EuroBusinessMedia (EBM) : Sanofi-aventis, l’un des premiers groupes pharmaceutiques mondiaux, publie ses résultats du premier trimestre de l’exercice 2010. Jérôme Contamine, bienvenue. Vous êtes le Directeur Financier de sanofi-aventis. Quels sont vos commentaires sur la performance du premier trimestre ?
Jérôme Contamine (JC) : Je pense que l’année a très bien commencé. Nous avons enregistré une augmentation du chiffre d’affaires de 5,8%, malgré la concurrence des génériques d’Eloxatine aux Etats-Unis et de Plavix en Europe. Cette augmentation du chiffre d’affaires, nous la devons essentiellement à la progression de nos plateformes de croissance. La division Diabète a progressé de 11%, grâce à Lantus, Amaryl et Apidra. Les marchés émergents ont progressé de 18%, une performance tout à fait remarquable. Suite au virus H1N1, la division Vaccins a enregistré une très forte croissance ; par ailleurs nous avons lancé Multaq. Je dois également signaler l’acquisition de Chattem, qui a dynamisé nos revenus dans le segment Santé Grand Public, avec une progression supérieure à 40%. Globalement, notre stratégie se met en place comme prévu, avec des plateformes de croissance qui compensent progressivement les pertes de chiffre d'affaires dues à l’apparition de génériques sur le marché. Côté rentabilité, nous avons amélioré notre résultat net de plus de 15% à taux de change constant (plus exactement, une progression du BNPA de 15,9%). À taux de change courant, la progression dépasse les 9%. Notre chiffre d'affaires progresse, mais nos bénéfices progressent plus vite encore, sous le double effet de la performance de nos plateformes de croissance et de la mise en œuvre efficace de notre programme de mesures d’économie.
EBM : Vous venez de mentionner la contribution extrêmement positive des ventes du vaccin contre la grippe H1N1 au cours du premier trimestre. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce propos ? Aussi, quelle est la situation actuelle sur le front des renégociations de ces contrats avec les Etats ?
JC : Vous avez raison, Adrian, de mentionner que nous avons vendu au 1er trimestre pour environ de 400 millions d’euros de vaccins H1N1, soit un chiffre proche de notre performance du 4ème trimestre 2009. Nous avons donc vendu environ 100 millions de doses au 1er trimestre 2010 et 100 millions de doses au 4ème trimestre 2009. Cela dit, au-delà du virus H1N1, nous nous préparons également à la saison de grippe saisonnière pour l’hémisphère Sud et pour l’hémisphère Nord. Au 1er trimestre 2010, nous avons privilégié la production du vaccin H1N1 en vue de livraisons dans de nombreux pays un peu partout dans le monde. Dès lors, la question des renégociations ici ou là ne nous inquiète pas, et je dirais que tout est intégré dans nos comptes du 1er trimestre. Donc nous nous sommes également préparés pour la grippe saisonnière, et comme je l’ai indiqué d’abord pour l’hémisphère Sud. Avec un peu de décalage puisque nous avons concentré nos efforts initialement sur la production H1N1. Les vaccins contre la grippe saisonnière pour l’hémisphère Sud seront donc plutôt livrés en avril/mai. Nous lancerons ensuite la campagne pour la grippe saisonnière pour l’hémisphère Nord. Je peux déjà vous dire que selon nos estimations, les chiffres pourraient s’avérer meilleurs que ceux de l’an dernier tant en volume qu’en valeur.
EBM : Comment évoluent les ventes de Multaq au premier trimestre, et que répondez-vous à ceux qui considèrent que le rythme d’adoption a été inférieur à ce qu’on pouvait en attendre ?
JC : Multaq correspond tout à fait à nos attentes et à nos prévisions. Nous avons lancé Multaq aux Etats-Unis l’an dernier, et nous y avons dépassé les 20 millions d’euros de chiffre d'affaires au 1er trimestre 2010. Plus de 50.000 patients ont déjà bénéficié du traitement par Multaq depuis le lancement aux Etats-Unis. Nous avons obtenu un niveau de remboursement favorable dit « Tier 2 » pour le remboursement dans le système « Medicare Part D » avec plus de 50% des patients couverts («covered lifes ») par ce système et plus de 70% dans le système dit « commercial ». Quant à l’Europe, nous avons désormais lancé Multaq dans plusieurs pays européens. Nous avons commencé par la Suisse, puis l’Allemagne au début du 1er trimestre. L’accueil du marché a été excellent, et même meilleur que pour la plupart des autres lancements récemment effectués en Allemagne. Nous avons obtenu l’avis favorable du NICE au Royaume-Uni et nous attendons l’homologation définitive en France potentiellement au 2ème trimestre.
EBM : Quel est l’état d’avancement de votre programme Transforming? Se déroule-t-il selon les prévisions ? Reste-t-il encore beaucoup à faire ?
JC : Notre programme « Transforming » comprend plusieurs facettes. Le premier volet consiste à dynamiser notre développement commercial et à rechercher des acquisitions ou des accords de partenariat. Nous avons conclu sept nouveaux accords (partenariats ou acquisitions) au 1er trimestre, y compris la finalisation de l’acquisition de Chattem, qui nous positionne superbement sur le marché américain de la Santé Grand Public. Nous avons aussi, comme vous le savez, décidé d’exercer l’option qui fusionnera Merial et Intervet/Schering Plough dans une entreprise commune à Merck et à sanofi-aventis dans les mois à venir. Nous avons également conclu plusieurs autres partenariats, plutôt orientés R&D, à la fois dans la division Diabète, où nous avons conclu un accord avec AgaMatrix pour produire des solutions de surveillance de la glycémie sanguine et d’aide à l’utilisation de notre insuline, Lantus. Nous avons également conclu un accord avec CureDM pour un nouveau partenariat visant à développer une molécule correspondant à une nouvelle approche dans le traitement du diabète : c’est un projet de R&D encore en phase initiale de recherche et développement. L’autre volet de la transformation est celui de la mutation interne de la société. Sur ce plan, nous avons été très actifs. Notre nouvelle structure de R&D est désormais opérationnelle ; nous avons mis en place plusieurs unités, réaffecté un grand nombre de collaborateurs à de nouveaux postes. Nous avons rendu l’organisation moins pyramidale pour stimuler l’innovation, la productivité et l’envie d’entreprendre. De manière générale, nous poursuivons nos efforts en vue de réorganiser l’entreprise, de la rendre plus efficiente et de réduire les coûts. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer, en confirmation de notre prévision lors de la publication des résultats 2009, que sur ce sujet nous sommes en ligne, voire même quelque peu en avance, par rapport à nos projections initiales.
EBM : Pour rebondir sur ce que vous venez d’expliquer, quel est l’état de votre « pipeline » aujourd’hui ? Maintenant que votre R&D a été restructurée, quels sont les produits que nous pourrions voir émerger du pipeline ? Quelles sont les grandes étapes à avoir à l’œil en termes d’actualités ou d’essais cliniques ?
JC : Comme je viens de le décrire, nous avons renforcé le segment des projets en phase initiale de développement de notre portefeuille de R&D, avec notamment l’accord conclu avec CureDM pour un traitement innovant du diabète pouvant être qualifié de traitement régénératif. Ce projet encore en phase préclinique devrait passer en phase clinique vers la fin de l’année, et nous espérons obtenir une autorisation d’essai clinique aux Etats-Unis (« IND ») d’ici là. Cela dit, nous avons également été très actifs - et nous avons de bonnes nouvelles - sur le segment plus avancé de notre portefeuille. Tout d’abord, nous avons déposé notre demande d’AMM de Jevtana® (cabazitaxel) pour le traitement du cancer de la prostate, dont nous espérons l’approbation d’ici le 3ème trimestre. Nous avons également achevé le recrutement des patients pour l’essai clinique de phase III de BSI-201 pour le traitement du cancer du sein métastatique triple négatif, sans compter le lancement d’un essai de phase III pour le traitement du cancer du poumon. Je tiens à mentionner aussi les résultats positifs de l’essai de phase III réalisé sur notre agoniste des récepteurs GLP-1 en une prise par jour, appelé lixisenatide. Ce produit sera en quelque sorte la base d’une association avec notre insuline Lantus pour créer une association unique, actuellement en phase I, qui devrait passer en phase III dès le 4ème trimestre 2010.
EBM : Vous venez de conclure un accord avec les producteurs du générique d’Eloxatine aux Etats-Unis. Quelles vont être les conséquences de cet accord ?
JC : C’est évidemment une excellente nouvelle. Nous avons conclu un accord amiable avec des génériqueurs qui commercialisent actuellement le générique de l’Eloxatine. Par cet accord, ils s’engagent à mettre fin à la commercialisation de ce générique dès la fin du mois de juin 2010. L’évaluation du niveau des stocks reste difficile, aussi ne pouvons-nous prévoir exactement quand les grossistes cesseront de vendre ces génériques. C’est pour cette raison que nos prévisions publiées aujourd’hui pour 2010 n’en tiennent pas compte. Nous supposons cependant que les ventes d’Eloxatine reprendront dès le début 2011, jusqu’en août 2012, date à laquelle ces sociétés seront autorisées à revenir sur le marché avec leurs génériques.
EBM : Enfin, depuis l’adoption de la réforme de la santé aux Etats-Unis, plusieurs groupes pharmaceutiques ont revu à la baisse leurs prévisions bénéficiaires. Quel sera l’impact de cette réforme pour votre groupe, et confirmez-vous vos prévisions antérieures ?
JC : Comme vous pouvez l’imaginer, nous avions bien pris en compte dans nos prévisions, en février, les événements susceptibles de se produire dans notre environnement, dont la réforme de l’assurance-maladie aux Etats-Unis qui était déjà en discussion à l’époque. Nous ne connaissions pas précisément les détails du projet, mais nous avions adopté certaines hypothèses. Je peux donc confirmer aujourd’hui que nous maintenons nos prévisions pour l’exercice annuel, malgré la réforme de l’assurance-maladie US, aujourd’hui adoptée, parce que nous en avions tenu compte. Nous avions également pris en compte le fait que cette année, notre BNPA va quelque peu fluctuer de trimestre en trimestre à cause de l’impact de l’arrivée de génériques sur notre activité, sachant que le profil de nos ventes était différent l’an dernier puisque nous n’avons pas eu de concurrence de génériqueurs au cours des 1er et 2eme trimestres 2009. Globalement, je peux vous dire que nous confirmons nos prévisions annuelles sur la base de l’ensemble des informations disponibles à ce moment et sous réserve de tous événements adverses dont nous ne pourrions avoir connaissance actuellement.
EBM : Jérôme Contamine – Directeur Financier de sanofi-aventis, merci beaucoup.
JC : Merci Adrian.