EuroBusinessMedia (EBM) : Wendel Investissement, l'un des leaders européens du private equity, tient son assemblée générale ordinaire. Jean-Bernard Lafonta, bonjour. Vous êtes le Président du directoire de Wendel Investissement et c'est aujourd'hui votre cinquième AG depuis que vous avez pris les rennes de la société. En faisant le bilan des cinq dernières années - c'est la durée de détention moyenne des participations dans votre métier - quel est votre point sur la situation pour les actionnaires qui vous écoutent aujourd'hui ?
Jean-Bernard Lafonta (JBL) : Je crois que nous avons fait effectivement un chemin très important, marqué par une progression du cours de bourse de 50% par ans depuis 5 ans, mais le plus important peut-être est que nous avons créé une société d'investissement, reconnue à l'échelle européenne, aujourd'hui la plus importante et la plus performante, et qui a un modèle en soi puisqu'on observe qu'un certain nombre de fonds qui sont nos concurrents, fonds de private equity, cherchent à s'introduire en bourse. Nous avons été capables de commencer à développer une démarche d'internationalisation, avec l'acquisition l'année dernière de plusieurs sociétés à l'international, et nous allons poursuivre cette marche en avant avec des objectifs ambitieux puisque notre objectif est de doubler l'actif net par action à l'horizon des 5 prochaines années.
EBM : Lorsque vous avez pris vos fonctions il y a cinq ans, vous avez entamé une simplification de la structure et de l'organigramme du groupe. Aujourd'hui, vous annoncez une seconde phase de ce processus de simplification. De quoi s'agit-il au juste ?
JBL : Je pense que l'essentiel a été fait il y a cinq ans, puisqu'il y a cinq ans nous avions deux structures cotées. Nous les avons fusionnées pour ne plus avoir qu'une société cotée, et on en observe d'ailleurs les résultats aujourd'hui, puisque nous avons un nombre d'actionnaires individuels qui a significativement augmenté : on est passé de 30 000 à 45 000 actionnaires individuels en cinq ans, et on a également une liquidité du cours de bourse qui a considérablement augmenté, passant d'à peu près de 20 000 titres traités par jour à plus de 100 000 aujourd'hui. Les effets de la première phase de simplification étaient ceux qu'on espérait et sont au rendez-vous. Il restait une boucle d'autocontrôle en titre Wendel Participation et on avait une question récurrente d'actionnaires minoritaires mais également familiaux sur « est-ce que l'on va simplifier ça ? » et c'était quelque chose qu'on pouvait faire dès lors qu'on était dans la mesure d'annuler un certain nombre de titres dans notre bilan, ce qui était faisable à partir du 31 décembre 2006. Et donc nous procédons maintenant à cette simplification finale d'une dernière boucle d'autocontrôle dans notre bilan, qui aura pour principal effet de remonter la part détenue par le public dans Wendel de 54% à 59%, donc c'est encore une bonne nouvelle pour la liquidité.
EBM : Vous annoncez par ailleurs un changement du nom de la société, qui s'appellera désormais simplement « Wendel ». Pourquoi le changement de nom, et qu'est ce que cela sous entend en termes de repositionnement de la marque ?
JBL : Je crois qu'il n'y a pas de repositionnement de la marque. Je crois que c'est simplement l'achèvement d'une reconnaissance où finalement ceux qui nous observent disent « Wendel » aujourd'hui, et le fait que l'on soit une société d'investissement est compris et reconnu. Nous en prenons acte et nous simplifions notre nom, dans un souci d'être en phase avec ceux qui nous observent.
EBM : Vous avez récemment ouvert un bureau à Singapour et recruté un top manager d'Axa, Philippe Donnet, dans un mouvement de renforcement de votre présence à l'international. Que pouvez-vous nous dire à propos de l'internationalisation en cours chez Wendel ?
JBL : Je crois que c'est une évolution naturelle que nous avons engagée l'année dernière, avec d'ailleurs un certain nombre d'acquisitions aux Etats-Unis avec Deutsch, Stahl et AVR en Hollande sur quatre acquisitions en 2006, nous en avons réalisées trois à l'international. Nous avons d'ailleurs aujourd'hui des sociétés qui sont mondiales, avec une présence forte, dans un certain nombre de pays dans le monde. Les deux tiers du chiffre d'affaires de Wendel sont déjà générés en dehors de France et dans l'ensemble des pays émergents. Donc notre objectif aujourd'hui est de préparer progressivement la globalisation de Wendel pour les 10 années qui viennent, en nous intéressant naturellement en priorité à l'Europe. Ce que nous avons commencé à faire avec la Hollande, où nous avons recruté des équipes locales ; mais peut être aussi sur l'Allemagne, nous y réfléchissons aujourd'hui. Et l'Asie s'inscrit dans cette perspective, avec des marchés, qui aujourd'hui, sont plus faibles que les marchés européens en termes de possibilités d'investissements pour nous, mais qui vraisemblablement dans les 5 à 10 ans deviendront très importantes : nous voulons en être un acteur majeur. Philippe Donnet, qui est un manager qui a fait très largement ses preuves au sein d'AXA, a en particulier redressé le Japon, a une réputation très forte dans ces pays-là, et en particulier au Japon. Et nous allons nous appuyer là dessus, pour dans une optique de moyen terme nous développer dans cette zone en prenant tout notre temps. Nous pensons que des pays comme la Corée ou le Japon sont très en ligne avec le modèle de Wendel, long terme et industriel, et que devrions y rencontrer à terme un certain succès.
EBM : Après une introduction en bourse de Bureau Veritas, 80% de votre valeur d'actifs nets sera cotées en bourse, ce qui serait un départ marqué par rapport au modèle de pure player dans le private equity. Quels sont vos commentaires sur cette évolution ?
JBL : Je crois que la principale évolution qui caractérise le fait que nous sommes allés vers le métier de société d'investissement, c'est que nous sommes passés du non-contrôle au contrôle. Quand nous étions, il y a 5 ans, dans un certain nombre d'actifs, nous étions en réalité à 70% dans des actifs que nous ne contrôlions pas. C'était le cas de Cap Gemini, le cas de Valeo, le cas de Bio Mérieux, le cas de Trader Classified Media par exemple, que nous avons vendus. Et nous sommes au cours des 5 dernières années allés vers d'avantage de contrôle : aujourd'hui nous contrôlons à près de 95-96% de la valeur de l'actif brut de Wendel. Et nous allons maintenir cela. Si nous introduisons en bourse Bureau Veritas, nous conserverons le contrôle de Bureau Veritas comme aujourd'hui nous conservons le contrôle de Legrand. Donc la question est de savoir après, lorsque nous sommes dans Legrand ou dans Bureau Veritas, est-ce qu'un investisseur, dans Wendel, a intérêt à être dans Wendel ou directement dans les sociétés cotées dans les quelles nous sommes. Je pense qu'on a une réponse à cette question si l'on regarde la performance de Wendel sur les 5 dernières années, elle a été, pour ce qui concerne l'actif net par action, d'environ plus de 35% par an en moyenne. Dans ces plus 35% vous avez un bon tiers qui provient de l'action du management de Wendel. Quand vous achetez Wendel, vous achetez non seulement les actifs, mais également la capacité à accroître la valeur de ces actifs au travers du management de Wendel. Et ça a de la valeur me semble-t-il.
EBM : Vous revendiquez chez Wendel à la fois un savoir-faire et un business modèle spécifique, qui vous permettrait de délivrer des retours sur investissements plus élevés qu'un fond de private equity classique. Quelles sont les spécificités de ce savoir faire et de ce business modèle ?
JBL : Je crois surtout que cela résulte d'une situation concurrentielle : nous sommes dans une situation où nous sommes parmi les plus importants intervenants en Europe. Nous sommes capables d'investir dans une société dont la valeur d'entreprise est supérieure à un milliard d'euros, nous sommes capables de mettre sur une opération un montant en fonds propres d'un milliard d'euros ou plus. Donc nous sommes dans une situation où nos concurrents sont les plus importants. Et dans la quinzaine de concurrents que nous avons, aucun n'est capable d'être aujourd'hui véritablement long terme. Donc nous sommes différents. Et en étant différents nous pouvons nous intéresser spécifiquement à des sociétés qui ont un profil adapté à notre caractère long terme. En particulier un profil de développement et de croissance. Quand vous êtes dans une société où vous pouvez amplifier la croissance par croissance externe, le fait d'être un actionnaire de long terme est un avantage compétitif, et nous nous en servons pour emporter des affaires que d'autres ont plus de mal à emporter parce qu'ils n'ont pas le même profil que nous. Nous ne nous intéressons qu'à des affaires qui correspondent à notre profil d'actionnaire, et ce qui à mon avis explique la différence de performance.
EBM : On parle beaucoup de la possibilité de voir Wendel faire des cessions. Si certaines cessions sont effectuées, vous disposerez d'une trésorerie importante à réinvestir dans de nouvelles participations. Que pouvez vous nous dire aujourd'hui sur les prochains investissements possibles -- en terme de taille, de calendrier, de secteurs et de géographie ?
JBL : Tout d'abord, je pense nous n'avons aucune pression. C'est également l'une des forces de Wendel : nous n'avons aucune pression parce que nous avons un bilan qui structurellement détient une dette obligataire de l'ordre de 2,5 milliards de dettes, et que le cash que nous avons en face ne crée pas une moindre performance de Wendel dans la mesure où le rendement du cash n'est pas fondamentalement différent du coût de la dette. Donc le fait d'avoir plus de cash dans notre bilan ne crée pas un problème structurel de rentabilité pour Wendel, et donc ne nous oblige pas à réinvestir coûte que coûte. Donc nous continuerons à le faire intelligemment, comme nous l'avons fait jusqu'à présent. En tous les cas nous chercherons à le faire intelligemment. Nous n'avons pas de spécificités sectorielles ou géographiques, nous cherchons les meilleures opportunités possibles en terme de qualités de société, de qualité de projet d'entreprise par rapport au profil long terme de Wendel. Si ces trois caractéristiques sont réunies, la société nous intéresse.
EBM : Jean-Bernard Lafonta, Président du directoire de Wendel, je vous remercie.
JBL : Merci.