EuroBusiness Media (EBM) : Le Groupe AXA, leader mondial de l’assurance et de la gestion d’actifs, publie ses résultats pour le premier semestre 2010. Henri de Castries bonjour, vous êtes le Président Directeur Général d’AXA. Quels sont vos commentaires sur la performance du groupe au 1er semestre et les faits marquants?
Henri de Castries (HC) : Ces résultats sont des résultats qui sont de bonne facture qui montrent la solidité d’AXA dans un environnement qui reste volatile. Nous sommes probablement - enfin, le monde dans son ensemble - en train de sortir d’une crise forte, financière et économique. Les acteurs financiers ont, pour certains d’entre eux, souffert dans cette crise. Ce que les résultats du premier semestre montrent c’est qu’AXA résiste bien. Nous avons gagné des clients, nous continuons de gagner des clients dans l’ensemble du monde et sur l’ensemble de nos métiers. Même si le chiffre d’affaires est en progression seulement modeste, nos résultats progressent. Si vous regardez le résultat courant, si vous regardez ce que sont les marges, c’est quelque chose qui est relativement satisfaisant. Alors ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d'efforts à poursuivre. Nous voudrions voir à terme une croissance du chiffre d’affaires plus élevé. Nous voudrions aussi voir le redressement des résultats d’Assurance Dommages se poursuivre, même si l’Assurance Dommages est restée un métier très profitable. Nous voudrions sur l’Assurance Vie, voir l’appétit pour le risque de nos clients revenir de façon plus marquée dans les pays développées. Mais au total, les résultats de ce premier semestre montrent, je pense, la solidité de notre modèle et notre capacité de faire ce que nous avions dit que nous ferions, c.à.d. privilégier nos marges, rester sur nos modèles de développent.
EBM : Avec des marchés d'actions et un environnement économique toujours aussi incertains, quel est l’impact sur les affaires nouvelles en assurance vie et est-ce que vous aviez dû revoir la conception de certains produits pour les rendre plus attrayants dans l'environnement actuel ?
HC : Alors, bien sûr, nous avons dû revoir la conception d’un certain nombre de produits, à la fois pour les rendre plus attirants pour les clients, et aussi dans un certain nombre de cas pour les rendre moins couteux à fabriquer ou moins volatiles pour la compagnie et pour ses actionnaires. C’est le cas en particulier aux Etats-Unis, où nous avons revu notre gamme de produits "variable annuities" et où le nouveau produit commence à se vendre de manière significative dans nos réseaux. Donc oui, il y a eu un effort d’ajustement de nos produits, il y a eu aussi des efforts importants faits par les réseaux de distribution et les équipes d’AXA pour rester très proche et très présent auprès des clients dans ces périodes d’incertitude où les clients ont du mal à prendre des décisions d’investissement de long terme. Et quand vous regardez la performance en Assurance Vie, vous voyez qu’au total, comme je le disais tout à l’heure, elle est solide pour le chiffre d’affaires même si la croissance est relativement faible, parce que nous avons voulu privilégier les marges et nous avons voulu privilégier le long terme. Quand on regarde cette croissance, il y a un autre élément important à noter, c’est qu’il y a des marchés dans lesquels - parce que nous avons changé nos gammes de produits, parce que nous avons changé dans un certain nombre de cas les prix de ces produits - les ventes sont en-deçà du niveau de l’année dernière. Mais il y a aussi un assez grand nombre de marchés, qui sont en général les marchés dans des pays émergents, qui sont des marchés sur lesquels nous avons des progressions fortes.
EBM : Quel a été le résultat de votre stratégie récente pour restaurer la profitabilité dans l’assurance dommages ?
HC : Alors dans l’Assurance Dommages qui, vous savez, est un métier cyclique et qui est également affecté par les catastrophes naturelles qui peuvent se produire, et dont certains disent qu’elles se produisent à des fréquences qui sont en train d’augmenter. Nous avions, en 2009, de notre point de vue, atteint un point bas dans le cycle, c.à.d. nous gagnions toujours de l’argent en Assurance Dommages mais moins que par le passé. Nous avons souhaité restaurer la profitabilité, revenir progressivement à une profitabilité plus importante en Assurance Dommages. Pour ça les efforts portent dans trois directions : une meilleure suscription des risques, c.à.d. essayer d’écarter les mauvais risques et de sélectionner des risques qui ont un meilleur profil, contenir nos dépenses, et augmenter nos tarifs là où c’est nécessaire. Les trois éléments portent leurs fruits, puisque le ratio combiné courant, c.à.d. ce que nous avons à payer sur ce que se passe dans l’exercice qui est en train de se dérouler, ce ratio combiné courant s’améliore de 1.5 point, et c’est dû à l’ensemble de ces mesures, et en particulier aux mesures qui ont été prises en matière de hausse des tarifs.
EBM : Dans quelle mesure avez vous été capable d'endiguer la décollecte en gestion d'actifs ?
HC : C’est un sujet qui reste difficile. Notre gestion d’actifs a souffert parce que les performances de gestion au cœur de la crise n’ont pas toujours été bonnes. Sur Alliance Bernstein je dirais que nous sommes en train de voir progressivement un retour à la normale, c.à.d. que nous avions des sorties d’actifs et moins d’entrées. Le solde était très fortement négatif en 2008, dans la première partie de 2009, mais nous sommes en train de progressivement revenir à la normale. Nous constatons sur la première moitie de 2010 que sur toute la partie distribution de détails, nous sommes positifs, que sur le segment clients fortunés nous sommes à peu prés à l’équilibre. Il reste encore des sorties sur le segment institutionnel qui sont en train de se réduire. Sur la partie AXA Investment Managers, nous avons un sujet particulier sur AXA Rosenberg du fait des mauvaises performances de gestion et d’un problème ponctuel. Sur le reste, les différentes franchises ont plutôt de bonnes performances de gestion et les flux sont aussi en train de s’améliorer. L’amélioration des flux en gestion d’actifs est un exercice de moyen terme, ça ne peut pas revenir du jour au lendemain, c’est un effort de longue haleine.
EBM : Sur les 6 derniers mois le marché s’est de nouveau inquiété de la solidité bilancielle des assureurs, notamment concernant l’exposition à certains pays de la zone Euro. Où en est-on aujourd’hui ?
HC : Le marché, d’abord, a eu tord de s’inquiéter si fort, parce que les bilans des assureurs sont solides. Dans les institutions financières, les assureurs, du fait de leurs activités d’assurance, ont bien résisté dans cette crise. Le nombre de ceux d’entre eux qui ont dû faire appel à des soutiens publics est infinitésimal. Et bien sûr ça n’a pas été le cas d’AXA. Donc, les assureurs avaient des bilans solides, les craintes étaient exagérées. Les craintes sur les dettes souveraines étaient exagérées. Nous sommes depuis la fin des stress tests européens, nous semble-t-il, plutôt en train de revenir vers une situation un tout petit peu plus normalisée. AXA pour sa part, de ce point de vue là, va bien. Si vous regardez les ratios de solvabilité, nous sommes revenus au niveau d’avant crise et nous regardons là-dessus le futur avec sérénité, même si nous sommes très vigilants sur ce que va donner l’exercice Solvency 2, qui est la définition des nouvelles normes de solvabilité en Europe, sur lesquels nous souhaiterions que les superviseurs évitent des excès de prudence qui n’ont pas lieu d’être dans le secteur de l’assurance.
EBM : Vous avez clairement indiqué que vous allez privilégier la profitabilité cette année. Quand retournerez-vous à une stratégie de croissance plus agressive, et quelle en sera la forme ?
HC : Alors, je crois qu’il ne faut pas avoir une vision caricaturale des choses. Nous sommes dans un univers macroéconomique dans lequel le futur reste encore relativement incertain. Il y a des zones dans lesquelles nous avons une stratégie de croissance agressive, des zones géographiques ou certaines lignes de produits. Par exemple, nous voulons développer plus agressivement ce que nous faisons en matière de prévoyance, nous voulons aussi nous développer plus vite, et nous l’avons dit à plusieurs reprises, sur les pays émergents: en Asie, en Europe Centrale, dans le basin méditerranéen, en Amérique du Sud. Donc, ce sont des zones dans lesquels nous avons des stratégies volontaristes. Il y a des zones ou des marchés, ou des lignes des produits, sur lesquels cela fait moins de sens de poursuivre un développement agressif, parce que les clients sont moins demandeurs, parce que les marges sont plus faibles, eh bien dans ces pays là il faut savoir attendre. Il faut même quelquefois savoir désinvestir, ce que nous avons fait, par exemple, au Royaume-Uni pendant le premier semestre, et ce qui nous permet de dégager des ressources en capital, que nous repositionnerons sur des marchés ou sur des produits en développement.
EBM : Henri de Castres, Président Directeur Général du Groupe AXA, je vous remercie.
HC : Merci.