EuroBusiness Media (EBM) : Le groupe Steria publie ses résultats annuels 2010. François Enaud, bonjour. Vous êtes le Président de Steria. Quels sont vos commentaires sur la performance du groupe en 2010 ?
FE (François Enaud) : Je dirais satisfaisants et prometteurs. Satisfaisants, parce que nous sommes revenus à la croissance plus vite que nos concurrents avec 1,5 % de croissance sur l’ensemble de l’année et une légère accélération sur le second semestre. On a également eu une très bonne prise de commandes sur la fin de l’année (en croissance de 32 % par rapport au quatrième trimestre 2009), ce qui est également très prometteur pour la croissance de 2011. Enfin, du côté financier, nous avons une performance assez solide (7,1 % de marge opérationnelle) malgré une situation un peu « challenging » sur l’Angleterre, notamment pour la dépense publique avec le gel des dépenses publiques sur le second semestre. Et enfin, une très bonne performance au niveau de la trésorerie puisque nous avons généré 86 millions d’euros de cash, ramenant l’endettement à 100 millions d’euros, c'est-à-dire 14 % des fonds propres.
Evidemment, tous ces résultats sont prometteurs et nous donnent une certaine confiance vis-à-vis de l’année 2011 parce que, tout simplement, en même temps qu’une amélioration du marché, nous renforçons le profil du groupe avec un certain nombre de potentiels qui restent devant nous pour améliorer notre performance. C’est pour ces raisons que nous avons décidé de porter le dividende de 12 centimes à 24 centimes, c'est-à-dire un doublement du dividende en 2011 sur la base des résultats 2010.
EBM: Quelles sont les principales tendances que vous observez par zone géographique en 2010 ?
FE: Tout d’abord en Angleterre, une activité qui a bien résisté, à peine en légère décroissance (-1,3 %) malgré la situation très particulière sur le secteur public au second semestre, avec toujours un modèle extrêmement solide au niveau des marges, avec la meilleure rentabilité du secteur (10,6 % de marge d’exploitation en Angleterre en 2010) et de très bonnes prises de commandes sur la fin de l’année (en croissance de 2 %). Ce qui nous permet effectivement d’être optimistes sur la croissance de nos activités anglaises en 2011.
En France, c’est vraiment l’année du retour à la croissance (5 % de croissance), une des meilleures du secteur, avec de très bonnes prises de commandes également, un book-to-bill qu’il s’est sensiblement amélioré (sensiblement supérieur à 1).
Sur l’Allemagne, dans un contexte où les services informatiques sont restés en faible croissance avec une dynamique assez faible, nous avons su encore gagner légèrement des parts de marché avec notamment une très bonne activité dans la banque (en croissance de 4 %).
Sur les autres géographies, la Scandinavie qui reste notre moteur de croissance avec 6,6 % de croissance sur cette zone faite de la Norvège, du Danemark et de la Suède. L’Espagne qui arrive aussi stabiliser son chiffre d'affaires, notamment grâce à un rebond sur le second semestre.
Globalement, effectivement, zone par zone, une bonne tenue de la croissance et des marges.
EBM: Vous avez remporté plusieurs contrats significatifs récemment. Quels sont les facteurs-clés du succès ?
FE: Il est vrai que nous avons rencontré de très gros contrats en 2010. On pourrait penser à Chorus pour le Ministère des Finances en France et Cleveland Police qui sont des contrats à plus de 100 millions d’euros chacun et qui révèlent finalement le nouveau profil du groupe et surtout la manière dont nos clients perçoivent ce nouveau profil.
C’est à la fois notre capacité à être double partenaire : bien sûr, un partenaire métier capable d’apporter des solutions à chacun de nos clients, mais un partenaire industriel également avec notre capacité à apporter une puissance industrielle qui repose sur notre dimension globale, notamment avec nos centres nearshore et offshore.
Cette capacité à gagner de très gros contrats, finalement, on pourrait aussi la résumer à trois choses : C’est d’abord la couverture de services que nous rendons à nos clients qui commencent par le conseil et qui vont maintenant jusqu’à l’externalisation des processus métiers. C'est-à-dire qu’on ne se contente pas de délivrer des solutions informatiques, mais on va jusqu’à opérer des services autour des processus métiers, ou horizontaux, de back-office pour nos clients.
La deuxième capacité que nous avons, c’est une capacité de transformation. C'est-à-dire que plutôt que de seulement d’externaliser et de refaire ce que faisait le client en interne, nous en profitons pour transformer les processus pour gagner en efficacité. Et cette capacité de transformation est évidemment un atout considérable pour nos clients.
Enfin, il y a bien sûr le modèle lui-même. Dans son modèle, Steria combine le meilleur des deux mondes, la proximité avec nos clients, cette proximité historique avec cette dimension globale où nous pouvons « sourcer » les projets de nos clients sur beaucoup de géographies à la fois.
EBM: Qu’elle est votre vision de l’évolution de la dépense publique notamment au Royaume-Uni ?
FE: Il est certain que globalement, en Europe, et en particulier au Royaume-Uni, la pression va rester sur les gouvernements pour réduire leur dette. On parle dans certains pays de 20 % à 40 % de la réduction de la dépense publique sur un échéancier-temps de deux à trois ans. La question qui se pose à ces administrations, évidemment, ce n’est plus que de faire de l’optimisation de coûts ou des coupes discrétionnaires. Il faut penser le modèle totalement différemment. Donc, on est là face à des enjeux de transformation considérables.
Et c’est là précisément que Steria a une chance extraordinaire. Quand on pense aux grands contrats que nous avons actuellement pour l’administration britannique, en particulier, avec deux contrats emblématiques - celui que nous avons pour la police, notamment la police de Cleveland, ou celui que nous avons pour le Ministère de la Santé britannique-, ils sont emblématiques de notre capacité à transformer complètement la dépense informatique, mais au-delà de la dépense informatique, la dépense de fonctionnement d’une administration, pour à la fois, l’aider à gagner considérablement en efficacité (20 % à 30 % de gain de productivité) tout en améliorant la qualité du service rendu à leurs citoyens.
On a effectivement avec ces deux modèles, l’un qui repose sur une joint-venture avec une administration, l’autre sur une externalisation de tous les processus, deux modèles qui font école et qui portent évidemment l’attention des administrations pour être utilisés à plus grande échelle pour atteindre leurs objectifs.
EBM: Quelles sont vos priorités stratégiques pour les trois années à venir ?
FE: C’est assurément la croissance. Avec le nouveau profil de Steria, le fait que nous soyons maintenant en première division tout en gardant nos spécificités, nous avons tous les moyens de gagner des parts de marché en battant la croissance du marché. Cette performance va reposer sur trois facteurs, trois leviers : monter en valeur, maintenir nos éléments de différenciation et gagner en efficacité.
Monter en valeur, c’est pour nous tous les investissements que nous faisons autour du développement d’offres spécifiques, adaptées à chacun des métiers de nos clients, enrichir notre portefeuille, monter en expertise métier et surtout ne jamais relâcher l’investissement sur l’innovation. Avec le Cloud ou la mobilité, nous avons des gisements extraordinaires pour développer de nouveaux services pour nos clients.
La différenciation. Steria a un avantage concurrentiel majeur. Steria a, de par son histoire, de par sa culture, de par ses gênes, des éléments de différenciation très forts. Ces éléments sont appréciés, bien sûr, par nos collaborateurs, mais aussi par nos clients, car ils sont un gage de proximité et d’engagement. Il faut absolument que nous gardions ces avantages pour en faire des éléments de croissance.
Et enfin l’efficacité. Il n’y a pas de croissance durable s’il n’y a pas une recherche permanente d’efficacité et d’amélioration de la productivité. C’est l’enjeu de tous nos programmes à la fois d’industrialisation, mais aussi de développement d’applications, de processus internes qui nous permettent de mieux travailler ensemble de manière beaucoup plus productive et efficiente.
EBM: Enfin, pour conclure, quelles sont vos perspectives pour l’année 2011 ?
FE: Nous sommes clairement dans une dynamique de croissance qui s’accélère. Quand on pense à la prise de commandes de l’année 2010 et notamment son accélération sur la fin de l’année, l’accroissement des effectifs qui ont crû de 5 % en 2010, ce sont évidemment des conditions de croissance favorables pour 2011. Et nous comptons sur une croissance d’au moins 3 % à 4 % sur l’année 2011.
En ce qui concerne les marges, nous comptons et nous tablons sur une rentabilité qui sera au moins égale à celle de 2010 tout en maintenant bien sûr nos investissements. Et même, nous renforçons nos investissements qui visent à améliorer l’efficacité du groupe pour nous amener progressivement vers un modèle de croissance de plus en plus profitable.
EBM: François Enaud, Président de Steria, je vous remercie.
FE: Merci.