Pourquoi rejetez-vous l'offre ?
La valeur n'y est pas. La 'corporate governance' n'y est pas. C'est n'est pas une offre en cash, c'est une OPE, c.à.d. que vous devez apprécier ce que va être le futur de Mittal Steel. Quelle est la valeur de Mittal Steel tout seul ? Quelle est la probabilité de réalisation, de manière satisfaisante, de cette fusion ? (Et on sait que c'est difficile…) Quelle vont être les synergies ? C'est tout ceci qui rend difficile l'appréciation dans le cadre d'une OPE. Pour toutes ces raisons, dans le cadre de l'offre qui est aujourd'hui sur la table, le Conseil d'Administration a dit trois fois 'non'. Je rappelle quand même que les 350 cadres dirigeants mondiaux lundi dernier ont dit 'non' et que, le lendemain, le Comité de Groupe européen, c.à.d. tous nos syndicats européens, a dit 'non'. Cela fait quand même beaucoup de personnes qui disent 'non' à cette offre aujourd'hui.
Pourquoi les deux groupes sont-ils incompatibles ?
Mittal Steel fait 11% de spécialités, nous en faisons trois fois plus. La recherche chez Mittal Steel c'est un peu moins de 200 personnes, nous en avons 1300. Donc, on est sur une autre vision du modèle de la sidérurgie. Nous sommes sur une vision de haut de gamme, sur des usines maintenues au meilleur niveau. Lui est sur une vision plus financière, qui consiste a racheter à bas prix des équipements de qualité moyenne ou médiocre, et à tout juste faire une petite amélioration, mais pas à les porter au niveau des standards qui sont les nôtres. Et, la plupart de ses acquisitions, nous avons refusé de les faire parce qu'elle ne satisfaisaient pas nos critères de standards.
Que propose Arcelor ?
C'est de créer du cash, et de mieux utiliser ce cash. Créer le cash, grâce aux changements de périmètre ; grâce au développement de l'innovation et des aciers de qualité ; grâce aussi à la poursuite et à l'accélération de nos diminutions de coûts. Retourner le cash vers les actionnaires c'est du dividende normal ; c'est aussi, en fonction des événements, des dividendes exceptionnels ou des rachats d'actions ; et enfin, s'il se présentait des projets extrêmement rentables, la possibilité, avec leur accord, de faire des projets de croissance, avec un rendement supérieur à 15%.
Quel est le potentiel du titre ?
Tout le monde reconnaît aujourd'hui que Arcelor était une société sous-valorisée. Même aujourd'hui, avec les résultats de l'année dernière, notre PER est inférieur à 6 (Dieu sait que c'est faible !) Donc je dirais, au risque d'être provocateur, que nous avons passé 12 mois à faire un premier re-rating de l'action, de 14 euros à 22 euros ; qu'en une ou deux journées, l'offre de Mittal Steel nous a permis de passer de 22 à 32 euros. Et je remarque aujourd'hui que nos actionnaires n'ont pas d'inquiétude sur le fait qu'elle puisse retourner à 22. Je pense que la troisième phase, que nous aborderons après l'échec de cette offre, sera de la faire passer de 32 à quelque chose d'infiniment plus cohérent avec les 7 milliards d'euros d'EBITDA par an.
Quel est le bilan des roadshow ?
Le bilan principal c'est que, lorsque nous avons expliqué notre plan, les conséquences de notre plan, la cible d'EBITDA et le cash flow disponible, la quasi-totalité des investisseurs trouve ce plan crédible. Ils ont confiance dans le management pour être capables de le réaliser, parce que nous l'avons déjà démontré. Et donc ils savent bien qu'aujourd'hui la valeur de la proposition ne reflète finalement pas la qualité du plan que nous leur proposons.
Les hedges funds auront-ils le dernier mot ?
La différence dans cette opération c'est que l'action de Mittal Steel est peu liquide, avec juste 12% [de flottant]. Donc les arbitragistes, qui d'habitude se protègent en achetant et en vendant à terme, peuvent ici le faire sensiblement moins, ce qui fait que nous sommes certainement dans une meilleure situation aujourd'hui que ce qui a pu se passer pour d'autres sociétés. Nous avons au maximum 10 à 15% d'actionnaires de ce genre.
Si Arcelor gagne, l'action baissera ?
C'est ce que l'on disait il y a un mois. J'ai rencontré hier beaucoup d'investisseurs à Londres, y compris des hedge funds, qui ne le croient plus, en particulier avec ce que nous avons présenté comme répartition du retour vers les actionnaires.