EuroBusiness Media (EBM) : Le groupe Steria, l’un des leaders des services informatiques en Europe, publie ses résultats pour le 1er semestre 2010. François Enaud bonjour, vous êtes le PDG de Steria. Quels sont vos commentaires sur la performance du groupe au 1er semestre ?
François Enaud (FE) : Le 1er semestre était un bon semestre. On gagne des parts de marché, on a un résultat d’exploitation au-dessus de nos attentes et on améliore très nettement notre résultat net. Alors, reprenons cela dans l’ordre. On gagne des parts de marché : oui, effectivement, on croit de 3%. Et si en organique, corrigé des effets de change, on croit de 1,5%, lorsque le marché est encore en peu légèrement décroissant sur ce semestre. En résultat d’exploitation, à 6,9% on est 50 points de base au-dessus de nos attentes et des attentes du marché. Et en résultat net, on augmente de 58%, c’est-à-dire que notre taux de résultat net remmené au chiffre d’affaires passe de 2% à 3%. Donc il y a vraiment toutes les raisons d’être satisfait de ce premier semestre.
EBM : Quelles sont les grandes tendances observées par zone géographique ?
FE : Alors, par zone géographique, on retrouve bien sûr cette performance globale, à commencer par l’Angleterre, qui résiste très bien. On a une croissance en Angleterre positive. Corrigé de l’effet du taux de change, on est légèrement négatif, -1%. Mais on tient très très bien sur les marges avec 10% de rentabilité d’exploitation, qui est lié au fait qu’on a un modèle, comme vous le savez, très résistant avec notamment une proportion d’offshore importante. Ensuite, on a une prise de commandes très bonne en Angleterre, avec notamment la signature d’un très beau contrat, mais globalement de belles signatures en Angleterre qui nous amène à un accroissement de notre carnet de commandes pour entamer le second semestre. Ensuite, en France on peut être très heureux parce que là on gagne encore plus vite des parts de marché de la manière encore plus nette que sur l’ensemble du groupe. On croît de 5% sur la France, alors que nos grands concurrents sont encore en décroissance ou en croissance très faible. C’est lié bien sûr à une nouvelle dynamique commerciale, mais c’est surtout le bénéfice direct de l’acquisition de Xansa. On délivre là les synergies commerciales après avoir bien délivré les synergies de coûts, tout simplement parce que nous combinons aujourd’hui le meilleur des deux mondes pour nos clients : c.à.d. les dimensions industrielles dont nous avons hérités du modèle Xansa, et donc la nouvelle dimension du groupe, combinées à cette proximité historique et culturelle de Steria vis-à-vis de ses clients, qui est effectivement très appréciée. En Allemagne, où l’économie va un peu mieux qu’en France, on se tient très bien. Là aussi on gagne des parts de marché. On a une croissance de 3% sur l’ensemble du semestre, mais avec de très bonnes performances, notamment sur la banque et l’énergie où on croit de 10%. Et les marges se tiennent tout à fait au même niveau que l’an dernier – on est à 6% de marge. Et enfin, sur les autres pays, la Scandinavie est toujours en croissance de 7%, donc toujours une très bonne tenue. Et à noter également, l’Espagne qui, après avoir connue des temps difficiles – notamment, vous savez, l’Espagne était le pays le plus touché par la crise – est tout juste presque flat sur le 2ème trimestre 2010 et sera sans doute en croissance sur le 3ème trimestre. Donc là aussi même en Espagne je pense qu’on gagne des parts de marché, je ne pense pas que le marché soit déjà à ce niveau-là.
EBM : Dans le contexte que vous décrivez, comment gérez-vous vos ressources ? Par exemple, avez-vous recommencé à embaucher ?
FE : Effectivement, fort heureusement. Nous avons embauché déjà à ce jour prêt de 2000 personnes. Nous accélérons, donc nous allons embaucher pas loin de 5000 collaborateurs dans l’ensemble de l’année, et fort heureusement, puisqu’on a besoin d’accompagner cette croissance par un accroissement de nos ressources. Alors, si nous accélérons notre plan de recrutement, c’est la traduction d’une confiance de toutes nos équipes sur la pérennité de cette activité, de ce retour à un volume d’activité important. Au début d’année on était sur un rythme de recrutement de 200 personnes par mois – vous voyez bien qu’on avait encore un peu de frilosité. A la fin du semestre on n’était pas loin de 500 personnes par mois recrutées au mois de juin. Donc on est sur un rythme qui s’accélère. C’est une très bonne nouvelle pour tous ceux qui cherchent de l’emploi, et notamment les jeunes qui vont arriver sur le marché de l’emploi en septembre.
EBM : Pensez-vous que la reprise du secteur des SSII devrait se poursuivre au deuxième semestre, ou bien craignez-vous qu’elle ne soit tuée dans l’œuf à cause des préoccupations macro-économiques ?
FE : Ecoutez, je suis confiant, tout simplement en observant les choses très concrètement : un carnet de commandes qui a augmenté sur le premier semestre, un carnet d’affaires, c’est-à-dire les affaires pas encore signées mais sur lesquelles nous travaillons en ce moment, qui sont aussi en augmentation – donc, beaucoup d’éléments qui nous laissent penser qu’effectivement on n’est pas juste sur un phénomène ponctuel mais qu’il y a bien un retour à un volume d’activité plus important. Bien sûr, la crise ne s’est pas complètement effacée, donc les clients ont gardé une grande rigueur sur les coûts, donc il y a une pression sur les prix qui est importante. Il y a bien sûr des projets qui sont davantage des projets de transformation, de gains de productivité, plutôt que des projets de conquête de parts de marché, mais néanmoins, pour nous, fournisseurs de solutions et services informatiques, cela reste des opportunités, cela reste une perspective de croissance.
EBM : Quels sont vos commentaires sur l’impact à prévoir de la réduction des dépenses publiques au Royaume-Uni ?
FE : Il est vrai que le Royaume Uni – pas seulement, c’est peut-être celui qui le prononce le plus nettement – mais tous les états européens, bien sûr, sont sous la même contrainte, c’est-à-dire réduire la dépense publique pour endiguer le déficit publique. Effectivement, soit on le voit comme une menace, en disant « moins de dépenses publiques, donc moins d’opportunités et moins d’affaires pour vous qui adressez le marché public », soit au contraire quand on regarde d’un peu plus près et on dit « mais finalement, c’est que du bonheur pour vous parce que s’il veut faire ces transformations il va bien falloir qu’ils changent des choses ». Alors, c’est vrai que le seul levier pour faire des réelles transformations en gagnant de la productivité est bien l’informatique. Vous ne pouvez pas réduire la dépense sans changer les processus, sauf à réduire la qualité du service rendu. Hors, je n’ai jamais entendu une administration dire « on va arrêter de rendre les services ou diminuer les services rendus aux citoyens ». Donc, la mission reste la même, sauf qu’on veut servir la même mission en dépensant moins. Donc, il va falloir forcément changer des outils, changer des processus, travailler différemment. Et là ce n’est que des opportunités pour nous. Et la preuve en est ce que quand on regard en Angleterre, comme dans d’autres pays, notre activité secteur public se porte très bien et reste en croissance.
EBM : Justement, le contrat Cleveland semble être une nouvelle forme de contrat BPO, en dehors par exemple de vos champs de compétence existants en Finance ou Comptabilité. Pensez-vous que ce modèle est annonciateur de nouvelles opportunités à venir ?
FE : Ce contrat est intéressant à de nombreux titres. Tout d’abord bien sûr par sa taille. Il est tout à fait emblématique de la nouvelle dimension de Steria. On adresse de très grands projets. On a une capacité à adresser en prime, en responsabilité totale, des grands projets pour nos clients. Celui là – 210 million d’euros – signé en une seule fois est sans doute une des plus belles signatures que Steria n’ait jamais réalisée. Ensuite, il est intéressant bien sûr par son contenu et ce qu’il porte. Et il est tout à fait emblématique de ce que cherchent à faire les administrations lorsqu’elles cherchent à réduire rapidement, efficacement, leurs dépenses. Ce contrat porte à la fois bien sûr des solutions informatiques qui vont permettre cette transformation, mais au-delà de cela ce contrat porte en lui un modèle de services partagés, c’est-à-dire qu’on va apporter une infrastructure qui va permettre d’accueillir plusieurs forces de police sur cette région, sur les mêmes outils, sur la même infrastructure, pour effectivement bénéficier de cette mutualisation. Et enfin, ce qui est très intéressant, c’est qu’au lieu de se contenter des solutions et des infrastructures, comme on le fait souvent, on va fournir du service – bien sûr on va prendre du personnel de cette force de police, de cette administration, mais celui qui n’est pas bien sûr en uniforme, mais tout le personnel du back-office va devenir du personnel Steria et ensemble on va donc opérer du service pour cette administration, mais en mode BPO, donc d’une manière tout à fait avec les outils et les infrastructures déployés, d’une manière beaucoup plus efficiente en termes de coûts. Donc on a là finalement la réunion de tout ce qu’on peut offrir à un client à la fois en termes de solutions informatiques, en termes d’organisation du modèle commercial, et bien sûr en termes de nature de services en allant jusqu’à BPO. Et enfin, une autre caractéristique de ce contrat est qu’on est non seulement sur une dimension back-office – donc fonction de support – mais on couvre également des fonctions de métier. On a notamment le centre d’appels. C’est nous qui prenons les appels des citoyens de cette région d’Angleterre. Quand ils appelleront le commissariat, c’est d’abord, en premier niveau, nous qui prendrons l’appel, c’est nous qui instruirons des dossiers, c’est nous qui traiterons cet appel, et éventuellement le passerons aux policiers ou aux gens certifiés, s’il s’agit d’une affaire qui ressort de la police, des gens qualifiés pour cela. Donc, on voit bien qu’on combine du back-office et du front-office. Donc, en une affaire on résume beaucoup de choses, donc notre capacité à aider l’administration à se transformer.
EBM : Enfin, quelles sont vos prévisions pour l’année pleine ? Confirmez-vous les objectifs communiqués précédemment ?
FE : Oui, dans la dynamique de ce premier semestre et compte tenu de notre activité commerciale – carnet d’affaires ou carnet de commandes – nous confirmons la dynamique sur le second semestre. Nous confirmons une croissance aux alentours de 2%, c’est-à-dire au moins égale celle du premier semestre. Et d’un point de vue des marges opérationnelles, sans tenir compte de l’effet positif fiscal sur la France, nous maintenons notre objectif de rentabilité opérationnelle.
EBM: François Enaud, PDG de Steria, je vous remercie.
FE : Merci.