EuroBusinessMedia (EBM): Le groupe Steria, l'un des leaders européens des services informatique vient de publier ses résultats pour l'exercice 2006. François Enaud, bonjour. Vous êtes le gérant du groupe Steria, quels sont vos commentaires sur la performance opérationnelle et financière de Steria en 2006 ?
François Enaud (FE) : Je voudrais d'abord revenir sur la croissance avec 7,4 % sur l'année et 10,8 sur le second semestre : on a surperformé le marché. Ce qui répond d'ailleurs à un objectif majeur du groupe qui est de gagner des parts de marché de manière organique. Ensuite, bien sûr, on annonce notre résultat financier avec une croissance de 40% de notre résultat net qui nous permet aussi d'atteindre 7% de marge opérationnelle ; on délivre là l'objectif que nous avions pris en 2002 juste au lendemain du rachat des activités Integris. Je crois que l'on témoigne là de notre capacité à non seulement tenir nos objectifs mais aussi, bien sûr, à réussir nos paris de transformation.
EBM : Pourriez-vous nous mettre à jour de la situation par zone géographique ?
FE : Alors bien sûr, le premier sujet de satisfaction c'est la croissance et l'amélioration de la performance sur nos trois principales zones géographiques : la France, l'Allemagne et l'Angleterre, qui à elles seules représentent plus de 80% de notre chiffre d'affaires et ensemble elles ont délivré plus de 10% de croissance organique et près de 10% de marge opérationnelle ce qui est très encourageant et très prometteur pour la suite du développement du groupe. Mais je voudrais aussi signaler l'amélioration de la performance des autres pays, qui contribuent dans une plus faible proportion à un résultat global mais qui par l'amélioration de leurs performances ont permis de délivrer ce point et demi d'amélioration de la profitabilité globale du groupe.
EBM : A présent que vous avez atteint l'objectif de 7% de marge que vous aviez fixé pour le groupe, quel est votre nouvel objectif de marge, où voyez vous un potentiel de gain de productivité pour atteindre cet objectif ?
FE : Tout d'abord, bien sûr, premier objectif, continuer à croitre plus vite que le marché, c'est important ne serait ce que pour prouver chaque année qu'on a le bon positionnement. Ensuite bien sûr, on va continuer à améliorer notre profitabilité dans la dynamique actuelle et nos leviers sont bien identifiés : on va tout d'abord continuer à améliorer notre business mix, et notamment en accroissant la valeur ajoutée des services que nous vendons à nos clients avec plus de solutions, plus de conseils. On va ensuite étendre notre modèle industriel eavec l'idée d'optimiser la productivité et surtout de créer de meilleures conditions de production de ces services: meilleure qualité à moindre coût. Et enfin, on va bien sûr avoir le levier que nous avons déjà identifié en 2006 qu'est l'amélioration de la marge des pays qui sont un petit peu en retrait par rapport à la performance des meilleurs, donc les pays tels la Scandinavie, l'Espagne, Belux, Suisse qui vont contribuer à l'amélioration de la future profitabilité. Et l'Allemagne, car l'Allemagne aujourd'hui tire la croissance du groupe mais aussi tire la profitabilité du groupe et on va voir le plein effet de la transformation que nous avons su réaliser en 2006 en Allemagne.
EBM : En France, votre principal marché, les salaires progressent plus vite que les prix de vente, qui eux ne bougent pas. Quelle est votre stratégie pour compenser cet impact structurellement négatif pour vos marges ?
FE : Je voudrais d'abord préciser que cette pression sur les prix ne s'exerce pas de manière uniforme, elle est très forte et restera forte - c'est mon point de vue - sur les prestations banalisées. Or, notre stratégie consiste précisément à sortir de ces prestations - on n'a jamais été très exposés -, mais à n'en avoir quasiment plus dans notre portefeuille d'activité, c'est à dire moins de 20% (on aura toujours 10 à 15% de prestations qui ne sont pas très différenciées par rapport à celles de nos concurrents) pour privilégier des prestations à forte valeur ajoutée autour de nos solutions, en apportant plus d'expertise, plus de différenciation. On cherche également bien sûr à travailler ce qui fait de Steria un acteur unique, et ça ne touche pas seulement aux prestations mais aussi à la manière dont on délivre ces prestations. Et à cet égard notre gouvernance qui rend Steria assez attractive, bien sûr, pour tous les collaborateurs qui peuvent être partie prenante de cette gouvernance, constitue aussi un facteur différenciant et un facteur donc de compétitivité supplémentaire.
EBM : Quels sont vos commentaires sur votre stratégie d'offshoring en général, et en Inde en particulier ? En effet, le marché s'attend à vous voir former une joint venture en Inde, mais aucune annonce n'a été faite à ce jour.
FE : Il est clair que l'offshore et le nearshore est un élément absolument clef de la stratégie du groupe. Un élément clef car il est partie intégrante de notre modèle industriel. Nous avons, comme je l'ai annoncé, nous avons investi déjà depuis plusieurs années sur un modèle industriel global qui a touché d'abord, il est vrai, nos activités d'outsourcing - puisque l'on a mutualisé et industrialisé nos data centers, nos centres de services desk, c'est à dire de contacts clients pour prise en compte des appels, prise en compte des incidents - et maintenant nous faisons la même chose pour les activités de développement applicatifs et de maintenance applicative. Et effectivement dans ce contexte là, le nearshore, c'est-à-dire l'appel à des ressources en complément de celles dont nous disposons déjà en Europe, dans des pays où la main d'œuvre serait moins chère, comme des pays d'offshore en Inde par exemple, puisque l'on évoque souvent l'Inde ou en nearshore, Europe de l'Est ou pays du Maghreb, bien sûr, font partie de notre plan à court terme. Et très concrètement nous avons lancé des projets cette année qui vont délivrer bien sûr des résultats avant la fin de l'année en ce qui concerne les centres de contacts clients, d'une part, et des centres de développement applicatif d'autre part, avec l'ouverture d'un centre en Inde, avant la fin de l'année, l'ouverture d'un nouveau centre au Maroc également avant la fin de l'année, et un centre de contacts commun pour tous nos clients en Europe, qui lui sera probablement ouvert d'ici la fin de l'année dans un pays qui n'est pas encore décidé mais qui sera aussi certainement dans une zone nearshore.
EBM : Quelle est votre stratégie d'acquisitions, au Royaume-Uni en particulier, puisque le marché s'attend à ce que vous fassiez une opération au Royaume-Uni.
FE : Alors puisque l'on parle d'acquisition, je voudrais aussi rappeler d'abord que la croissance organique reste un objectif prioritaire, pour démontrer qu'effectivement nous avons le bon positionnement stratégique, je suis toujours fier de pouvoir à la fois parler de croissance externe tout en m'appuyant sur une croissance organique supérieure au marché. Revenons sur la croissance externe, par acquisition donc : c'est vrai que nous avons comme objectifs stratégiques d'accroitre notre taille pour gagner en visibilité et j'ai envie de dire en éligibilité pour les grandes affaires de nos clients. Ça fait partie des trois objectifs stratégiques, le deuxième étant la focalisation pour gagner en différenciation, gagner en valeur ajoutée, et le troisième étant l'excellence, notamment l'excellence de la production de nos services, notamment au travers des programmes d'industrialisation. Sur la taille et donc la croissance externe, nous avons toujours rappelé que le principal enjeu pour chercher à gagner en visibilité, c'est de maintenir un accès direct à nos clients. La taille ne vaut que si elle sert cet objectif, et c'est vrai que nous avons annoncé nos intentions, puisque nous sommes bien armés pour cela, de repartir à la conquête d'une acquisition significative avec en priorité la France ou l'Angleterre car on considère être prêts pour faire une acquisition significative dans l'un ou l'autre de ces deux pays et c'est vrai que l'Angleterre fait partie de nos priorités.
EBM : Le marché britannique semblerait aujourd'hui moins porteur qu'il ne l'a été ces dernières années. Si vous deviez faire un classement des marchés européens, dans quels pays anticipez-vous la croissance la plus dynamique pour votre secteur ?
FE : L'Angleterre semble un peu moins dynamique, c'est vrai parce que son économie est très liée à l'économie américaine. Malgré tout, je voudrais tout de même signaler que le trend, la tendance du marché reste très bien orientée. C'est juste peut être une décélération de la croissance, on est vraiment dans du second degré. Deuxième chose en Angleterre, on parle aussi souvent du fait qu'il y a moins de méga-deal, c'est à dire des deals à plusieurs milliard d'euros. J'allais dire, on en est fort aise, car ça veut dire que c'est plutôt au profit de deals de taille plus moyenne - moyenne c'est à dire des deals de plusieurs centaines de millions d'euros - et nous sommes à cet égard mieux profilés pour ces deals là, comme en témoigne celui que nous avons gagné l'an dernier pour 400 millions d'euros pour le Criminal Justice. Donc je pense que l'on profite, plutôt, on va mieux profiter de cette orientation du marché anglais. Deuxièmement, vous me posez la question, quel est le marché, qui en Europe va s'en doute à très court terme tirer la croissance ? Pour moi sans hésitation, c'est l'Allemagne, quand on regarde les prévisions économiques globales, c'est vraiment l'Allemagne qui va maintenant tirer la croissance européenne et en ce qui nous concerne avec notre positionnement sur le secteur public, sur les utilities et sur la banque, on va particulièrement bien profiter de ce regain de croissance en Allemagne et preuve en est, la croissance que nous avons affichée, au second semestre en Allemagne qui dépasse largement les 10%.
EBM : François Enaud, Gérant du Groupe Steria, je vous remercie.
FE : Merci