EuroBusiness Media (EBM): Le groupe Arcelor, leader mondial de l'acier, vient de publier ses résultats pour le premier semestre, et le groupe dévoile aussi ses projets pour le Brésil. Avec nous, Guy Dollé, bonjour. Vous êtes le Président de la Direction Générale du Groupe Arcelor. Tout d'abord, quels sont vos commentaires sur la performance du groupe Arcelor depuis le début de l'année ?
GD: J'insisterais sur le fait que dans le deuxième trimestre, dans un environnement économique plus difficile pour notre métier, nous avons été capables de réaliser les mêmes résultats, ou à peu près, qu'au premier trimestre, ce qui est un très bon témoignage de notre efficacité.
EBM: Quelle est la situation exacte sur les stocks en Europe aujourd'hui ?
GD: Elle est différente selon les produits. Pour les produits longs, destinés à la construction, pour lesquels ça se passe un peu plus vite, et pour lesquels il y a moins d'importations en Europe, j'ai le sentiment que les stocks sont déjà normaux, et nous avons ressenti depuis juin une amélioration très sensible de notre carnet de commande. Pour les produits plats, j'ai le sentiment que les stocks seront normaux, voire même plutôt bas, parce que les possesseurs de ces stocks ont l'intention de les rendre bas. Ils ne seront pas bas avant la fin du troisième trimestre ; ceci étant, nous avons déjà depuis le mois de juin, à travers notre distribution, les premiers signaux de besoins techniques de la part des transformateurs et des utilisateurs d'acier. Donc, j'ai le sentiment que le quatrième trimestre verra une situation dans laquelle les clients vont avoir une consommation réelle qui sera à peu près en phase avec la consommation apparente.
EBM: Quelles sont vos perspectives sur les prix pour la fin de l'année ? Y aura-t-il une reprise de la demande en Europe qui viendrait soutenir les prix ?
GD: La réponse est différente produit par produit. Je suis pessimiste pour l'inox, pour lequel la baisse de prix de base a été générale, un peu partout dans le monde, et je n'ai pas le sentiment qu'on verra une amélioration sensible cette année. Je suis optimiste sur les produits longs, pour lesquels, finalement, avec notre système de surcharge de ferraille, nous avons été capables de conserver à peu près notre marge. Pour les produits plats, la baisse a été très importante, (pour les produits plats spot de commodité), en particulier dans le sud de l'Europe, comme toujours. J'ai le sentiment que depuis un mois nous avons atteint un plancher (en particulier l'importation a diminué), et je pense qu'il a de la place pour une petite augmentation de prix en fonction de cette demande apparente dès le quatrième trimestre de cette année.
EBM: A mi-parcours de l'année, êtes vous aujourd'hui en mesure d'affiner vos prévisions de résultat pour l'année pleine ?
GD: J'avais eu l'occasion de dire il y a déjà plusieurs mois que les résultats de l'année 2005 seraient meilleurs que ceux de l'année 2004. Je confirme.
EBM: Le marché attend des précisions au sujet de votre plan au Brésil, pouvez-vous à présent nous livrer tous les détails de l'opération ?
GD: Il y a un an, lorsque nous avons acquis la première part des actions de CST, nous avions indiqué ce qu'était notre objectif, en précisant que ce serait fait au cours de l'été 2005, compte tenu d'un certain nombre de problèmes. Et bien nous y sommes : j'avais indiqué que nous créerions une holding Arcelor au Brésil, nous la créons. Mais au lieu d'une holding, nous utilisons comme pivot Belgo Mineira, qui était une société contrôlée par Arcelor. Cela va nous permettre d'avoir une société importante au Brésil, le plus grand producteur d'acier en Amérique du Sud, et donc principalement au Brésil. Cette société va être cotée à la Bourse de San Paolo. Cela va être une des plus grandes sociétés industrielles cotés (la cinquième ou la sixième), et je pense que pour l'ensemble de nos actionnaires brésiliens, ça va être quelque chose de très important, et bien sûr aussi pour l'ensemble des actionnaires européens, puisque le Brésil est pour nous une source de cash-flow importante.
EBM: Quelle est la portée stratégique de votre annonce au Brésil ? Et puis surtout quel est l'impact à prévoir sur la valorisation globale d'Arcelor et sa perception par la communauté financière ?
GD: Le Brésil, comme l'Amérique du Sud (car nous sommes aussi très performants en Argentine, qui dépend du Brésil), a pour nous deux intérêts. Le premier, c'est que le Brésil est un pays où la croissance, et la perspective de croissance de la consommation d'acier dans la décennie qui va venir, sont importantes. La consommation est, selon les pays et les régions, de 100 à 150 kilos par habitant, donc ça peut doubler dans les dix ans qui viennent. C'est donc un marché en croissance forte, en particulier sur les produits longs. Deuxièmement, c'est certainement (et dans la gamme de produits de qualité) la région mondiale dans laquelle il est le moins cher de produire ces aciers. Nous allons donc bénéficier d'un marché en croissance, et de coûts bas, à la fois pour satisfaire ce marché, mais aussi comme base de demi-produits vers nos zones de croissance et vers l'Europe. Nous allons utiliser le Brésil comme source d'efficacité.
EBM: Alors que le Brésil prend une place de plus en plus importante dans le groupe, pourriez vous nous décrire l'avantage comparatif à être fortement implanté au Brésil par rapport à l'Europe par exemple ?
GD: Notre objectif, c'est justement de faire en sorte que nos usines les plus performantes (les usines côtières) n'aient pas d'handicap supplémentaire par rapport au Brésil que le coût équivalent au coût de transport, qui est aujourd'hui pratiquement le double. Pour produire une tonne de brame au Brésil coûte aujourd'hui entre 50 et 60 € en cash de moins que les usines européennes les plus performantes, c'est donc bien sûr un avantage important.
EBM: Enfin, après le Brésil, pourriez-vous nous détailler votre stratégie en Chine ? Avez-vous des ambitions de croissance externe en Chine ?
GD: Oui, nous avons des ambitions, mais vous savez que la Chine est un pays complexe. Nous avons discuté déjà depuis plusieurs mois avec une société. Les discussions se passent bien. Mais vous savez qu'en Chine, il faut l'accord de la société, l'accord de la province, et puis ensuite l'accord de l'administration centrale. C'est une longue route. Je pense que nous pouvons apporter à la Chine notre connaissance des produits, notre expérience dans les produits sophistiqués, nos centres de recherche, nos expériences de marketing. Je pense qu'ils y sont très sensibles, et j'ai bon espoir que dans les trois à quatre mois qui viennent, nous serons capables de trouver un accord qui nous permettra peut-être, étape par étape, d'être un actionnaire très important d'une ou plusieurs sociétés chinoises.
EBM: Guy Dollé, Président de la Direction Générale du Groupe Arcelor, je vous remercie.