EuroBusinessMedia (EBM): Le Groupe AXA publie ses résultats annuels 2009. Henri de Castries, bonjour.
Henri de Castries (HDC): Bonjour.
EBM : En tant que Président du Directoire du Groupe AXA, quels sont vos commentaires sur la performance et les résultats du Groupe en 2009 ?
HDC :2009 a été une année contrastée, mais qui au total se termine, pour AXA, par des résultats qui sont des résultats solides. Ca a été une année contrastée parce qu’elle a terminé mieux qu’elle n’avait commencé. C’est vrai pour l’économie en général, mais c’est vrai pour nos activités. Nous avons vu, à p artir de la fin du troisième ou du début du quatrième trimestre, une dynamique plus positive revenir sur notre chiffre d’affaires. C’est une année contrastée parce que nos résultats en Assurance Vie se sont très fortement redressés par rapport à l’exercice précédent, qu’en revanche, nos résultats en Assurance Dommages ont baissé, du fait des catastrophes naturelles, et du fait aussi de l’impact de la récession sur les sinistres. C’est une année qui se termine par un résultat solide, parce que si vous regardez ce qu’est notre résultat opérationnel, il est presqu’au même niveau que l’année précédente. Si vous regardez notre résultat total, il est multiplié par quatre. Il passe de 900 M€ à 3,6 Md€. C’est une année qui se termine sur des résultats solides également en termes de bilan, puisque si vous regardez notre ratio de solvabilité, il revient à des niveaux d’avant crise, et notre endettement, quant à lui, est un endettement qui a baissé. Tout ceci nous permet de regarder l’avenir avec confiance, et de proposer une augmentation très sensible de notre dividende, que nous avions prudemment fortement diminué l’année dernière. Nous proposons cette année de l’augmenter dans des proportions qui sont des proportions importantes, puisque c’est près de 40%.
EBM : On se souvient que vous aviez récemment perdu des parts de marché en assurance vie aux Etats-Unis. Où en êtes-vous aujourd’hui de vos efforts de reconquête et de redynamisation sur le marché américain ?
HDC: Alors, vous vous souvenez bien ! D’abord, je crois que ce qu’il faut dire sur les Etats-Unis, parce que c’était un des soucis des investisseurs et des analystes l’année dernière, c’est que la profitabilité opérationnelle aux Etats-Unis est revenue. Nos activités américaines enregistrent un niveau très significatif de profitabilité opérationnelle. Donc les sujets que nous avions l’année dernière, du fait de la turbulence extrême des marchés, sont des sujets qui ont été très, très largement corrigés. C’est un premier point qui est un point important. Ensuite en termes de parts de marché, oui, nous avons perdu des parts de marché. Nous avons perdu des parts de marché parce que nous avons changé les prix de nos produits plus rapidement que d’autres, pour refléter les nouvelles conditions de marché. Et l’objectif du Groupe, ce n’est pas de se battre pour des parts de marché qui ne seraient pas profitables, c’est d’avoir des produits qui sont des bons produits pour nos clients, mais qui soient aussi suffisamment rémunérateurs pour nos actionnaires. Et c’est à cette aune-là qu’il faut juger ce que nous avons fait. Nous avons corrigé le prix sur des produits qui étaient des générations des produits anciennes et sur lesquelles il fallait tenir compte de nouvelles conditions de marché. Cela conduit provisoirement à voir nos parts de marché s’éroder, nous préparons le futur en diversifiant nos gammes de produits et en introduisant notamment une nouvelle gamme qui s’appelle « Retirement Cornerstone » dont nous pensons qu’elle correspond à ce que cherchent nos clients américains aujourd’hui. C’est-à-dire une participation à ce que sera l’évolution des marchés, avec des garanties, sachant que l’environnement général devrait plutôt nous être favorable, puisque le taux d’épargne américain est en train de remonter, et que si vous regardez aujourd’hui la démographie, quand un ménage américain atteint l’âge de 60 ans, la probabilité qu’il vive, que les deux membres du ménage vivent jusqu’à 90 ans est à peu près 65%. Donc vous avez 65% des gens qui ont besoin d’avoir accumulé 30 années d’épargne. Tout ceci, ça doit les conduire normalement à regarder de façon favorable les produits que nous mettons sur le marché.
EBM : En assurance dommages, quels sont vos commentaires sur l’état actuel du cycle, et des évolutions tarifaires. Suite au ralentissement économique qui entraîne une diminution de la matière assurable, qu’entendez-vous privilégier aujourd’hui dans l’inévitable arbitrage entre profitabilité et croissance ?
HDC: La manière de répondre à cette question est simple : le dommage reste un métier cyclique, même s’il est moins cyclique qu’il ne l’a été dans le passé, et à la récession au travers de laquelle l’économie mondiale est en train de passer, se rajoute un cycle qui était un cycle dans lequel les prix avaient plutôt tendance à baisser. Il y a également une couche supplémentaire qui vient se rajouter à ça, c’est que l’année 2009 a été marquée par un volume de catastrophes naturelles plus important que d’habitude. Ceci explique la baisse de notre profitabilité en assurance dommages, au cours de l’exercice 2009. Nous ne sommes pas inquiets quand nous regardons le futur. Pourquoi ? D’abord parce que c’est un marché cyclique, et que s’il est cyclique, il y a des années où il baisse, mais il y a des années où il remonte. Et nous avons le sentiment que cela commence à remonter, pour le marché en général, et pour nous en particulier. Parce que nous avons déjà pris des actions en matière d’évolution des prix qui sont telles que, progressivement, nos résultats en dommages vont s’améliorer. Donc quand nous regardons, nous avons le sentiment que nous sommes probablement pas loin du bas de cycle. Je rajoute que notre offre est une offre compétitive, puisque, malgré les hausses de tarif que nous avons commencé à pratiquer, nous avons enregistré en 2009 un million de clients nouveaux. Si nos produits n’étaient pas attractifs, nous ne gagnerions pas des clients.
EBM : Vous tenez actuellement de racheter les minoritaires de votre filiale australienne, en préambule à une sortie totale du marché australien prochainement. Quel est votre point de situation aujourd’hui sur ce dossier riche en rebondissements ?
HDC: Il y a effectivement eu quelques rebondissements sur ce dossier ! Notre position, elle est très simple. Cette opération présente un véritable intérêt pour AXA puisque, comme vous le savez, elle consiste à ce que nous devenions les propriétaires à 100% des activités asiatiques en vendant les activités australiennes. Il y a aujourd’hui, je dirais, deux concurrents, un qui a été agréé par le Conseil d’Administration australien, un autre qui ne l’a pas été. Nous n’avons aujourd’hui plus d’accord d’exclusivité avec AMP, nous sommes en discussion avec NAB, qui est l’acheteur qui a les faveurs du Board australien. Les discussions continuent, nous sommes très confiants sur le fait que nous allons trouvez une solution à ce dossier, qui nous permettra d’arriver à nos fins, quel que soit l’acheteur final, nos fins étant de devenir, à 100 %, le propriétaire des activités en Asie, qui sont aujourd’hui codétenues avec les minoritaires australiens.
EBM : Même si on ne connaît pas encore aujourd’hui totalement la règle du jeu pour Solvabilité 2, quelles sont les implications potentielles pour un Groupe tel qu’AXA ?
HDC: Solvabilité 2 d’abord, parce que beaucoup de choses ont été dites là-dessus. Au total, nous considérons, nous AXA, que c’est un bon système de mesure des risques, même si son réglage doit être amélioré. C’est un progrès parce que c’est une mesure économique du risque. Ayant dit cela, il y a un certain nombre de discussions qui sont en cours sur le calibrage de ces risques. Le Parlement Européen a défini un cadre très clair sur ce que devait être ce calibrage. Nous sommes très attachés à ce que le cadrage qui a été celui dont le Parlement a décidé soit un cadrage qui soit respecté. Nous pensons qu’il n’est ni de l’intérêt des consommateurs, ni de l’intérêt de l’économie européenne, ni de l’intérêt des actionnaires du secteur de l’assurance, que l’on s’éloigne de ce cadrage, pour demander à l’industrie d’avoir un capital supérieur à ce qui est nécessaire pour opérer d’une façon sure. Et c’est dans ce sens que nous travaillons et que les discussions continuent.
EBM : On a pu lire, sous la plume de certains analystes, que votre niveau d’endettement serait un potentiel sujet d’inquiétude. En effet, le levier d’AXA serait élevé aujourd’hui par rapport à ses moyennes historiques. Souhaiteriez-vous apporter une réponse ou des clarifications au marché, sur cette question aujourd’hui ?
HDC : Je crois que ce sont les chiffres qui apportent une réponse à cette question et à cette inquiétude, très clairement, si jamais il y a eu inquiétude, d’ailleurs. Très clairement, la solvabilité du groupe est revenue à des niveaux qui sont des niveaux d’avant-crise. La solvabilité du groupe mesurée par les critères qui sont utilisés aujourd’hui est à plus de 170%. Le deuxième élément c’est que le ratio d’endettement baisse, et baisse sensiblement au cours de l’exercice 2009. Donc nous avons un bilan qui est un bilan sain, qui est un bilan solide, avec quelque chose qu’il ne faut pas oublier, qui est une capacité de résultat récurrent très significative. Le résultat opérationnel, il s’établit aux alentour de 4Md€, ce qui représente à peu près 20 points de base de solvabilité supplémentaires chaque année, qui vont servir à financer les dividendes, financer les investissements, financer le renforcement supplémentaire encore du bilan.
EBM: On assiste aujourd’hui à beaucoup d’incertitudes et de spéculation concernant les risques souverains, notamment pour des pays regroupés sous la acronyme, peu flatteur, de PIGS. Est-ce un réel sujet d’inquiétude par rapport à l’exposition des très larges portefeuilles obligataires du Groupe AXA aujourd’hui ?
HDC : Non, ce n’est pas un sujet d’inquiétude. Nous avons toujours été très, je dirais, prudent et conservateur dans nos politiques d’investissement. Notre exposition aux PIGS est une exposition qui est limitée. Si vous prenez le cas de la Grèce, en particulier, notre exposition nette, elle est de 600M€, sur un bilan qui est de plusieurs centaines de milliards d’euros. Donc cette exposition est une exposition qui est limitée, le groupe est très prudent dans ses allocations d’actifs et si vous en voulez une preuve, regardez la manière dont le groupe a traversé cette crise en termes de qualité de ses actifs. AXA ne compte pas parmi les groupes qui ont eu des problèmes significatifs du fait d’un mauvais choix dans les actifs dans lesquels ils ont investi. Bien sûr, certains de nos actifs ont baissé de valeur avec les marchés, mais la qualité moyenne de nos actifs est une bonne qualité.
EBM : Quelles sont vos perspectives pour le Groupe en cette année 2010 ?
HDC : Les perspective vont d’abord, il faut le rappeler, un peu dépendre de l’environnement macro-économique, qui reste relativement incertain. Il est meilleur que l’année dernière à la même époque, il n’est pas pour autant totalement clarifié. Ayant dit cela, nous sommes relativement confiants dans l’avenir. Sur nos activités existantes, les priorités, elles vont être sur la partie Assurance Vie-Gestion d’Actifs, de bénéficier du niveau élevé des taux d’épargne, ou de leur augmentation dans un certain nombre de pays, et du retour progressif de l’appétit pour les risque chez nos clients. C’est quelque chose qui devrait bénéficier aux activités d’Assurance Vie. Sur l’assurance dommages, nous allons essayer de contribuer au retournement du cycle, et d’en profiter, pour augmenter nos résultats, tout ceci sans perdre de clients. Nous allons aussi faire un travail important sur nos marges et sur le niveau de nos dépenses. Ca, c’est sur nos activités existantes. Ensuite nous allons essayer de continuer à développer le Groupe, développer son offre de produits dans un certain nombre de secteurs, dans lesquels nous pensons que nous pourrions avoir des parts de marché plus importantes, comme la Protection et la Santé. Développer aussi le groupe, sur un certain nombre de territoires dans lesquels la croissance est forte et la profitabilité devrait être bonne, comme les pays émergents. Vous voyez, il y a des priorités sur les activités existantes, et il y a aussi une volonté de se développer sur de nouveaux territoires, ou en élargissant nos gammes de produits.
EBM : Henri de Castries, Président du Directoire du Groupe AXA, je vous remercie.
HDC : Merci à vous, et puis surtout merci à tous les collaborateurs du Groupe, qui ont travaillé dur pour que les résultats soient ce qu’ils sont, qui portent cette ambition au quotidien, et merci aux investisseurs et aux actionnaires, qui nous ont fait confiance dans cette période extrêmement difficile.