EuroBusiness Media (EBM) : Le Groupe BNP Paribas publie ses résultats du deuxième trimestre 2011. Baudouin Prot, bonjour. Quels sont vos commentaires sur la performance du Groupe au deuxième trimestre ?
Baudouin Prot : Au deuxième trimestre 2011, caractérisé par un environnement difficile, BNP Paribas a dégagé un résultat net part du groupe de 2,1 milliards d’euros, comparable au T2 2010 malgré les provisions (EUR 534 millions) dues à l’effet du plan de soutien à la Grèce. Cette très bonne performance illustre une fois de plus la forte capacité bénéficiaire de BNP Paribas ainsi que la résilience et l’efficacité de son modèle.
Par rapport à l’année dernière, le PNB des pôles opérationnels progresse de 3,4%. En effet, sur nos quatre marchés domestiques (France, Italie, Belgique et Luxembourg), les volumes progressent grâce au faible taux d’endettement des ménages allié à des taux d’épargne élevés dans ces pays.
Grâce à la bonne maîtrise des frais de gestion (+2,3% hors « taxes systémiques »), le résultat brut d’exploitation progresse de 3,7%. La baisse du coût du risque dans tous les pôles, entraîne, par rapport au T2 2010, une progression de 14,4% du résultat avant impôt pour l’ensemble des pôles opérationnels.
La solvabilité reste élevée. Le ratio Common Equity Tier 1 du Groupe s’élève à 9,6% fin juin 2011, en progression de 10 points de base sur le trimestre, et de 120 points de base en un an.
La valeur comptable par action progresse de 7,2% par rapport à l’année dernière à 56,7 euros, et le bénéfice par action, de 7,3% à 3,8 euros.
La rentabilité annualisée des capitaux propres pour le premier semestre atteint 13,8% contre 13,7% au premier semestre 2010, soit un des plus hauts niveaux de rentabilité du secteur.
EBM : Comment évoluent les provisions entre le T1 et le T2, et que faut-il attendre pour le reste de l’année ?
Baudouin Prot : Au niveau du groupe, le coût du risque au deuxième trimestre a augmenté de 25% par rapport à l’année dernière du fait de la dépréciation exceptionnelle passée sur l’exposition au risque souverain grec.
En excluant ces provisions exceptionnelles, le coût du risque continu d’afficher une tendance baissière, -25%. En pourcentage des crédits clientèle, et hors dépréciation sur le dossier grec, cela représente 48 points de base, contre 66 points de base l’an dernier et 54 points de base au premier trimestre.
Ces chiffres confirment une amélioration continue et généralisée de la qualité des actifs du Groupe, en particulier chez Personal Finance, avec toutefois des tendances différentes d’un marché domestique à l’autre. Tandis que la banque de détail en France, en Belgique et au Luxembourg continue à afficher de faibles niveaux de provisions au 2e trimestre, BNL bc a également montré une légère amélioration de tendance ce trimestre. Chez Europe Méditerranée, le montant des provisions a reculé dans l’ensemble des pays.
Nous estimons que cette tendance devrait se poursuivre sur la deuxième partie de l’année.
EBM : Avec la hausse des taux du fait de la crise de la dette souveraine, quel est l’impact sur vos coûts de financement ? Avec les tensions actuelles sur le marché monétaire, ne craignez vous pas que la situation grecque puisse se dégrader jusqu’à un assèchement total du marché interbancaire, comme après la faillite de Lehman ?
Baudouin Prot : La hausse des rendements sur les dettes souveraines n’entraîne pas nécessairement un renchérissement des financements pour BNP Paribas. Dans ces circonstances BNP Paribas bénéficie plutôt d’un renforcement de son avantage compétitif en termes de financement.
Sur le court terme, BNP Paribas s’attache, depuis 2009, à allonger la durée moyenne de son refinancement. Notre coût de funding à 3 mois reste inférieur au Libor dans toutes les devises. Sur les échéances inférieures à un mois, BNP Paribas est actuellement détenteur de dépôts en USD, et place des montants excédentaires significatifs auprès de la Fed.
Sur le long terme, l’intégralité de notre programme annuel de financement de 35 milliards d’euros est déjà réalisé, dont 20 milliards de dollars ; avec une maturité moyenne portée à 6 ans.
Notre capacité à diversifier nos sources de financement, même en ces temps troublés, nous a permis de lever des fonds via les Covered Bonds ou des placements privés.
Aux États-Unis, BancWest bénéficie d’une hausse sensible des dépôts de la banque de détail, qui le dispense d’émettre sur les marchés.
Quant à votre question sur le possible assèchement du marché monétaire, le récent Plan de soutien en a sensiblement réduit le risque. Aujourd’hui, l’essentiel c’est que ce plan soit mis en œuvre rapidement. Bien sûr, certaines incertitudes subsistent (notamment celle du plafond de la dette fédérale aux États-Unis) qui n’aident pas à apaiser les tensions sur la dette souveraine.
EBM : L’extrême volatilité des obligations souveraines vous inquiète-t-elle pour les perspectives de l’activité Fixed Income de CIB ?
Baudouin Prot : Les activités de marchés étant structurellement volatiles, BNP Paribas ne donne généralement pas de prévisions.
Cela dit, au T2 2011, le PNB des activités de marché est en hausse de 16,7% en glissement annuel, démontrant clairement la solidité de BNP Paribas dans ce domaine. En effet, au-delà de la résilience de l’activité Fixed Income malgré un environnement difficile, l’activité Dérivés actions a réalisé une plutôt belle performance malgré un niveau d’activité clientèle décevant.
Avec un coefficient d’exploitation de 54% et une rentabilité annualisée des capitaux propres avant impôt (44%) de tout premier plan, CIB dépasse une fois de plus ses concurrents pour ce premier semestre.
Notre ambition est de consolider cette avance par rapport à nos concurrents directs.
EBM : Depuis peu, il y a des craintes sur l’économie italienne ainsi qu’une vague de recapitalisation des banques locales exigée par les autorités italiennes. Quels sont les résultats de BNP Paribas en Italie, et en particulier de BNL ? Le groupe BNP Paribas serait-il intéressé par l’acquisition d’une nouvelle banque italienne qui pourrait chercher l’adossement d’un acteur solide européen ?
Baudouin Prot : L’Italie est l’un des marchés domestiques de BNP Paribas et représente un peu plus de 10% du PNB et des engagements du Groupe. Le Groupe s’engage à maintenir sa présence dans ce marché aux perspectives de croissance intéressantes et où beaucoup de métiers opèrent, nourrissant ainsi une forte capacité de cross-selling.
BNL, notre principal investissement dans ce pays, propose une gamme étendue de services de banque commerciale. Au S1 2011, BNL a montré une forte performance opérationnelle avec des revenus en hausse, un bon contrôle des coûts et une amélioration progressive du coût du risque.
Outre BNL, le Groupe bénéficie d’une présence significative dans le crédit à la consommation ; le Groupe détient désormais 100% de Findomestic, un des leaders du crédit à la consommation, dont les résultats sont en ligne avec le business plan.
En Italie, le Groupe est également présent dans tous les métiers de la gestion d’actifs, et propose des services de banque d’investissement s’appuyant sur la plateforme CIB.
Quant à la deuxième partie de votre question, nous n’envisageons pas d’acquisition en Italie ; nous mettons l’accent sur un développement organique en Italie.
De manière générale, nos activités en Italie sont extrêmement saines et nous continuons à investir pour optimiser et accroître notre franchise.
EBM : En France, maintenez-vous votre objectif de progression de 2-2,5% en 2011du PNB banque de détail, malgré les hausses de taux de la BCE et la baisse des commissions imposé par l’Autorité française de la concurrence ?
Baudouin Prot : BNP Paribas a pour politique de couvrir le risque de taux de son portefeuille bancaire, ce qui rend celui-ci peu sensible aux fluctuations des taux d’intérêts sur les marchés. Ceci s’applique au portefeuille de la banque de détail en France.
Concernant la réduction des commissions imposée par l’Autorité française de la concurrence, nous prévoyons une incidence modérée sur le PNB 2011, limitée à la diminution des commissions sur les paiements par carte.
Nos projections de croissance du PNB pour l’activité banque de détail en France en 2011 restent donc inchangées.
EBM : Votre division Personal Finance risque de souffrir des nouvelles règles de liquidité de Bâle III ; il sera probablement contraint de lever des financements à plus long terme (à un coût de funding plus élevé) pour soutenir son activité de crédit à long terme aux ménages. Comment comptez-vous maintenir Personal Finance parmi vos divisions les plus rentables malgré ces contraintes réglementaires ?
Baudouin Prot : En effet, les nouvelles règles de liquidité vont générer de nouveaux besoins de financement à long terme.
Nous allons donc adapter notre business mix à ce nouvel environnement réglementaire en renforçant l’activité de crédit à la consommation.
Les perspectives du crédit à la consommation sont positives grâce à : une présence géographique diversifiée, une efficacité opérationnelle croissante et une évolution favorable du coût du risque.
Je reste donc persuadé que Personal Finance restera un important contributeur à la rentabilité du groupe.
EBM :Votre pôle Investment Solutions a toujours privilégié les synergies et les ventes croisées avec le pôle Banque de détail et avec vos réseaux de distribution captifs, notamment internationaux. De nombreuses banques européennes actionnaires de gestionnaires d’actifs ont décidé de se recentrer sur les clients institutionnels et les appel d’offres à l’international. BNP Paribas IS ne risque-t-il pas d’être marginalisé face à sa clientèle institutionnelle ?
Baudouin Prot : Le pôle Investment Solutions a réalisé une fois de plus une très bonne performance au cours du premier semestre, avec une collecte nette supérieure à 5 milliards d’euros et un résultat avant impôts en hausse de 17% par rapport au S1 2010.
BNP Paribas Investment Partners est convaincu par son modèle diversifié et équilibré entre clientèle institutionnelle et retail. Pour BNP Paribas Investment Partners, les clients institutionnels constituent un axe de développement majeur , représentant 60% des actifs sous gestion. Le premier semestre a d’ailleurs été marqué par une collecte nette d’actifs en provenance d’institutionnels.
À cet égard, la fusion entre BNP Paribas IP et Fortis Investment Management a renforcé notre activité institutionnelle. L’intégration avance bien et conformément aux objectifs et sera finalisée cette année.
EBM : BNP Paribas a passé les stress tests de l’EBA avec un ratio Core Tier 1 à 7,9%, un niveau supérieur à celui des banques d’investissements comparables, mais inférieur à la plupart des banques de détail, du fait d’hypothèses particulièrement sévères appliquées aux portefeuilles de trading. Faut-il donc aux banques d’investissements telles que BNP Paribas des matelas de capitaux plus épais que les autres et, dans ce cas, les bénéfices non distribués suffisent-ils à constituer ce matelas ou devrez-vous lever des capitaux ?
Baudouin Prot : Il est vrai que la nouvelle Autorité Bancaire Européenne a retenu cette année des hypothèses particulièrement extrêmes. Le scénario le plus sévère combine les effets d’un choc macro-économique grave et de plusieurs chocs financiers (augmentation du coût de financement, par exemple). Pour l’ensemble de l’échantillon, ce scénario entrainerait plus de 450 milliards de pertes entre 2011 et 2012, soit un montant supérieur aux pertes subies sur les subprimes par l’ensemble du secteur bancaire européen.
BNP Paribas a confirmé sa situation de leader parmi les grandes banques, capable de résister à une telle série de chocs. En effet, dans le pire des scénarii, le ratio Core Tier 1 atteindrait 7,9%, supérieur à la moyenne générale des banques européennes.
D’après les hypothèses de l’EBA, BNP Paribas détient une marge de plus de 20 milliards d’euros de capitaux propres, au-delà du seuil minimum de 5% défini, pour faire face à d’éventuels événements défavorables en plus des hypothèses déjà très lourdes des stress tests.
Ce test confirme véritablement notre excellente solvabilité et BNP Paribas n’a AUCUN besoin de lever des capitaux propres supplémentaires pour se conformer aux nouvelles contraintes réglementaires.
EBM : Baudouin Prot, CEO de BNP Paribas, merci beaucoup !
Baudouin Prot : Merci à vous.