EuroBusiness Media (EBM) : Le groupe Arcelor, premier sidérurgiste européen et un des leaders mondiaux, vient de publier ses résultats au premier trimestre. Guy Dollé, bonjour. Vous êtes le Président du groupe Arcelor. Quel est votre commentaire sur la performance du groupe au premier trimestre ?
Guy Dollé (GD): Bonjour. Ses résultats sont excellents. Ce sont les meilleurs depuis la création d'Arcelor, plus d'1 milliard d'EBITDA de progrès par rapport au premier trimestre de l'année dernière, dont seulement 25% dû au périmètre, c'est-à-dire à la consolidation dans nos comptes, dès ce trimestre, de CST au Brésil et d'Acindar en Argentine. Cela veut dire que le reste est dû à l'amélioration de nos marges, les pertes de volume ayant été compensées par les diminutions de coûts, liées à notre expertise de diminution des coûts.
EBM : Dans le communiqué du premier trimestre, on remarque l'annonce de désinvestissements en Espagne. Que se passe-t-il?
GD : Tout simplement, nous poursuivons notre orientation stratégique qui vise à être plus exposés en dehors de l'Europe qu'à l'intérieur de celle-ci, en particulier quand les perspectives de croissance d'un certain nombre de nos produits et de nos commodités sont limitées. Voilà la réalisation et la matérialisation de cette stratégie.
EBM : Que pouvez-vous nous dire aujourd'hui sur l'état du déstockage, et les conséquences à venir en termes d'évolution des volumes et des prix au deuxième semestre?
GD : Il faut se mettre en tête ce qui s'est passé en 2004. En 2004, la consommation réelle d'acier finale a augmenté en Europe d'à peu près 3%, alors que la consommation apparente a augmenté de 6%. Et même de près de 9% pour les produits plats, ce qui veut dire que l'on a stocké. Le déstockage, pour les produits longs, a commencé dès le dernier trimestre de l'année 2004, et on peut considérer aujourd'hui qu'il est suffisamment avancé pour que la situation soit presque normale, en tout cas ça dépend des produits. Pour les produits plats, ce déstockage a tout juste commencé en février, et je pense qu'il ne sera pas terminé, il faut déstocker 3 millions de tonnes, ça représente presque 2 semaines d'expédition, avant fin juillet, peut-être début septembre. Ceci étant, les prix restent quand même tout à fait convenables. Dans le cadre Arcelor, les prix du deuxième trimestre seront très voisins en moyenne des prix du premier, un tout petit peu inférieurs pour les prix spots, et un peu supérieurs pour les prix contrats.
EBM : Qu'en est-il de l'effet de la hausse des matières premières, et surtout l'impact à prévoir sur vos marges en seconde moitié d'année ?
GD : J'avais eu l'occasion de dire qu'à cause principalement de l'augmentation du prix du minerai, 71%, près de 100% sur le charbon à coque, et en tenant compte de l'effet dollar, l'augmentation des prix au 2è semestre 2005 par rapport au 2è semestre 2004 serait de l'ordre de 45€. 10 à 12 ont déjà été réalisés sur ce premier trimestre 2005, nous attendons à peu près 15 à 17 sur le 2è trimestre 2005, et le reste sera réalisé sur le deuxième semestre 2005. Ce qui veut dire que cela rognera un petit peu sur nos marges puisque nous n'aurons pas pu augmenter et transférer, comme nous l'avions envisagé pendant un certain temps, à nos clients les hausses de prix supplémentaires sur ce 2è trimestre de l'année. Je rappelle quand même que les prix du 1er trimestre ont augmenté, dans les produits plats, de près de 35€, c'est-à-dire ont compensé presque complètement la hausse du prix des matières attendue sur le dernier trimestre de cette année.
EBM : Est-ce qu'il y a des progrès à signaler concernant la privatisation d'Erdemir en Turquie?
GD : Si l'on en croit la presse, le gouvernement a signé le décret de privatisation. Nous attendons l'appel d'offre. Je rappelle que pour nous c'est un pays important; nous sommes en Turquie depuis la fin des années 80 à travers notre filiale Borcelik, et à travers d'autres activités de centres de services. Nous livrons beaucoup de nos produits en Turquie et je pense que nous sommes certainement le meilleur partenaire pour la Turquie et pour l'économie turque puisque nous allons contribuer finalement à augmenter en partie le carnet de commande d'Erdemir.
EBM : Etes-vous plus avancés dans vos projets de mise en bourse au Brésil de vos activités brésiliennes?
GD : Je rappelle que nos activités brésiliennes sont déjà en bourse et que ce que l'on veut c'est créer quelque chose qui regroupe ces activités et qui soit coté à la Bovespa. Nous ne pouvons pas le faire avant la fin du Shareholder Agreement de CST, c'est à dire à la fin du mois de mai, et nous avons l'intention de communiquer sur le scénario final retenu dans la deuxième partie du mois de juin de cette année.
EBM : La Chine est passée du statut d'importateur net à celui d'exportateur net au niveau mondial. Les investisseurs ont encore des incertitudes sur l'implication de cette évolution pour l'équilibre mondial dans votre industrie. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques éclairages pour mieux comprendre les enjeux de cette nouvelle question ?
GD : On ne peut pas faire un raisonnement global, il faut analyser produit par produit. Sur l'inox, la Chine est encore aujourd'hui importatrice nette, on sait que cela va basculer sur l'année prochaine, et que cela aura forcément des conséquences sur le marché mondial, et en particulier sur le marché européen de l'inox. Pour les produits longs, qui sont le débouché principal de la Chine, et sa production principale, on sait que c'est un marché local. Aujourd'hui la Chine est plus qu'autosuffisante, elle exporte, mais ses produits ne peuvent s'exporter que dans le voisinage compte tenu des coûts de transport. Ce n'est pas une menace directe pour l'Europe. Pour les produits plats, on sait que la chine est encore importatrice nette, en particulier de spécialités, et qu'elle le restera encore au moins en 2006, 2007 voire même 2008.
EBM : Quelles sont les perspectives financières pour le groupe Arcelor, la « guidance », pour cette année et l'année prochaine ?
GD : Je confirme ce que j'ai déjà dit il y a quelques mois, à savoir que l'année 2005 sera une meilleure année que 2004, au niveau de l'EBITDA, en tenant compte bien sûr de notre changement de périmètre, en tenant compte aussi du fait que nos résultats du premier trimestre sont excellents, et que nous n'envisageons pas d'effondrement des prix sur le deuxième semestre.
EBM : Enfin, du point de vue d'un investisseur qui examine toutes les valeurs de l'acier au niveau mondial, qu'est ce qui distingue la valeur Arcelor de ses comparables boursiers ?
GD : Je crois que cette valeur est bien équilibrée. Elle est bien équilibrée entre produits, elle est bien équilibrée aussi entre la sidérurgie et la distribution, entre prix spots et prix contrats; ceci veut dire, c'est vrai, qu'en haut du cycle, quand les prix spots sont très élevés, on fait peut-être un peu moins bien que certains de nos concurrents, mais quand le cycle est dans une partie décroissante, on fait mieux. On est aussi très orienté produits de haut de gamme, et en cela je crois qu'on a démontré par le passé, et dans le futur on le démontrera, qu'on est capable année après année de compenser le squeeze entre prix et coûts, c'est-à-dire de dégager entre 1,5 et 2% du chiffre d'affaires de diminution de coûts.
EBM : Guy Dollé, Président d'Arcelor, merci beaucoup.
GD : Merci.