EuroBusiness Media (EBM) : Le groupe Steria, l’un des leaders européens des services informatiques vient de publier ses résultats pour l’exercice 2007. François Enaud, bonjour. Vous êtes le président du groupe Steria. Quels sont vos commentaires sur la performance 2007 du groupe ?
François Enaud (FE) : Nos résultats sont en ligne avec nos attentes tout d’abord. Nous nous étions fixés trois objectifs majeurs en début de l’année 2007 : le premier était de renforcer notre position dans le top ten européen pour définitivement être vus par nos clients comme un acteur de premier rang ; le deuxième était de pousser les feux sur l’industrialisation, qui est devenu un enjeu majeur pour toutes les sociétés de service et un demande de plus en plus fort de nos clients ; et le troisième était de monter en valeur ajouté pour échapper à la pression sur les prix , notamment sur les activités les moins différenciantes. Donc sur ces trois terrains nous avons atteint nos objectifs et je dirais même qu’on a opéré de grandes transformations. Alors tout d’abord sur l’européanisation et le renforcement de notre position en Europe : nous avons pris une position majeure sur le marché anglais puisque nous sommes maintenant avec 900 millions [d’euros pro forma 2007au Royaume-Uni] parmi les dix premiers acteurs, ce qui renforce considérablement notre position à l’échelle européenne. Ensuite, sur le modèle industriel, nous avons un profil qui est totalement différent un an plus tard puisque nous avons maintenant plus de 5000 collaborateurs en Inde, ce qui représente le plus fort taux en terme d’effectifs pour une société de services informatiques européenne. Donc vus par nos clients nous sommes maintenant très avancés dans le modèle off-shore. Nous avons aussi ouvert un centre au Maroc, également un centre en Pologne, donc nous avons maintenant une offre qui répond parfaitement aux demandes de nos clients. Et enfin, sur la troisième dimension, la dimension valeur ajoutée, nous avons investi sensiblement l’an dernier autour d'un portefeuille d’offres ciblées – on a donc douze offres –- les mêmes dans tous les pays où nous sommes présents sur lesquels nous avons construits de vrais facteurs différenciants et de vrais avantages compétitifs. Maintenant, si j’en viens aux chiffres, cette transformation ne nous a pas empêchés de délivrer de bons résultats tout d’abord en croissance de chiffre d’affaires - nous avons eu une croissance de plus de 4% en organique,de plus de 12% en tenant compte d’une partie de l’activité Xansa acquise en fin de l’année dernière - une amélioration de la profitabilité; pour la cinquième année consécutive nous augmentons notre profitabilité qui passe de 7,1 à 7,3 en pourcentage du chiffre d’affaires. Et enfin, un point très important, nous avons très sensiblement amélioré la performance « cash », l’amélioration du « working capital » a été très significative sur l’année 2007.
EBM : Comment avance l’intégration de Xansa que vous avez racheté à la fin de l’année 2007, en particulier pouvez-vous nous communiquer aujourd’hui plus de détails sur comment vous compter délivrer l’ensemble des synergies et comment vous allez améliorer vos marges en 2008 ?
(FE) : L’intégration se passe conformément à nos plans, tout d’abord parce qu’on a effectivement un très bon retour client, clients qui perçoivent l’addition des deux forces comme une valeur additionnelle pour eux, un enthousiasme des collaborateurs qui définitivement sont ravis de combiner leurs forces et travailler ensemble. Nous avons très concrètement procédé par étapes depuis l’annonce de cette acquisition. Je ne reviens pas sur le financement que nous avons réalisé malgré des conditions difficiles mais que nous avons bouclé avant la fin de l’année dernière. Nous nous sommes ensuite attaqués à l’organisation bien sur des équipes et aujourd’hui nous travaillons sous une seule organisation intégréé, non seulement en Angleterre mais également entre l’Inde et les autres pays européens. Nous avons décidé de travailler sous une seule marque donc tant en Angleterre qu’en Inde, la marque Xansa laisse place à la marque unique Steria, donc ça la renforce considérablement à l’échelle mondiale. Nous avons aussi travaillé d’entrée sur le portefeuille d’offres, car je considère qu’effectivement on mesurera le succès de cette intégration à la lumière des synergies commerciales dont le potentiel est énorme puisqu’on apporte beaucoup de complémentarité dans cette fusion, donc nous avons déjà travaillé sur la formalisation de ce portefeuille commun qui est maintenant à la disposition de toutes les forces commerciales en Europe. Et notamment, au cœur de ces offres, il y a la dimension off-shore et juste un chiffre : nous avons déjà un pipe d’off-shore, hors U.K. - c'est-à-dire la dimension nouvelle pour les pays européens hors l’Angleterre, qui est déjà très habituée à travailler en mode off-shore pour nous - nous avons déjà un pipe de plus de 100.000 jours/homme donc sur des affaires qui sont prêtes à signer et nous avons déjà depuis le début de l’année signé dix affaires incluant une dimension off-shore, donc dix nouveaux contrats - que nous n’aurions certainement pas gagnés sans cette fusion réussie avec Xansa - pour des clients français, allemands et même scandinaves. Donc tout à fait prometteur, une intégration qui est partie à grande vitesse comme il le faut toujours. Et enfin, une information importante aussi puisqu’elle avait été communiquée lors de l’acquisition, concernant les synergies de coûts, c'est-à-dire ce que l’on peut générer comme efficacité supplémentaire en rapprochant ces deux organisations, et nous avions annoncé lors de l’acquisition, un objectif pour l’année 2008 de dégager 23 millions de synergie. Donc je peux confirmer aujourd’hui, vu l’avancement de nos travaux, que nous sommes confortables et confiants pour délivrer ces 23 millions de synergie ce qui me permet, d’ailleurs, de confirmer l’objectif de 8% de profitabilité d’exploitation, donc de rentabilité d’exploitation, pour l’ensemble du groupe sur l’année 2008.
EBM : Pourriez-vous nous donner plus de détails sur comment vous allez appliquer la capacité off-shore de Xansa en Inde au business modèle de Steria ?
FE : D’abord je voudrais préciser que nous avons un énorme avantage, c’est qu’on bénéficie de dix ans d’expérience de Xansa dans la mise en œuvre du modèle off-shore, et donc dans le développement de projets intégrant une forte dimension off-shore. Donc on a hérité, on a acheté, ce savoir-faire, et c'est la maturité d’un modèle qui est donné pour être le plus avancé en Europe. Donc ce que nous avons à faire c’est non pas à chercher à réinventer, mais juste à répliquer ce qui a très bien marché en Angleterre pour le faire à l’identique en France, en Allemagne ou dans les autres pays européens où nous sommes. Donc, très concrètement, nous avons formalisé et traduit en français et en allemand, les méthodes, les outils qui ont été développées par Xansa préalablement. Nous avons dédié des ressources en Inde qui travaillent exclusivement avec les français pour aussi capitaliser dans la relation avec des équipes et les clients français. On a fait de même pour Allemagne et on fait de même pour l’Europe du Nord. Donc on est dans un modèle à la fois de réplication et au même temps en dédiant des ressources qui sont complètement dédiées pour servir des nouveaux clients. Donc je suis très confiant et ce modèle a déjà, comme je le disais, fait ses preuves puisque, en très peu de temps, on a su démontrer à nos clients non seulement qu’on avait bien sûr une capacité à avoir des ressources mobilisables rapidement en Inde, mais aujourd’hui ce n’est pas différenciant – beaucoup d’entreprises peuvent mobiliser des ingénieurs indiens – mais on a su leur démontrer la maturité et la robustesse de notre modèle. Ca c’est le point le plus différenciant et qui convainc nos clients. Ensuite au-delà de cela e souhaite aller très vite dans le changement culturel. Je crois qu’on gagnera encore en conquête de parts de marché et on convaincra encore plus vite nos clients si tous nos collaborateurs – en France, en Allemagne – tous, pas seulement les commerciaux mais également tous les collaborateurs que sont face aux clients, puissent parler de notre modèle industriel de la meilleur manière et puissent être imprégnés de ce que nous sommes devenus au niveau global. Et pour cette raison là j’ai décidé de monter une académie – une Steria académie –qui va être le véhicule pour dispenser ces meilleurs pratiques de savoir-faire et pour créer ce changement culturel et donner cette perception de ce que Steria est devenu globalement, cette académie va être localisé en Inde. Donc je vais pouvoir donner la possibilité à tous les collaborateurs – donc aussi bien chefs de projet que forces commerciales que consultants – d’aller s’imprégner de nos offres et de notre modèle industriel en Inde.
EBM : Les clients qui adhèrent aujourd’hui à votre off-shore - ou les prospects qui songent à le faire – vous demandent-ils des contreparties en terme de baisse de prix ?
FE : Alors je voudrais préciser que l’off-shore n’est pas uniquement une question d’arbitrage de coûts ; l’off-shore, c’est avant tout plus d’industrialisation, donc plus de qualité et surtout de fiabilité dans ce que nous délivrons pour nos clients. Ce qui est très important de préciser, c’est qu’on vend non seulement évidemment du delivery dans des meilleurs conditions de coûts, mais surtout on vend de la meilleure qualité parce qu’on a un process beaucoup plus industriel et donc plus solide. Maintenant l’off-shore, qui est inclus dans cette dimension industrielle, c’est un jeu « gagnant – gagnant » : évidemment on va apporter plus de qualité à un moindre coût pour le client, mais on va aussi, par le fait qu’on a cette capacité de délivrer de plus en plus avec des ressources moins chères que si elles étaient on-shore - malgré le fait qu’on délivre un bénéfice ou un gain de productivité pour le client - garder un potentiel important d’amélioration de nos marges. Et enfin je voudrais signaler que l’off-shore c’est aussi un accélérateur de croissance dans le sens où, étant plus productif, mais aussi en ayant la capacité de pousser sur le marché des offres nouvelles – j’en citerai un seul exemple : lorsqu’on fait du testing, pour pouvoir sécuriser la mise en exploitation d’applications nouvelles, qui est un enjeu critique notamment lorsqu’il s’agit d’une application qui touche au cœur du métier d’un client, pour pouvoir faire ces opérations de testing à grande échelle - comme on le fait pour des clients comme Marks and Spencer ou pour des grands opérateurs télécom, il faut pouvoir le faire à grand échelle sans que ce soit un coût trop important pour le client . Et là on peut arriver effectivement à capter des volumes importants parce qu’on a le modèle et – j’allais dire – les méthodes, les outils et les forces d’intervention qui vont bien pour pouvoir capter ce volume. Un deuxième exemple, dont on parlera de plus en plus, c’est le BPO. Le BPO, c’est le service « on demand ». Là on va plus loin que l’informatique : on délivre du service autour d’un outil informatique pour des clients. Cela peut être du service de comptabilité, de gestion des ressources humaines, ou de traitement de programme de fidélité ; donc ce sont des services à valeur ajoutée, mais ces services, on ne peut pas imaginer les délivrer avec des ressources on-shore car on ne serait pas compétitif. Donc on a la possibilité là de capter des nouveaux flux de business qui ne seraient pas captés si on n’avait pas cette dimension globale et cette dimension off-shore.
EBM : Quelle est votre capacité de résistance dans un environnement de ralentissement macro-économique en 2008, qui semble être le scénario privilégié par le marché aujourd’hui ?
FE : Tout d’abord je voudrais préciser que nous ne voyons toujours pas de signe de ralentissement ; au dernier trimestre de 2007 nous avons accru notre prise de commande ; on a terminé l’année avec un bon ratio prises de commande sur chiffre d’affaires ; et sur les deux premiers mois de l’année nous sommes déjà en avance en commandes par rapport à ce qu’elles étaient un an plus tôt, donc toujours pas de signe de ralentissement. Maintenant on ne peut pas exclure que quelque chose pourrait se passer dans les six mois qui viennent. Je voudrais préciser que le groupe est beaucoup plus solide qu’il ne l’était encore il y a un an. Comme je l’ai précisé au début de cet interview, nous avons renforcé le profil du groupe notamment en le rendant beaucoup plus productif avec notre modèle industriel global et notamment cette capacité off-shore qui est devenue très importante. Ensuite, comme je le disais, nous avons travaillé à nous concentrer sur des offres avec des vrais avantages compétitifs, ce qui veut dire que nous sommes beaucoup moins exposés à des activités plus volatiles puisque nous sommes beaucoup plus ancrés sur des offres où on a une vraie valeur ajoutée. Et puis enfin, on a un profil qui est évidemment et clairement plus résiliant que la moyenne du secteur sur des éléments très concrets : tout d’abord notre taux d’activité pour des clients publics– administrations et gouvernements – qui sont moins sensibles aux aléas économiques court terme. Nous avons plus de 35% du chiffre d’affaires pour l’administration. Ensuite on a un « business mix » c'est-à-dire un portefeuille d’activités qui privilégie les activités récurrentes ; c'est-à-dire qu’on a plus de 60% de chiffre d’affaires qui sont des activités récurrentes – c'est-à-dire comme d’info-gérance ou de BPO ou de tierce maintenance implicative. Et enfin on a, notamment avec l’acquisition de Xansa, renforcé considérablement notre portefeuille de longs contrats – y compris des contrats de développement – c'est-à-dire des contrats qui sont sur plusieurs années. Donc tous ces éléments font que on est assez bien protégé en cas de soudain retournement ; c’est le retournement où finalement tout d’un coup l’on se retrouve avec une panne de demande alors qu’on a encore des ressources à facturer. Donc on est beaucoup moins vulnérable, on est pratiquement assez peu vulnérable pour ce retournement soudain, parce que le groupe a travaillé son profil stratégique pour le rendre évidemment beaucoup plus stratégique vu de nos clients et beaucoup plus solide et moins dépendant des aléas économiques.
EBM : D’autres acteurs dans votre secteur voient un ralentissement dans le marché britannique en 2008. Quelles sont vos perspectives sur les ventes au Royaume-Uni cette année ?
FE : Tout d’abord l’année pour nous au Royaume-Uni est une année d’intégration, une année où la première priorité est de réussir l’intégration qui, comme je le disais, est très bien engagée. Donc comme premier objectif, ce sera d’abord de délivrer les synergies de coûts. On a pris un objectif important de délivrer 23 millions de synergie de coûts ; j’ai confirmé que nous étions très confortable avec cet objectif. On va se concentrer bien sûr jusqu’au bout pour délivrer ces 23 millions. Ensuite c’est une année où on va commencer à préparer bien sûr les synergies commerciales, c'est-à-dire qu’on va bénéficier de la combinaison de nos portefeuilles client et de nos offres pour pouvoir générer des revenus supplémentaires. Maintenant, notre profil en Angleterre est un profil qui aussi nous protège beaucoup d’aléas économiques comme on pourrait l’imaginer en Angleterre ou comme on en parle, comme vous le disiez, peut-être trop souvent d’ailleurs - puisqu’on ne le sent toujours pas. On fait plus de 50% de notre chiffre d’affaires sur le secteur public, ce qui est déjà un atout considérable. Ensuite on a une activité importante notamment engagée sur des contrats longs. C'est-à-dire, en Angleterre, et particulièrement Steria, on a une très forte proportion de notre chiffre d’affaires qui est sur des contrats pluriannuels, c’est à dire des contrats qui ne sont pas sensibles à un retournement soudain. Evidemment, si la crise économique durait pendant plusieurs années on finirait par le ressentir. Donc on n'est pas attaqués sur notre chiffre d'affaires actuel, ce sera plus une difficulté pour générer de la croissance additionnelle. Aujourd'hui notre objectif en Angleterre pour 2008, compte-tenu de l'intégration, est prudent, c'est une croissance "zéro +" qui est tout à fait en ligne avec ce que nous voyons et nous sommes très confiants en notre capacité à délivrer cet objectif qui – je le rappelle – va de pair avec l'objectif de synergies de coûts de 23 millions d'euros dégagés dès cette année.
EBM : François Enaud, Président de Steria, je vous remercie.
FE : Merci.