les classements pour l’émission de dette obligataire en Europe pour les entreprises ; c’est notre cœur de clientèle et on voit à quel point on est bien positionné. On continue également à se développer en financement. C’était un des enjeux stratégiques, financer l’économie, mettre plus de capital en jeu, et on a une croissance de 15% des revenus. Donc on voit que là où on veut se développer on arrive à se développer de manière satisfaisante parce qu’on a une très bonne franchise. Donc au total un résultat net qui reste très bon, très bon coefficient d’exploitation, très bonne rentabilité et sur neuf mois on a des revenus tout à fait en ligne avec le marché et une rentabilité qui se situe vraiment parmi les meilleures à 17% de rendement sur capital [ROE de 17% pour les activités de marché sur 9 mois et de 15,6% pour l'ensemble des activités de Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs].
EBM : Société Générale a passé avec succès les stress tests et AQR de la Banque Centrale Européenne. Quelles sont les implications pour le groupe ?
Frédéric Oudéa : Je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’étape considérable que cela représente. On est maintenant dans l’Union Bancaire. On a un nouveau superviseur et nous avons effectivement passé cette visite médicale avec succès. Visite médicale extraordinairement approfondie, les efforts faits par nos équipes, et je remercie tous ceux qui ont été engagés dans ce travail, ont été considérables. C’était vraiment un examen au millimètre, en détail, des bilans et cela a conforté la méthode de provisionnement, la qualité des risques et la solidité du bilan. Sachant que dans nos résultats de T3, vous le savez, on génère du capital supplémentaire comme on l’avait en tête au-delà même de la provision pour dividendes. Donc tout cela rassure, donne de la solidité et nous permet de financer notre croissance. Et on entre dans une nouvelle étape, l’Union Bancaire, qui à mon avis va être bénéfique aux banques Européennes sur le long terme, qui va apporter de la confiance et probablement aider - dans les pays ou le financement de l’économie se fait encore probablement un peu mal - à traiter le sujet.
EBM : Et enfin, êtes-vous en ligne avec votre plan stratégique de moyen terme malgré les incertitudes économiques ?
Frédéric Oudéa : Oui, parce que cet environnement économique incertain, on l’avait en tête, on n’avait pas quand même de perspectives de croissance exceptionnelles pour les deux ou trois prochaines années. Nous avions intégré un scénario de lente amélioration. Ensuite il peut y avoir des petits écarts dans tel ou tel pays, mais au total les ingrédients de ce plan stratégique on les déploie avec succès : la croissance des fonds de commerce, la maîtrise des coûts, et la baisse du coût du risque qui se confirme chaque trimestre. Et ensuite c’est ce dynamisme des métiers qui va générer le revenu. La transformation de certains métiers - je crois qu’on est une des banques qui a le plus tôt anticipé la transformation profonde de l’industrie bancaire, que ce soit en matière détail avec le digital où on est leader ou que ce soit sur la banque d’investissement et de financement avec de nouvelles activités de marché – et bien, nous avons anticipé, nous déployons et je crois qu’on le fait avec succès.
EBM : Frédéric Oudéa, Président-Directeur général de la Société Générale, merci beaucoup.
Frédéric Oudéa : Merci beaucoup.