EBM : Air Liquide, leader mondial des gaz pour l’industrie, la santé et l’environnement, présente son ambition et ses objectifs 2015. Benoît Potier, bonjour. Vous être Président-Directeur Général d’Air Liquide. Pourquoi avez-vous décidé de communiquer sur ces objectifs aujourd’hui ?
Benoît Potier (BP) : Tout d’abord, je dirais en raison du contexte qui a été exceptionnel. Nous avons vécu en 2009 et 2010 deux années hors de l’ordinaire avec d’abord une bulle, puis une crise qui a été probablement la pire depuis 50 ans et puis une période de convalescence que nous avons connue en 2010 et en fait, aujourd’hui, une sorte de nouvel ordre économique que nous pouvons entrevoir à la fois avec un développement très fort dans les pays en développement et une croissance plus modeste dans les pays avancés. On peut dire donc que l’année 2010 est une sorte d’année de transition. En ce qui concerne Air Liquide, l’activité, cette année, a été plutôt bonne puisque nous sommes revenus au niveau de volumes consommés par les clients qui était celui que nous avions avant la crise. Nous sommes donc finalement dans une position où nous pouvons regarder à nouveau l’avenir. Quel est-il ? Nous avons aujourd’hui un fort développement, un fort dynamisme dans les zones en développement avec, sur les neuf premiers de cette année, 29 % de croissance des ventes, et puis des zones avancées où la croissance est assez soutenue aussi puisqu’elle est à 7 %, mais un fort contraste entre ces deux grandes zones du monde. Un point à noter également, c’est la reprise du cycle d’investissements qui est notable en 2010. Forts de cet ensemble, ce contexte, nous avons donc décidé, compte tenu de ces changements, de réexaminer nos marchés, de nous re-projeter pour la période des cinq ans à venir.
EBM : Pourriez-vous nous en dire un plus sur ces objectifs 2015 ?
BP : Pour commencer avec notre base, c'est-à-dire l’année 2010, nous pouvons dire que la croissance est de retour, et ce, à la fois en raison de l’environnement qui se porte mieux, mais également des nombreuses signatures qui ont été enregistrées pendant la période de récession par les équipes d’Air Liquide. Aujourd’hui, nous sommes convaincus du potentiel de croissance de nos marchés et nous sommes confiants sur notre capacité à saisir les opportunités pendant les cinq prochaines années. En termes de marchés, nos marchés ont été examinés en détail et dans un environnement normal, nous attendons une croissance de ces marchés d’environ 7 à 8 % en moyenne par an dans la période. Dans ce contexte, nos objectifs 2015 ont été définis. Quels sont-ils ? D’abord, une croissance annuelle moyenne de nos ventes de 8 à 10 %. Il s’agit à la fois d’une présence géographique, mais il s’agit aussi d’innovation et de compétitivité sur ces marchés et il s’agit aussi de bénéficier de la dynamique que nous avons engagée depuis maintenant quelques années. Le deuxième objectif est celui d’une efficacité opérationnelle minimum de 200 millions d’euros par an dans les cinq prochaines années. Le troisième objectif est celui d’une rentabilité sur les capitaux de 12 à 13 % dans la période, rentabilité qui sera donc améliorée par rapport à notre rentabilité d’aujourd’hui. Enfin, le dernier objectif est un objectif un petit peu différent, puisqu’il s’agit d’un objectif de responsabilité qui fera partie intégrante de la stratégie du groupe et qui intégrera de nouveaux indicateurs. Au global, notre ambition est d’être le leader de notre industrie par la performance et la responsabilité sur le long terme.
EBM : Vous parlez d’objectifs de performance et de responsabilité. Qu’entendez-vous par là exactement ?
BP : La performance est le résultat de nos actions. Elle est visible, elle est mesurable. Sans performance, on peut dire qu’il ne peut pas y avoir de confiance à long terme de la part des parties prenantes. Il s’agit en termes de performance pour nous de poursuivre la croissance soutenue du résultat net, ainsi que celle de notre politique de rémunération de l’actionnaire, que ce soit en matière de taux de distribution qui restera élevé, mais aussi de distributions gratuites d’actions à laquelle, je sais, nos actionnaires sont très attachés. La responsabilité est la façon dont nous agissons. Sans responsabilité, il ne peut pas y avoir de pérennité de l’entreprise. La responsabilité est plus complexe à définir que la performance, mais je dirais qu’elle va de pair avec les valeurs d’Air Liquide, celles que nous avons définies dans nos Principes d’Action, ainsi que dans la politique de Développement Durable de l’entreprise. L’engagement de responsabilité n’est pas nouveau à Air Liquide, nous l’avons définie il y a maintenant de nombreuses années. Nous avons, à l’occasion de ce plan, sélectionné sept domaines qui sont tous liés à notre engagement à long terme pour le succès de l’entreprise. Nous allons mettre au point des indicateurs de responsabilité pour compléter nos indicateurs de performance. Nous y inclurons par exemple le retour pour l’actionnaire ou bien la formation et la sécurité pour les personnes, ainsi que l’environnement ou l’innovation, voire même la disponibilité des produits aux clients. Performance et responsabilité vont de pair et constituent une partie de nos gènes et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de les maintenir au cœur du programme ALMA 2015.
EBM : Quels moyens allez-vous allouer pour atteindre ces objectifs ?
BP : Nous avons prévu un grand programme de 12 milliards d’euros d’investissements qui couvrira à la fois les investissements industriels et les investissements financiers et qui se répartira aussi bien dans les géographies que dans les marchés, là où les opportunités se présenteront. Par ailleurs, en termes de personnel, nous avons envisagé le recrutement et la formation de 30 000 nouveaux collaborateurs sur les cinq années, et qui se répartiront dans l’ensemble des pays, 80 pays aujourd’hui constituant l’ensemble du groupe Air Liquide.
EBM : Quelles sont les tendances de long terme qui créeront de nouvelles opportunités pour Air Liquide ?
BENOÎT POTIER : Les tendances de long terme que nous avions identifiées avant la crise sont confirmées et les opportunités pleines et entières. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’abord d’externalisation : les clients faisant le choix de confier à un spécialiste la fourniture de gaz. Il s’agit aussi de mondialisation et de sophistication du marché. Je citerai également le besoin en énergie, en énergie à la fois matière première, mais également énergie propre, et puis technologique, bien sûr. Il s’agit aussi d’un accroissement de la demande de santé, également de bien-être et enfin, une demande forte et récurrente pour un meilleur environnement. Voilà, je dirais, l’ensemble des tendances sur lesquelles nous avons appuyé la définition de nos marchés.
EBM : Est-ce que vous avez des exemples précis ?
BP : Je citerai tout d’abord les Economies en développement. On peut dire aujourd’hui que 80 % des opportunités d’investissements du Groupe se situent dans les économies en développement. A titre d’exemple, l’acier, que ce soit en Chine, pour un mouvement de consolidation, ou bien en Russie par exemple, pour une modernisation du pays, constitue un vecteur de croissance. Dans le domaine de l’Energie, toujours dans les pays en développement, je citerais le Moyen-Orient avec un projet à titre d’exemple qui est celui que nous avons signé en Arabie Saoudite pour une des plus grandes raffineries en construction du pays. Mais également, je citerai un projet intéressant aux Etats-Unis d’oxy-combustion et de captage du CO2 qui est évidemment un mouvement pour l’environnement. Enfin, je voudrais parler un peu de Santé sous deux aspects. D’abord, l’aspect des Economies avancées avec un vieillissement de la population et une demande de services, d’où le développement des soins à domicile, mais également la constitution d’une nouvelle classe moyenne dans les pays émergents qui incontestablement amènera des opportunités dans le domaine de la Santé.
EBM : Quel est le potentiel d’Air Liquide pour l’avenir ?
BP : Notre potentiel est fondé sur à la fois une présence croissante dans les marchés en développement, que ce soit des marchés géographiques ou des segments de marché, mais également sur l’innovation permanente pour gagner des parts de marché. Cette innovation est à la fois orientée vers la croissance et vers la compétitivité. A court terme, il est certain que l’économie mondiale n’est pas encore stabilisée. On peut dire qu’il subsiste une certaine forme d’incertitude sur les mois qui viennent. Mais à long terme, nos cinq relais de croissance restent inchangés. Il s’agit de l’Energie, il s’agit de l’Environnement, il s’agit des Economies en développement, il s’agit de la Santé et des Hautes-Technologies. L’ensemble de ces relais de croissance s’appuie sur des tendances profondes de la société. C’est pourquoi je suis très confiant dans notre capacité à assurer notre futur et à délivrer une croissance soutenue et rentable du résultat net sur le long terme. ALMA 2015, notre programme, nous permettra d’atteindre ces objectifs et de réaliser notre ambition pour le futur.
EBM : Benoît Potier, Président-Directeur Général d’Air Liquide, je vous remercie.
BP : Merci.