EBM : Le groupe Capgemini annonce l’acquisition de Prosodie, société leader, opérateur de flux multicanal. Paul Hermelin, bonjour. Vous êtes Vice-Président Groupe et Directeur général de Capgemini. George Croix, bonjour. Vous êtes le Président-directeur général de Prosodie. Commençons avec vous, si vous le voulez bien. Est-ce que vous pouvez nous rappeler en quelques mots ce qu’est aujourd’hui le groupe Prosodie ?
Georges Croix (GC) : Je suis le CEO, le directeur général de Prosodie, depuis 2006. J’ai succédé à Alain Bernard, le fondateur, qui avait envie de transmettre, à cette période-là, son entreprise à ses deux principaux managers, André Saint-Mleux et moi-même. Nous avons décidé de nous rapprocher, de nous associer avec le fonds d’investissement Apax. Depuis cette période, le groupe s’est positionné uniquement sur notre activité B-to-B et strictement dans les pays où nous étions installés : l’Espagne, la France, bien sûr, et depuis quelque temps, la Belgique et l’Italie.
Prosodie est leader en France sur toute l’activité flux transactionnel multicanal. C’est une position, aujourd’hui, que nous revendiquons fortement parce que nos 900 collaborateurs ont développé un certain nombre d’offres qui sont aujourd’hui plus que reconnues sur le marché français et espagnol. Nos quatre lignes de service sont la relation client qui s’appuie principalement sur notre licence « opérateur en télécommunication » ; l’hébergement d’applications plutôt front office ; le paiement et le prépaiement ; et puis, depuis quelque temps, la dématérialisation.
EBM : Paul Hermelin, on vient d’entendre les domaines d’expertise de Prosodie qui sont différents de ceux de Capgemini traditionnellement. Quelle a été la logique de cette acquisition aujourd’hui ? Et comment s’inscrit-elle dans votre stratégie d’acquisition au sens large ?
Paul Hermelin (PH): Vous soulignez un point important parce que depuis quelque temps, on s’est lancé dans une stratégie d’accélération. Vous voyez bien qu’on annonce des acquisitions assez régulièrement, plutôt des acquisitions petites et moyennes, parfois grosses, mais l’idée c’est de compléter le spectre du groupe, d’améliorer sa performance tant en croissance qu’en profitabilité. Parfois, on achètera un nouveau pays, parce qu’on pense que c’est un pays important pour l’avenir ; c’est le Brésil. Parfois on achètera à des petites sociétés qui ont des savoir-faire qu’on va pouvoir utiliser, développer et on avait dit depuis quelque temps : nous nous intéressons à des nouveaux business models, à des modèles dans lesquels on ne vend pas seulement du service, mais on vend des solutions, on vend de l’intelligence autour des systèmes d’information ; c’est quand même assez proche comme culture.
Prosodie est assis sur des savoir-faire importants, il les développe, c’est des solutions propriétaires, c’est de la propriété intellectuelle, une grosse équipe de recherche et développement, et deuxièmement, toute cette informatique de flux, c’est plutôt une informatique temps réel sur des applications critiques. La relation client, c’est quelque chose de fondamental pour nos propres clients et donc, on apprend des domaines nouveaux et je pense que cela nous intéresse parce qu’on pense que c’est vers là que nos métiers vont aller et on ira assez loin dans ces domaines-là.
EBM : Et pour vous, Georges Croix, quelle était la logique du rapprochement avec Capgemini ?
GC : Je dois dire que nous sommes très fiers de nous inscrire dans ce projet, ce projet stratégique pour Capgemini. Nous sommes aussi très fiers d’être, à l’occasion de ce projet, associés à la première compagnie IT européenne, c’est quand même très important, nous qui sommes leader dans notre domaine, notamment en France, avec cette volonté développer à l’international.
EBM : J’ai cru comprendre que vous aviez des clients communs entre les deux sociétés, des partenaires en commun. Qu’est-ce qu’on peut dire sur la complémentarité culturelle entre les deux sociétés, Paul Hermelin ?
PH : Capgemini est une organisation profondément entrepreneuriale et décentralisée, ce qui fait que c’est assez facile d’accueillir quelqu’un dans la famille, de respecter un peu son autonomie et de créer des synergies ; on l’a fait régulièrement. Au fond, Capgemini c’est l’histoire de plus d’une quarantaine d’acquisitions. Le deuxième facteur apparemment simple, c’est que Prosodie, est une société technique. C’est la première fois dans le groupe qu’on aura une licence de télécom, cela ne nous était pas arrivé, donc des ingénieurs. Il y a des choses qui vont en commun, de la culture technique, mais il y a quelque chose qui va être nouveau pour nous, donc il va falloir qu’on soit attentif, qu’on respecte cette différence, qu’on la comprenne, qu’on construise dessus. Chez Capgemini, d’habitude, on va chez un client, on essaie de bien comprendre ce dont il a besoin et puis, on fabrique une solution pour lui. Chez Prosodie, on réfléchit à des idées, on construit des solutions assez sophistiquées, puis on va vendre la solution. Dans un cas, on est dans un modèle que j’appelle en anglais « pull » : on tire du besoin du client une solution ; dans l’autre cas, on est dans du « push » : on a une idée, on l’a travaillée, on est fier de ce qu’on a fait, on va la pousser chez le client. La combinaison de ces deux « push » et « pull » ne sera pas tout à fait triviale, donc il va falloir qu’on travaille.
GC : Les activités de Capgemini et Prosodie sont extrêmement complémentaires. Nous, aujourd’hui, on conçoit, on développe des applications, mais ce qu’on recherche c’est exploiter ces applications. Aujourd’hui, les projets qui sont confiés à Prosodie par nos clients, ces applications-là sont hypersensibles, hypercritiques, hyperstratégiques. C’est une opportunité pour nous et aussi une opportunité pour Capgemini de nous accompagner dans ces développements et dans les déploiements, aussi, qui sont de plus en plus sophistiqués.
EBM : Quelles sont les prochaines étapes ? Quelles sont vos perspectives ? Et quelles sont vos ambitions pour cette acquisition ?
PH : D’abord en termes de processus, on est devant une intention, les deux parties se sont mises d’accord sur ce que pourrait être l’offre. Maintenant, on va consulter les organes sociaux, c’est la loi bien sûr, puis on va finaliser ce qu’on appelle dans le jargon les « due diligence », c'est-à-dire des vérifications diverses. Mon espoir, c’est que tout cela soit bouclé pour fin juillet, en tout cas, avant de partir en vacances. Puis, dès la rentrée, on travaille ensemble, on regarde ensemble ce qu’on peut faire en profitant parfois un peu de la marque de Capgemini pour pousser nos amis à redoubler d’ambition, à faire des projets plus larges. Il y a beaucoup de choses à faire et d’autant plus que, pour nous, on devra le faire en respectant Prosodie qui est une société assez remarquable, une société qui a une rentabilité élevée, sensiblement plus élevée que Capgemini, ce qui correspond à ces nouveaux business models, des rentabilités supérieures, une société qui était résiliente puisqu’elle a réussi à passer la crise sans décroître, c’est remarquable. Mais là, maintenant, on voudrait donner une ampleur à ce mouvement et on voudrait créer des synergies, donc il faudra être concentré sur la performance et démultiplier tout cela. L’objectif est certainement un doublement du chiffre d'affaires dans pas trop longtemps.
EBM : Paul Hermelin, Georges Croix, je vous remercie.
PH, GC : Merci beaucoup.