EuroBusiness Media (EBM) : sanofi-aventis, l'un des premiers groupes pharmaceutiques mondiaux, organise un Séminaire Relations Investisseurs sur le thème des vaccins. Wayne Pisano, bonjour et bienvenue.
Wayne Pisano (WP) : Bonjour, je suis ravi d'être parmi vous.
EBM : Vous êtes Senior Vice -Président vaccins de sanofi-aventis et CEO de sanofi pasteur, la division de sanofi-aventis spécialisée dans le domaine des vaccins. Pour commencer, pouvez-vous nous présenter en quelques mots le secteur des vaccins en général ?
WP : Le secteur des vaccins est actuellement très dynamique. Les vaccins diffèrent quelque peu des produits pharmaceutiques dans la mesure où ils visent à prévenir la maladie et non à la guérir. Les pouvoirs publics, tout comme le secteur médical, ont pris conscience que la prévention est un excellent investissement de santé. C'est intéressant, parce que nous vivons une époque marquée par de nombreuses innovations dans le secteur des vaccins. Ainsi, nous avons mis au point et commencé à distribuer un vaccin contre la méningite bactérienne, appelé Menactra. Nous travaillons également à la mise mise au point de vaccins pour des maladies telles que la dengue et le {Clostridium difficile}, mais aussi de vaccins nouveaux ou améliorés. Nous assistons à un changement dans l'appréciation de la valeur d'un vaccin, et donc à une amélioration des prix, maintenant que les gens remettent en perspective l’économie de la santé et prennent davantage conscience de la valeur réelle des vaccins. C'est un métier extrêmement intéressant et en pleine croissance.
EBM : Pourriez-vous nous présenter en quelques mots les principales caractéristiques de sanofi pasteur (son classement mondial, ses produits...) ?
WP : Sanofi Pasteur est la division vaccins du groupe sanofi-aventis. Nous sommes le premier producteur mondial de vaccins, et produisons aujourd'hui des vaccins contre plus de 20 maladies différentes. Nous sommes le premier producteur de vaccins contre la grippe, de vaccins pédiatriques protégeant contre la polio, la coqueluche et le Hib ({Haemophilus influenzae} de type b ), la méningite bactérienne (avec Menactra que j’ai cité), sans compter nos vaccins contre les maladies endémiques du voyageur ... Nous disposons aujourd'hui d'une très grande capacité de production de vaccins ce qui, dans le marché d'aujourd'hui, revêt une importance primordiale pour notre activité. Nous combattons des virus vivants et des bactéries vivantes. Le fait de disposer d'installations qui répondent aux exigences de bonnes pratiques de fabrication des différentes autorités de contrôle est un véritable challenge. Disposer d'une capacité qui nous permette de répondre aux besoins mondiaux constitue une opportunité tout à fait extraordinaire, non seulement dans le monde développé, mais également dans ce que nous appelons le Sud, à savoir les pays hors Amérique du Nord et hors Europe occidentale. Aujourd'hui, une partie très importante de la population mondiale n'a pas accès aux vaccins. Aussi construisons-nous des installations partout dans le monde, essentiellement pour faire face à ce besoin croissant. Aujourd'hui, nous avons une quinzaine de projets majeurs en cours de développement : nous construisons une nouvelle unité de production de vaccins contre la grippe à Ocoyoacac au Mexique, à Shenzhen en Chine. Nous construisons une nouvelle unité de production de vaccins contre la dengue à Neuville -sur-Saône, en France. Notre unité de production de vaccins contre Hib à Marcy-l'Etoile nous permettra de produire 200 millions de doses par an. Nous étoffons notre capacité de production antipolio à Marcy, à 300 millions de doses. Nous avons de nouvelles installations de remplissage et de conditionnement, à la fois à Val de Reuil et aux États-Unis, et nous venons de construire une nouvelle unité de production de vaccins contre la grippe aux États-Unis cette année.
EBM : Comment évaluez-vous les perspectives de croissance de votre activité vaccins ?
WP : Pour les cinq années à venir, nous prévoyons un doublement de notre activité en volume, pour différentes raisons. Nous n'avons pas épuisé toutes les possibilités de croissance en Europe du Nord et en Amérique du Nord, en termes de renforcement de l a vaccination. Prenons par exemple la grippe. Aujourd'hui, que ce soit en France ou aux États-Unis, nous vaccinons 30 % de la population. Autrement dit, près de 70 % de la population n'est pas immunisée. Dans les pays moins développés, les besoins sont immenses, d'une part parce que les populations non- vaccinées sont importantes -- il y a donc des opportunités d'expansion en termes de vaccination avec nos produits existants -- d'autre part il reste dans cette partie du monde de nombreuses maladies sans vaccins. C’est le cas, par exemple, de la dengue.
EBM : Cette année, la grippe, et en particulier la grippe A(H1N1), est un sujet particulièrement brûlant. Que pouvez-vous nous dire de l'épidémie et de votre vaccin A(H1N1) ?
WP : La grippe A(H1N1) est aujourd'hui une pandémie à l'échelle mondiale. En tant que premier producteur mondial de vaccins, il nous incombe de produire autant de vaccins que possible, aussi rapidement que possible, et selon les normes de qualité les plus sévères. Nous produisons donc un vaccin à la fois efficace et sûr. Cela dit, notre métier de base est la production de vaccins contre la grippe saisonnière. C'est une activité pérenne, récurrente d'année en année. L'activité de production de vaccins contre la grippe saisonnière subsistera même lorsque la pandémie de grippe A(H1N1) aura été résolue depuis longtemps.
EBM : Comment réagissez-vous aux récentes inquiétudes de ruptures de stocks du vaccin A(H1N1) , inquiétudes qui ont jeté un doute sur les méthodes actuelles de fabrication de vaccins, parfois qualifiées d'obsolètes ?
WP : Certaines de ces allégations ne sont pas absolument exactes. Tout d'abord, nous produisons plus de 250 millions de doses de vaccin A(H1N1). Nous allons continuer à les livrer au cours du premier semestre 2010. Notre procédé de production permet donc de fournir de très importantes quantités de vaccins en très peu de temps. Nous produisons nos vaccins contre la grippe à la fois en France et aux États-Unis, et nous utilisons des oeufs comme substrat de base pour la culture des virus. Nous avons étudié différentes technologies. Bien sûr, selon certains, la technologie la plus récente et la plus innovante serait celle de la production par culture cellulaire. Nous connaissons très bien cette approche. Nous l'utilisons pour produire nos vaccins contre la polio et contre la rage depuis plus de 10 ans. En revanche, notre expérience nous montre que la production du vaccin contre la grippe est plus efficace sur des œufs : elle nous permet de produire des quantités très importantes à un coût très raisonnable. Nous sommes constamment à l'affût de nouvelles technologies et de produits nouveaux mais à ce stade, nous n'avons encore rien trouvé de meilleur que les oeufs. En revanche, nous étudions de près certains produits de notre pipeline qui sont très prometteurs et dont l'humanité pourrait grandement bénéficier à l'avenir. Ainsi, nous étudions actuellement un nouveau vaccin universel contre la grippe A. En cas de succès, ce projet nous permettrait de produire un vaccin actif contre toutes les souches de la grippe A. Il serait utilisé conjointement aux vaccins contre la grippe saisonnière. Mais l’avantage est que nous pourrions produire ce vaccin à l'avance et le stocker dans l'attente de la prochaine pandémie.
EBM : Quelles sont les nouvelles sur le front du vaccin contre la grippe saisonnière ?
WP : Tout d'abord, nous avons tenu tous nos engagements non seulement pour le vaccin A(H1N1), mais aussi pour le vaccin de la grippe saisonnière. Pour les producteurs de vaccins, cette année a été particulière, parce que l'une des souches de virus sélectionnée par l'Organisation Mondiale de la Santé était une souche B à faible rendement. Grâce à nos trois unités de production, deux aux États-Unis et une en France, nous disposons à la fois de la capacité de production et du personnel qualifié pour pouvoir livrer la totalité des volumes de vaccins sur lesquels nous nous étions engagés. C'est notre cœur de métier. Nous produisons des vaccins contre la grippe saisonnière depuis plus de 40 ans et nous disposons de deux des équipes les plus expérimentés au monde, l'une à Val de Reuil et l'autre aux États-Unis.
EBM : Comment envisagez-vous la croissance future de votre vaccin contre la méningite bactérienne, Menactra, surtout compte tenu de l’arrivée prochaine de la concurrence dans ce domaine, et pourquoi pensez-vous que votre approche est meilleure ?
WP : Avant tout, Menactra a été le premier vaccin conjugué quadrivalent commercialisé dans le monde. Il s'agit d'un vaccin efficace contre quatre sérotypes de méningite bactérienne. Et lorsque vous considérez la maladie elle-même, vous observez que la maladie peut être causée par différents sérotypes, que ces sérotypes peuvent évoluer dans le temps et leur prévalence peut être différente d'une partie du monde à l'autre. La meilleure approche consiste donc à produire un vaccin qui s'attaque au plus grand nombre possible de sérotypes, et c'est exactement ce que fait notre vaccin Menactra. En outre, nous développons ce vaccin pour une administration en deux doses, pour les nourrissons et les enfants en bas âge. C'est une importante nouveauté pour des bébés, parce que bien souvent, les enfants ont besoin de trois ou quatre doses de vaccin. Cela signifie des injections supplémentaires, sans compter le coût d'un produit conditionné en quatre doses. Un conditionnement du vaccin en deux doses sera plus économique et réduira le nombre d'injections. Ensuite, nous comptons distribuer Menactra sous licence dans de très nombreux pays à l'échelle mondiale. Nous venons de conclure un contrat de licence et de lancer ce vaccin en Arabie Saoudite et au Canada, nous allons le distribuer en Amérique du Sud et en Asie-Pacifique au cours des prochaines années.
EBM : Les marchés émergents adoptent les vaccins dans la phase initiale de l’augmentation de leurs dépenses de santé. Quelle sera l'impact de la hausse des volumes, et de la baisse des prix dans les marchés émergents, sur les marges de votre activité vaccins ?
WP : C'est une question particulièrement intéressante. On s'attendrait probablement à ce qu'une baisse des prix se traduise par une baisse des bénéfices. C'est partiellement vrai, mais ce n'est pas aussi substantiel que l'on pourrait le croire. Bien sûr, l'augmentation des volumes entraîne une diminution des prix. Cependant, sur les marchés émergents, les principaux acheteurs de vaccins sont les pouvoirs publics. Il s'agit donc de marchés publics, d'appels d’offres. Les frais de marketing et les coûts commerciaux sont donc réduits. Par conséquent, les marges restent raisonnables. Cela dit, nous avons pris deux mesures : la première consiste à nous associer avec des producteurs locaux. Désormais, nous produisons donc l'antigène en France et en Amérique du Nord, tandis que notre partenaire local s'occupe du conditionnement et du remplissage. C'est ainsi que nous travaillons avec Birmex au Mexique, avec Butantan au Brésil, avec Chumakov en Russie, avec Biovac en Afrique du Sud, avec GPO en Thaïlande, etc. Cela nous aide à maintenir les prix bas. En outre, nous avons récemment acquis la société Shantha Biotechnics, qui est le numéro un indien de la production de vaccins. Cette société nous permettra de produire des vaccins à un coût extrêmement raisonnable, ciblé pour ces populations.
EBM : A propos des marchés émergents, et de cette société Shantha que vous venez d'acquérir en Inde. Quelles seront d'après vous les retombées de cette acquisition, comment se passe l'intégration, et à quelle logique répond-elle ?
WP : Vous me posez la question de l'intégration. C'est une question intéressante parce que justement, nous n'avons pas l'intention d'intégrer Shantha. Shantha restera une division autonome de sanofi-aventis et ce, pour une très bonne raison. Nous voulons conserver le style entrepreneurial de cette société, la réactivité avec laquelle ils sont en mesure de développer et de distribuer des vaccins. Shantha dispose aujourd'hui de quatre produits préqualifiés auprès de l'OMS et d'un pipeline de produits extrêmement intéressants (rotavirus, HPV). En outre, leur portefeuille de produits, tout comme leur pipeline, complètent très avantageusement celui de sanofi pasteur. Il n'y a pratiquement aucun chevauchement. Leur vaccin pentavalent Shan 5 complète admirablement notre portefeuille de produits. Nous n'avons pas dans notre portefeuille de vaccin pentavalent avec coqueluche à germe entier , et Shan 5 permettra d'approvisionner le marché de l'Unicef et de l'OMS. A nous de tirer parti de notre expertise pour améliorer Shantha. Mais tout cela, de manière complémentaire.
EBM : Wayne Pisano, Senior Vice - Président vaccin chez sanofi-aventis et CEO de sanofi pasteur, merci beaucoup
WP : Merci beaucoup, Adrian.