EuroBusinessMedia (EBM) : Poweo, premier fournisseur français indépendant de gaz et d'électricité, prévoit de lever environ 150 million d'euros par augmentation de capital. Charles Beigbeder, bonjour. Vous êtes le fondateur et Président de Poweo. Pour les investisseurs qui nous écoutent aujourd'hui - et qui ne sont pas encore nécessairement familiers avec votre entreprise, quels sont les quelques éléments clés à connaitre sur Poweo dans le contexte du marché français de l'électricité ?
CB : Poweo est un opérateur d'électricité et de gaz indépendant. Nous avons une stratégie d'intégration verticale. Donc on est à la fois producteur et fournisseur d'énergie. Nous avons été crée il y a 5 ans, au tout début de l'ouverture du marché de l'énergie en France. Nous sommes à la veille de l'ouverture du marché de l'énergie aux particuliers; 30 millions de foyers français vont pouvoir faire jouer la concurrence. C'est historique puisque ça fait 62 ans que nous étions en monopole.
EBM : Votre business modèle a radicalement évolué depuis votre introduction en bourse il y a quelques années. Vous avez commencé comme revendeur d'électricité pour les PME et les particuliers, mais vous êtes maintenant en train de devenir un producteur indépendant de gaz et d'électricité à part entière, disposant de votre propre capacité de production. Pourquoi avez-vous changé de business modèle?
CB : En fait on a démarré comme un commercialisateur d'électricité, on achetait sur le marché de gros et on revendait au détail. Puis il y a eu le triplement du baril de pétrole en 2004, et en fait ça a représenté une opportunité pour nous de devenir producteur, puisqu'on est rentré dans un nouveau cycle d'investissement, partout dans le monde d'ailleurs, mais aussi en France. La France n'est plus en excédent au niveau de ses capacités de production et il faut investir. Et c'est très intéressant pour un operateur de disposer de ses propres capacités de production pour faire en sorte que 100% de l'énergie qui est livrée à ses clients finaux provienne de ses propres capacités. Donc nous déployons un plan industriel de 3400 MW, dont 600MW de renouvelable, et ce qui nous permettra d'être totalement intégré.
EBM : Vous allez devoir investir environ plus de 2 milliards d'euros dans les années à venir pour construire vos propres centrales électriques. Aujourd'hui votre capitalisation boursière est d'environ 300 millions d'euros, et vous prévoyez de lever environ 150 millions d'euros supplémentaires, bien en deçà des 2 milliards d'euros dont vous avez besoin. Comment allez-vous employer l'argent issu de l'augmentation de capital, et plus généralement comment comptez-vous financer vos besoins d'investissements ?
CB : Donc c'est un plan industriel effectivement à 4-5 ans de 2 milliard d'euros, il faut comprendre que 70% de ce montant peut se financer par financement de projet - non garantit par la maison mère - donc ca nous laisse 600 millions d'equity à financer. Là, nous avons un partenaire stratégique qui a 25% de notre capital et qui a 40% de notre filiale de production, où se réalisent les investissements dont on parle, donc ils vont apporter leur quote-part. Ce qui laisse pour Poweo environ 350 millions à financer. Là-dessus on a du cash, qui résulte des opérations précédentes. On a l'autofinancement, à partir du moment où les centrales commencent à produire, c'est assez vite. On a la possibilité aussi de peut-être faire un emprunt senior sur la maison mère. Et puis on va faire une augmentation de capital, donc de 150 millions. C'est le mix de ces différents moyens de financement qui permet de boucler ce plan de financement et ce plan industriel ambitieux qui nous permet d'être un vrai operateur énergétique intégré.
EBM : Comment décririez-vous votre position dans l'environnement concurrentiel français, en tant que petit acteur indépendant face à des géants tels que EDF ou Suez ? Quelle est la nature de votre relation avec EDF, qui est à la fois votre concurrent et votre partenaire ?
CB : C'est le détenteur du monopole donc il dispose d'une capacité de production unique au monde avec près de 55 réacteurs nucléaires. Il y a d'autres acteurs, il y a Suez qui se positionne plutôt sur les grands comptes et puis qui a également des capacités de production. Et puis après il y a d'autres petits acteurs. Mais franchement Poweo est le premier des nouveaux entrants et le premier alternatif. Et d'ailleurs nous sommes, dans le cadre de l'ouverture du marché à la concurrence pour le grand public, le seul alternatif à être prêt à proposer des offres électricité et gaz aux clients particuliers. Comment faisons-nous pour garantir à ces clients que nous sommes moins cher que les tarifs réglementés ? Et bien nous investissons dans des centrales électriques, ces centrales électriques ont une durée de vie de 25 à 30 ans. Nous avons échangé une partie de ces capacités de production contre des capacités d'origine nucléaire d'EDF, ce qui nous donne un mix de production nucléaire-centrale à gaz et puis renouvelable - puisque nous avons un plan de développement important dans le renouvelable - et donc un prix de revient inferieur au tarif réglementé. Donc nous pouvons proposer aux français de venir chez nous, de faire des économies, tout en gagnant de l'argent.
EBM : Alors, EDF, un concurrent ou un partenaire finalement ?
CB : C'est bien sur un concurrent. Il part d'une situation de monopole et nous souhaitons prendre, capturer, 5% du marché français, puis plus tard 10%. Alors, qu'est-ce qui se passe ? EDF a quand même une stratégie de développement européenne très importante : ils sont très forts en Angleterre, en Allemagne, en Italie. Ils rêvent de se développer en Espagne. Mais là actuellement le marché français est encore trop immature et pas assez ouvert à la concurrence. donc finalement, en leur prenant une certaine part de marché, on va pouvoir les aider à se développer à l'international, parce qu'ils se développent à l'international, de façon trop ambitieuse, la commission européenne va leur demander de céder des centrales, ou de mettre en place des compensations qui pourraient être très pénalisantes. Donc quelque part il y a une espèce de jeu gagnant-gagnant à ce que Poweo se développe et qu'EDF perde des parts de marché, ce qui permet à ce moment là à EDF de déployer une stratégie pour devenir le leader mondial de l'énergie.
EBM : Comme vous l'avez indiqué, le 1er juillet la France va finir d'ouvrir à la concurrence le marché électrique, y compris pour les particuliers. Quel a été jusqu'à présent votre taux de pénétration du marché des PME, et quelle part de marché pouvez-vous vraiment espérer obtenir demain chez les particuliers ?
CB : Depuis 2004, on a conquis environ 3% des clients professionnels, c'est pas beaucoup. On a du freiner la croissance en 2006, le temps de mettre en place, d'abord un nouveau système d'information pour se préparer à l'ouverture au grand public - on a investit près de 8 millions d'euros - mais surtout le temps d'avancer dans le déploiement de notre plan industriel dans la construction de ces centrales à gaz et dans ce fameux échange des capacités de production qui nous a permis d'accéder à du nucléaire. Maintenant que c'est fait, on relance la croissance, on relance la conquête commerciale et nous visons 4% du marché français global d'ici à 2010 et donc 1 milliard d'euro de chiffre d'affaires.
EBM : Charles Beigbeder, Président et fondateur de Poweo, je vous remercie.
CB : Merci.