EuroBusiness Media (EBM) : Sanofi-aventis, une entreprise de santé diversifiée parmi les plus importantes du monde, vient d’annoncer ses résultats pour le premier trimestre 2009. Chris Viehbacher, bonjour. Vous êtes le Directeur Général de sanofi-aventis. Quels sont vos commentaires sur les performances de sanofi-aventis au premier trimestre ? Vous permettent-elles de confirmer vos perspectives pour l’ensemble de l’année ?
Chris Viehbacher (CV) : Je pense que nous avons bien commencé l’année. Notre chiffre d’affaires, qui tient compte de l’absence du Copaxone cette année par rapport à 2008, est en hausse de 3,5%. Je crois que tous nos moteurs essentiels de croissance, tels que Plavix, Lantus et Taxotere, sont bien orientés. Lovenox se développe très bien aussi : certes, il souffre de la comparaison avec un fort taux de croissance au premier trimestre 2008, mais son taux de croissance reste positif. Une maîtrise rigoureuse des coûts nous a permis de réaliser une croissance du BNPA de près de 10% à taux de change constant et de près de 17% à données publiées. Nous sommes donc très satisfaits de ce début d’année et reconfirmons nos perspectives annoncées d’un BNPA en hausse d’au moins 7%, sauf événement adverse majeur.
EBM : En février, vous avez présenté votre nouvelle stratégie pour le groupe. De quelle manière avez-vous, depuis, avancé dans la mise en œuvre totale ou partielle de cette nouvelle stratégie ?
CV : Nous ne chômons pas ! Tout d’abord, nous avons finalisé l’acquisition de Zentiva, dont le rachat renouvelle notre portefeuille de génériques de marque en Europe de l’Est. Depuis nous avons mené à bien trois autres acquisitions. Nous avons acquis deux fabricants de génériques en Amérique Latine, qui joue un rôle très important dans notre stratégie. Nous avions annoncé que les marchés émergents étaient une priorité et que nous voulions nous diversifier, ce qui est fait avec l’acquisition de Kendrick au Mexique et de Medley au Brésil. Nous sommes donc devenus le premier fabricant de génériques en Amérique Latine, ce qui nous permet de nous diversifier un peu tout en consolidant nos positions sur les marchés émergents. L’autre acquisition que je considère comme aussi importante est celle de BiPar. Ce rachat nous permet de proposer aux patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif le meilleur traitement oncologique à ce jour, ce qui met en évidence l’importance que nous attachons à l’innovation, qui restera le moteur de notre développement. Bref, nous sommes attachés à la diversification, mais pas au point de renoncer à notre principale activité, la pharmacie. Cela dit, les acquisitions réalisées montrent clairement que nous avons bel et bien commencé à mettre en œuvre notre nouvelle stratégie.
EBM : Vous avez également annoncé une revue complète de votre portefeuille de molécules afin d’identifier les produits les plus prometteurs et de renoncer aux produits les moins porteurs d’avenir. Quelles sont les conclusions de cette revue du portefeuille de la R&D et du pipeline ?
CV : Nous avons examiné sous toutes les coutures 65 projets dans les phases I à III de développement clinique des activités pharmacie et vaccins. Nous nous sommes posé quatre questions : ces projets sont-ils innovants ? Quelle valeur ajoutée apportent-ils aux patients ? Leurs niveaux de risques techniques et commerciaux sont-ils acceptables ? Génèrent-ils de bons retours sur investissement ?
Suite à cette revue nous avons annoncé notre décision d’arrêter 14 projets, dont quatre en phase II, quatre en phase III et six en phase I. Pas de problème pour les projets en phase I car leur taux d’attrition est élevé de toute façon. Pour les projets en phases II et III, nous avons fait ces choix car nous voyions dans ces molécules un manque d’efficacité, un risque de nocivité/innocuité ou une valeur ajoutée trop faible pour les patients.
Ceci nous a permis de réorienter en toute confiance les ressources vers les projets au potentiel le plus élevé, et à travers ce processus de mobiliser l’ensemble de l’entreprise au service des projets retenus pour en accélérer la réalisation. Et naturellement, nous regardons autour de nous pour compléter ce portefeuille de molécules. Mais nous avons désormais des bases solides pour optimiser notre R&D et nous avons mis en place des processus rigoureux qui nous serviront à suivre les différents projets dans leurs phases de développement.
EBM : Le comité consultatif de la FDA (Food and Drug Administration) a rendu un avis positif pour le Multaq. Quelles sont vos attentes pour le Multaq à court, moyen et long terme ?
CV : Nous sommes bien sûr ravis de ce fort soutien du comité consultatif de la FDA. L’affaire est désormais entre les mains de la FDA. Le dossier évolue favorablement et nous espérons obtenir l’approbation du Multaq par la FDA très prochainement, ce qui serait la première approbation par la FDA d’un antiarythmique depuis 10 ans. Tout aussi important, cet antiarythmique est le premier pour lequel une étude de long terme démontre des effets bénéfiques réels pour les patients : le taux d’hospitalisation cardiovasculaire des patients qui souffrent de fibrillation auriculaire est diminué de 25%. Pour ces raisons, je pense que ce produit est promis à un bel avenir.
EBM : D’ici le milieu de l’année vous annoncerez votre programme de transformation de sanofi-aventis. Ou en êtes-vous dans l’élaboration de ce programme ?
CV : Nous sommes à peu près à mi-parcours. Un bon nombre de personnes travaillent sur ce projet, dont l’importance est grande pour la transformation de sanofi-aventis en une entreprise mondiale de la santé, et qui pose de vraies questions de management. Par exemple, concernant les rachats de fabricants de génériques, devons-nous les réunir dans une entité dédiée ou les gérer pays par pays ? En termes de production, les fabricants de génériques sont passés de 10 à 15 nouvelles présentations, paquets ou formulations par an à plus de 100. Il convient donc de veiller à ce que nos ressources et notre personnel soient véritablement alloués à la mise en œuvre de cette stratégie de diversification et de croissance sur les marchés émergents. D’où le lancement de ces projets de transformation. D’ici au milieu de l’année, nous serons en mesure d’annoncer au marché et à nos équipes nos recommandations en matière de réorganisation. Et nous profiterons de l’annonce des résultats du deuxième trimestre pour en dire encore un peu plus.
EBM : Le secteur de la pharmacie a connu dernièrement une intense période de fusions et d’acquisitions. Quelles sont votre stratégie et votre vision en la matière ? Que pensez-vous, en particulier, des mégafusions ?
CV : Bien que nous ayons un pipeline de produits qui offrent de très bonnes perspectives d’avenir, tel que le Multaq que nous venons d’évoquer, ainsi que nos vaccins, je n’ai jamais caché que nous n’avons pas assez de nouveaux produits en préparation susceptibles de véritablement compenser la perte de produits tel que le Plavix, dont le brevet expirera en 2012. Donc nous devons mettre l’accent sur la croissance interne, ce que nous faisons, mais aussi acquérir des sociétés susceptibles de nous renforcer dans les domaines qui doivent porter notre croissance, à savoir les vaccins, les médicaments vendus sans ordonnance (OTC), les génériques et bien sûr la pharmacie. L’important pour nous est d’identifier les cibles qui nous renforcerons et nous permettront de dégager de la valeur supplémentaire. Nous avons donc créé une équipe animée par Laurence Debroux, Chief Strategic Officer, chargée d’étudier spécialement toutes les opportunités. Je crois qu’au cours du seul premier trimestre 2009 nous avons étudié 75 ou 76 dossiers, et nous allons continuer ce processus.
EBM : Sanofi-aventis est bien implanté sur les marchés émergents, où la contribution des patients à la prise en charge leur traitement est plus important qu’ailleurs, et qui sont durement touchés par le ralentissement économique mondial. Comment résistez-vous sur les marchés émergents et quelles sont les tendances y voyez-vous ?
CV : Notre entreprise tient bien le coup sur ces marchés, et j’en suis heureux. Certes, sur un ou deux marchés, notamment en Amérique latine, l’activité a diminué un peu, mais dans bon nombre de ces pays beaucoup de patients n’ont toujours pas accès aux soins de santé dont ils ont besoin. Donc nos activités sur ces marchés devraient croître en volume, car s’il y a ralentissement, la croissance reste positive. Donc nous résistons bien dans les marchés émergents et j’en suis heureux.
EBM : Les investisseurs ne savent pas quoi penser des projets de réforme du système de santé américain annoncés par le nouveau gouvernement Obama. En tant que Directeur Général d’une grande entreprise de santé, pensez-vous que le climat des affaires aux Etats-Unis est défavorable ou plutôt favorable à l’industrie pharmaceutique ?
CV : Je pense qu’il y aura du changement aux Etats-Unis, mais je pense aussi que le marché sur-réagit. Il en faut beaucoup pour vraiment changer le système aux Etats-Unis. Nous allons essayer d’y contribuer activement. Cela ne représente pas que des menaces pour nous. L’intervention de l’Etat fédéral devrait augmenter aux Etats-Unis, mais n’oublions pas que l’amélioration de l’accès aux soins de santé engendre souvent des effets favorables en termes de volume. Je crois que les investisseurs se concentrent trop sur l’effet prix. Au début des années 1990, beaucoup ont vu la mise en place de la gestion intégrée des soins de santé aux Etats-Unis comme une menace à cause des remises que devaient consentir les entreprises pharmaceutiques. Mais en réalité ces remises ont été plus que compensées par l’augmentation du volume d’affaires lié à l’accès d’un plus grand nombre aux soins. Il faut donc voir le bon côté des choses. Il est certain que si les gens ne peuvent pas se permettre de se soigner comme il faut, ce n’est pas bon pour l’industrie pharmaceutique non plus. Il y aura donc du changement aux Etats-Unis, et nous ferons preuve d’initiative, mais je ne pense pas que cela soit totalement négatif pour notre secteur.
EBM : Les régulateurs européens exigeant désormais que les génériques des héparines de bas poids moléculaire subissent des essais cliniques, pensez-vous que les régulateurs américains pourraient être tentés de les imiter, et quelle incidence cela pourrait-il avoir sur le calendrier de mise sur le marché d’un générique du Lovenox aux Etats-Unis?
CV : Je pense que les régulateurs américains vont être très prudents au nom de la sécurité des patients. Quand on lit les directives européennes, on se rend compte que les régulateurs européens se sont préoccupés avant tout de la sécurité des patients. D’où leur exigence de voir les résultats des essais cliniques. Nous savons que la qualité d’un médicament dépend du processus de fabrication. De fait, s’il est fabriqué par un autre, ça n’en fait pas nécessairement le même produit. Je pense qu’en fin de compte la FDA privilégiera d’abord la sécurité des patients.
EBM : Chris Viehbacher, Directeur Général de sanofi-aventis, merci beaucoup.
CV : Merci beaucoup.