EuroBusiness Media (EBM) : Le groupe Steria, l'un des leaders européens des services informatiques vient de publier ses résultats pour le premier semestre. François Enaud, bonjour ! Vous êtes le Président du groupe Steria. Quels sont vos commentaires sur la performance du groupe au premier semestre et qu'en est-il de l'objectif de 7% de marge opérationnelle visé à la fin de cette année ?
François Enaud (FE) : Bonjour ! Ecoutez, nous sommes heureux d'afficher de bons résultats semestriels. Nous progressons sur les principaux indicateurs financiers de plus de 30% : 30% sur l'operating income ; 30% sur le résultat net part du groupe et 33% sur le bénéfice net par action. Ces résultats sont évidemment parfaitement en ligne avec notre objectif sur l'ensemble de l'année qui est de délivrer 7% d'operating income. L'explication principale de ces bons résultats est avant tout une très bonne dynamique commerciale. Nous avons enregistré plus de 20% de prises de commandes en plus, de croissance par rapport à l'année précédente et notre pipeline, c'est-à-dire notre carnet d'affaires, est également sensiblement plus élevé que l'an dernier à la même époque.
EBM : Quels sont vos commentaires, région par région dans chacun de vos principaux pays : la France, le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Allemagne ?
FE : Alors, ce qui est satisfaisant, c'est que nous avons progressé sur toutes les zones géographiques. En France notamment, avec une croissance de 9% et un résultat d'exploitation de plus de 9%. En Angleterre où la croissance est repartie à la hausse avec une croissance de 6% qui est nettement supérieure au marché et un résultat d'exploitation qui dépasse 8% en profitabilité. En Allemagne, nous avons également une très bonne performance, notamment sur le plan commercial avec plus de 25% d'accroissement des prises de commandes. Sur les autres pays européens, nous avons une amélioration sensible de la rentabilité et notamment un pays où nous avons souffert les 3 précédentes années, où nous avons retrouvé des profits, c'est l'Espagne.
EBM : Certains observateurs craignent un possible ralentissement de la demande de services informatiques dans les mois à venir. Est-ce le cas, selon vous ?
FE : Ecoutez, on ne ressent pas du tout cela. Vous savez, dans notre métier, nous avons des indicateurs avancés qui nous permettent de sentir si un retournement se profile. Nos indicateurs avancés sont le carnet d'affaires et la prise de commandes. Donc, c'est ce que l'on va produire dans les prochains mois ou les prochaines années puisque nous sommes sur des contrats à cycles longs. Notre carnet d'affaires et de même notre prise de commandes, puisque j'ai indiqué ce qu'elles étaient au premier semestre, montrent que la tendance est toujours orientée à la hausse. La deuxième chose est que nous ressentons des besoins structurels, une demande structurelle forte notamment dans deux grands secteurs qui pèsent plus de 60% de notre chiffre d'affaires, à savoir le secteur public d'une manière générale ; et le secteur de la finance, à savoir banque, assurance. Donc nous sommes plutôt bien orientés et je ne vois pas de renversement, encore une fois, à court ou moyen terme.
EBM : On parle d'une augmentation du niveau général des salaires dans votre secteur qui dépasserait l'augmentation du niveau des prix de vente faisant redouter par certains un possible effet de ciseaux sur les marges. Quels sont vos commentaires sur ce phénomène en particulier et sur le recrutement en général ?
FE : La première chose que je voudrais préciser est liée au profil de Steria. Steria vend, avant tout, des solutions à ses clients. C'est-à-dire que nos prix sont plus basés sur la valeur de ces solutions que sur le coût des ressources que nous utilisons pour mettre en œuvre ces solutions. Et donc, nous sommes moins exposés sur le phénomène que vous décriviez que des sociétés dites d'assistance technique ou de professional services. Et donc aujourd'hui, si nous arrivons à tenir de bons prix, c'est parce qu'effectivement nous montons en valeur ajoutée dans notre portefeuille de solutions.
EBM : Et concernant la problématique du recrutement ?
FE : Eh bien, sur le recrutement, nous avons aussi le plaisir de constater un accroissement très sensible de nos effectifs puisque rien que sur le premier semestre, la croissance nette est de plus de 700 personnes. Donc on a créée en net plus de 700 emplois sur le premier semestre. Donc c'est le fruit d'une politique de recrutement à la fois efficace et à la fois couronnée de succès. C'est vrai qu'il y a une certaine guerre des talents dans la mesure où on recherche les mêmes ressources. Là où se joue sans doute la différence, c'est sur l'attractivité. Je crois que Steria aujourd'hui jouit et bénéficie d'une attractivité qui est assez forte et qui nous permet effectivement de tenir nos objectifs de recrutement. Sur l'année, nous avions prévu, lorsque nous avons établi notre budget, de recruter plus de 2000 personnes. Je suis certain que nous atteindrons cet objectif.
EBM : Quelles sont vos perspectives pour Steria l'année prochaine, pour 2007 ?
FE : Vous savez, notre objectif restera le même, à savoir de croître plus vite que le marché pour continuer à gagner des parts de marché et à consolider notre position dans le top ten. Alors, croître plus vite que le marché, c'est bien sûr, avant tout, de la croissance organique forte mais c'est également une politique d'acquisitions. Croître plus vite que le marché, ça reste un objectif important. Le deuxième, c'est que nous avons encore des leviers d'amélioration de marges et notamment, j'en identifie trois sur lesquels on va continuer à travailler qui vont nous permettre de monter encore en profitabilité. Le premier, c'est l'amélioration de la profitabilité de notre métier intégration de systèmes, qui aujourd'hui est encore un peu moins rentable que les activités d'infogérance. Le deuxième levier, c'est l'amélioration de notre profitabilité sur les « petits pays ». C'est-à-dire les pays où on a une masse critique un peu moins importante et donc on ne bénéficie pas complètement de l'effet volume. Et bien sûr, il y a le troisième levier : c'est l'effet volume dans sa globalité. C'est-à-dire que plus l'entreprise gagne en volume, plus elle amortit ses coûts fixes.
EBM : Parce que votre bilan vous le permet, le marché s'attend à ce que vous saisissiez des opportunités de croissance externe. Quels sont vos commentaires sur votre stratégie d'acquisitions ?
FE : Alors, je reviendrai un peu sur le commentaire que je viens de faire. La priorité, c'est vraiment la croissance organique. Je ne veux pas, même si effectivement notre objectif est d'être un des grands dans le top ten, sans doute pas le premier, mais consolider notre position dans le top ten, et la renforcer, c'est-à-dire gagner des parts de marché dans ce top ten, je ne veux pas que cet objectif repose uniquement sur une politique de croissance externe. Donc il faut absolument qu'on trouve, en complément de cela, des leviers de croissance, des nouveaux leviers de croissance et je pense notamment à ce que l'on développe de plus en plus : des partenariats étroits avec nos clients qui nous permettent de les accompagner sur la durée ou des joint-ventures même. On va encore plus loin. On peut même imaginer des partenariats structurels avec nos clients ou d'autres industriels. C'est effectivement un moyen efficace d'accélérer la croissance organique du groupe. Si j'en reviens maintenant à la croissance externe, par acquisitions, bien sûr elle continue de faire partie de notre plan stratégique parce que ça vient effectivement renforcer et accélérer nos prises de parts de marché ; maintenant où sont nos priorités ? Elles n'ont pas changé par rapport à ce que j'ai annoncé il y a quelques mois : à savoir, en priorité, nous souhaitons nous renforcer en Angleterre et en France où nous pensons que nous pouvons encore gagner des positions et notamment par croissance externe.
EBM : Vous êtes perçus principalement comme une société d'outsourcing et un intégrateur de systèmes. Avez-vous l'intention de développer une activité de conseil pur à l'intérieur du groupe ?
FE : Bien évidemment, le conseil fait partie de notre stratégie. Par contre, je voudrais préciser que la demande des clients évolue très vite. Les clients n'achètent plus de manière isolée du conseil d'un côté, de l'intégration et de l'infogérance de l'autre. Les clients cherchent des prestations et des engagements de plus en plus globaux. Ce qui nous importe, c'est de pouvoir proposer des services et des solutions à nos clients qui intègrent ces trois métiers. Et donc effectivement, aujourd'hui, nous sommes beaucoup plus en position de proposer un service qui transforme les process de nos clients, qui les aligne sur leur stratégie, et qui ensuite leur propose également, dans certains cas, d'opérer ces process métier. Ce positionnement, ce profil effectivement requiert des compétences métier - on ne peut pas avoir la prétention d'aider le client à transformer ses process pour les aligner à sa stratégie si on n'a pas une connaissance intime et profonde de son métier. On a besoin aussi de compétences d'intégration pour mettre en oeuvre les applications et les systèmes qui effectivement auront été prédéfinis par nos équipes de conseil et puis bien sûr, lorsqu'on a la prétention et le désir d'opérer ces services sur la durée avec nos clients, on a bien besoin également de compétences d'outsourcing, d'infogérance, voire de BPO s'il s'agit d'opérer le process métier en tant que tel.
EBM : Pour conclure, l'offshoring est le sujet dont tout le monde parle dans votre industrie. Où vous placez-vous dans ce débat qui oppose l'offshoring d'un côté à l'onshoring et aux produits à valeur ajoutée de l'autre ?
FE : D'abord, ça ne s'oppose pas. Je crois que ça se complète et l'offshore est au service du développement de l'onshoring. Je réfute cette idée de penser que l'offshore est une menace pour l'emploi local. Je considère que c'est plutôt un booster. En ce qui nous concerne, nous avons depuis quelque temps des infrastructures, des capacités d'intervention, depuis soit des pays de l'Est, soit des pays du Maghreb comme le Maroc et y compris depuis l'Inde. Ce que je voudrais mettre en avant, c'est que nous souhaitons renforcer cette capacité à intervenir depuis des pays où la main-d'œuvre est moins chère et notamment vis-à-vis de l'Inde où nous souhaitons avoir un accès direct à des ressources indiennes, alors que nous étions jusque-là en mode de partenariat avec une société indienne. Donc c'est une décision que nous venons de prendre, c'est-à-dire que dans les six prochains mois, nous serons en mesure d'avoir cet accès direct. L'objectif à terme vis-à-vis de l'Inde, pour répondre un petit peu à la demande croissante de nos clients, c'est d'avoir environ 10% de nos effectifs de production, de développement dans un pays comme l'Inde.
EBM : François Enaud, Président-Directeur Général de Steria, merci beaucoup.
FE : Merci.