EuroBusiness Media (EBM) : Sanofi-aventis, l’un des leaders mondiaux de la santé, publie ses résultats du troisième trimestre 2010. Jérôme Contamine, bonjour ; vous êtes le Directeur Financier de sanofi-aventis. Pouvez-vous commenter pour nous la performance du Groupe au troisième trimestre, en particulier dans les marchés émergents ?
Jérôme Contamine (JC) : Bonjour Katherine. Le résultat du troisième trimestre, pourtant marqué par la forte concurrence des génériques, est resté bien soutenu. Vous le savez, un générique, concurrent de Lovenox®, a été mis sur le marché le 23 juillet dernier. Notre chiffre d'affaires publié n’en progresse pas moins de 5,7%, ce qui correspond à un recul de 1,7% à change constant. Quant à notre bénéfice net par action, il progresse de 8,6% sur une base publiée, soit un léger recul à change constant. De fait, nous avons réussi au cours du trimestre à compenser la perte de plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires liée à la concurrence des produits génériques par nos plateformes de croissance, tant en chiffre d'affaires qu’en résultat net. Pour répondre à votre question relative aux marchés émergents, ceux-ci constituent manifestement un moteur de croissance à long terme pour sanofi-aventis, puisqu’ils représentent désormais près de 30% (exactement 29,6%) du chiffre d'affaires du trimestre, et ont réalisé une croissance organique de 13%. Notons, en particulier, le Brésil et la Russie qui enregistrent tous deux une croissance supérieure à 20%.
EBM : Êtes-vous en mesure de revoir à la hausse vos prévisions 2010 ?
JC : Souvenez-vous : dès que nous avons appris la mise sur le marché d’un générique de Lovenox®, en juillet, nous avons publié une prévision d’évolution du résultat net de l’exercice dans une fourchette située entre 0 et -4%. Compte tenu des excellents résultats du 3ème trimestre et de la visibilité dont nous bénéficions maintenant sur la fin de l’exercice, nous avons revu nos prévisions à la hausse, avec une croissance du BNPA à change constant comprise entre 0 à +2% par rapport à 2009.
EBM : Les ventes de génériques de Lovenox® aux États-Unis ont été relativement fortes au 3e trimestre. Que pouvez-vous nous dire de l’érosion des ventes aux États-Unis ?
JC : Vous le savez, un générique concurrent a fait son apparition aux États-Unis le 23 juillet dernier. Le chiffre d'affaires global de Lovenox® au troisième trimestre atteint 589 millions d’euros, en recul de 26%. Cela étant, plus de la moitié de ces ventes sont réalisées hors des États-Unis. En dehors des États-Unis, notre croissance - à un chiffre - se poursuit tant en Europe que dans les marchés émergents. Aux États-Unis même, nous avons perdu pratiquement la moitié de notre chiffre d'affaires. Nous y conservons une part significative du marché hospitalier, et c’est sur le marché de ville que le recul est le plus marqué. Je dirais que nous avons su maintenir, mensuellement, près de la moitié des ventes que nous enregistrions avant l’apparition de cette concurrence générique.
EBM : Qu’en est-il de vos derniers lancements de produits ? La progression de Jevtana® au 3e trimestre répond-elle à vos attentes ? Les derniers chiffres relatifs au Multaq® sont-ils satisfaisants ?
JC : Nous sommes extrêmement satisfaits du lancement de Jevtana®. Ce lancement, début juillet, fait suite à l’autorisation de mise sur le marché donnée le 17 juin par les autorités américaines au terme d’une procédure accélérée d’examen. Jevtana® est un médicament destiné aux patients qui souffrent du cancer de la prostate, à utiliser en deuxième intention après un traitement à base de docétaxel. Cette molécule est la seule actuellement disponible pour cette catégorie de patients. Avec 41 millions d’euros de chiffre d'affaires au cours du troisième trimestre, nous avons dépassé nos propres attentes, ce qui me conforte dans l’idée que nous dépasserons le seuil de 60 millions d’euros de ventes annoncé pour la première année lors de notre séminaire thématique consacré à l’Oncologie, fin septembre. Quant à Multaq®, ce produit est désormais disponible dans 23 pays. Il a été lancé dans la plupart des pays européens au cours du 3e trimestre ou au début du 4e trimestre. Le lancement en France est justement programmé pour cette semaine. La performance commerciale en Europe est bonne, particulièrement en Allemagne. Aux États-Unis, nous avons enregistré 35 millions d’euros de ventes au 3e trimestre.
EMB : Pensez-vous que les ventes de votre vaccin contre la grippe saisonnière vont bénéficier de la prise de conscience générale du public après la pandémie de l’an dernier ?
JC : Cela me semble probable, surtout aux États-Unis où nous lançons également d’autres versions de vaccins antigrippaux, tels que récemment, le Fluzone® High Dose. Comme vous l’aurez remarqué, les ventes de notre division vaccins progressent de 14% par rapport à l’année dernière (hors H1N1) ce qui est un excellent résultat, très certainement dû à l’effet de la grippe saisonnière sur les ventes.
EBM : Aux États-Unis, les ventes d’Eloxatine® semblent progresser plus vite que prévu. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, et nous indiquer vos prévisions de chiffre d'affaires pour les prochains trimestres ?
JC : Une décision de justice intervenue au premier semestre interdit aux producteurs de génériques de l’Eloxatine® d’en poursuivre la vente depuis fin juin. Nous en sommes actuellement dans une phase de résorption des stocks. Nous observons cependant une reprise des ventes d’Eloxatine®, à environ 20 millions d’euros par mois aux États-Unis, soit un niveau nettement plus élevé qu’avant l’arrêt des ventes de génériques. Nous devrions donc assister à une reprise des ventes d’Eloxatine® au cours du second semestre, et davantage encore l’an prochain. Quant aux concurrents producteurs de génériques, ils ne sont pas autorisés à commercialiser des génériques de l’Eloxatine® avant août 2012.
EBM : Comment évaluez-vous les perspectives pour le lixisenatide, après les résultats positifs en Phase III observés pour ce nouveau traitement antidiabétique et les difficultés rencontrées par les molécules potentiellement concurrentes que sont Bydureon® et taspoglutide ?
JC : Nous avons effectivement publié deux résultats positifs provenant de notre programme d’études de Phase III GetGoal, qui font la preuve d’une grande efficacité en termes de maîtrise de la glycémie et d’une bonne tolérance. Plusieurs études complémentaires seront publiées en cours d’année. Il y a quelques mois encore, le lixisenatide n’était guère connu des analystes. Or les difficultés que rencontrent aujourd’hui les GLP-1s en prise hebdomadaire accroît tout à coup la visibilité de notre propre GLP-1 à prise quotidienne. Nous sommes donc raisonnablement confiants sur le lixisenatide, et nous prévoyons d’introduire la demande de mise sur le marché au cours du deuxième semestre 2011 pour l’Europe et du deuxième semestre 2012 pour les États-Unis.
EBM : Après les résultats positifs obtenus en Phase III, le teriflunomide pourrait-il devenir un médicament important, et à quel délai ?
JC : Lors de la conférence ECTRIMS (Comité européen pour le traitement et la recherche sur la sclérose en plaques) récemment organisée à Göteborg (Suède) nous avons présenté les résultats de notre étude TEMSO de Phase III. De nombreuses innovations y ont d’ailleurs été dévoilées dans le domaine de la sclérose en plaques. Ces résultats, qui montrent une diminution de 31% des rechutes avec une bonne tolérance, ont reçu un accueil favorable et suscité un vif intérêt de la part du public concerné par cette affection. Nous avons également deux études de Phase III en cours, TOWER et TENERE, dont les résultats seront disponibles en 2011. Nous avons récemment lancé l’étude TERACLES évaluant l’utilisation du teriflunomide en association avec l’interféron beta.
EBM : Certains de vos concurrents disent ressentir durement l’effet des réformes de la santé entreprises aux États-Unis et des baisses de prix en Europe. Quelle est votre estimation de la gravité de cette situation ?
JC : Je tiens à rappeler avant tout que nous sommes un groupe diversifié. Nous avons la chance que 30% de notre chiffre d'affaires s’effectue hors des États-Unis et hors d’Europe de l’Ouest. Nous avons également les ventes de vaccins qui ne sont pas véritablement confrontées aux mêmes baisses de prix. Cette diversification réduit à la fois le risque et l’impact de ces réformes sur sanofi-aventis. Pour les États-Unis, nous avons annoncé au 1er trimestre une incidence de l’ordre de 190 millions de dollars pour la première année. Ce chiffre figure déjà dans nos prévisions et dans nos budgets, ce n’est donc pas une surprise. Pour l’avenir, les réformes devraient également nous être profitables à terme, dans la mesure où davantage de patients auront accès au remboursement et à la couverture santé, ce qui aura une incidence favorable sur nos volumes de ventes. En Europe, nous avons constaté des baisses de prix un peu partout au 2e et au 3e trimestre. Je dirais qu’en Europe, nous y sommes habitués : nous sommes l’un des plus grands groupes européens et ces baisses de prix se succèdent depuis quatre ans déjà. Cette année, de toute évidence, les baisses les plus importantes ont été le fait de la Grèce et de l’Espagne. Nous nous efforçons d’y adapter notre organisation, par une réduction de notre structure de coûts et la révision de notre stratégie commerciale et marketing afin d’assurer la rentabilité de nos activités en Europe.
EBM : Où en sont vos efforts de réduction des coûts ?
JC : Rappelez-vous, nous avons annoncé 2 milliards d’euros d’économies de 2008 à 2013. Fin 2009, nous dépassions déjà nos prévisions avec 600 millions d’euros d’économies, et nous voulions atteindre un objectif de 1 milliard d’euros d’économies au total en 2010 par rapport à 2008. Je suis donc très heureux d’annoncer que notre programme se déroule de façon très satisfaisante, et que nous allons atteindre en 2010 1,2 milliard d’euros d’économies récurrentes par comparaison avec 2008.
EBM : Entre la mise sur le marché, aux États-Unis, d’un générique d’Ambien CR® ce mois-ci et le possible lancement de génériques de Taxotere® en novembre aux États-Unis et en Europe, pouvez-vous esquisser la situation des produits sous brevet à l’aube de l’année 2011 ?
JC : Début 2009, nous avons clairement annoncé l’incidence des expirations brevetaires et expliqué comment nous comptions y faire face entre 2008 et 2012. Aujourd’hui, fin of 2010, une partie de cet effet se voit déjà dans nos chiffres : nous avons vu arriver les génériques de Lovenox® et d’Ambien CR®, et les génériques de Taxotere® devraient arriver aux États-Unis et en Europe dès la fin 2010. L’expiration de certains brevets et l’incidence dans nos comptes - chiffre d'affaires et résultat - sont déjà largement répercutés dans nos états financiers 2010. Oui, ces pertes de chiffre d'affaires et de bénéfices feront pleinement sentir leurs effets en 2011. D’un autre côté, l’examen des chiffres 2010 révèle comment nous avons réussi à faire face à cette situation à travers la progression de nos plateformes de croissances, des acquisitions, des réductions de coût et des mesures d’économie entamées dès 2008. Nous pouvons donc dire que l’horizon 2011 se dessine assez clairement. Nous allons encore perdre du chiffre d'affaires à cause de l’incidence en année pleine de l’expiration des brevets de Lovenox®, de Taxotere® et de l’Ambien CR®. En revanche, nous avons constitué la base sur laquelle nous allons poursuivre notre reconstruction et améliorer notre visibilité, grâce à nos plateformes de croissance et à des acquisitions, pour relancer la croissance du chiffre d'affaires et du bénéfice de sanofi-aventis.
EBM : Jérôme Contamine, Directeur Financier de sanofi-aventis, merci beaucoup.
JC : Merci Katherine.