EuroBusiness Media (EBM) : Le Groupe BNP Paribas, une des plus grandes banques d’Europe, publie ses résultats pour l’année 2011. Jean-Laurent Bonnafé, bonjour. Vous êtes Administrateur Directeur Général de BNP Paribas. Quels sont vos commentaires sur la performance du Groupe au quatrième trimestre et pour l’exercice entier ?
Jean-Laurent Bonnafé : Le quatrième trimestre a été difficile. Nous avons subi un environnement de marché très difficile pour nos pôles CIB et gestion d’actifs et de nouvelles dépréciations sur la dette grecque, qui nous ont contraints à provisionner 600 millions d’euros. Malgré cela, BNP Paribas a réalisé une très bonne performance, preuve de sa résilience.
Au quatrième trimestre, le Produit Net Bancaire atteint 9,7 milliards d’euros. Les coûts ont baissé de 3%, et le coût du risque - hors Grèce – a poursuivi sa décrue.Le groupe a toutefois démontré sa capacité à dégager des profits, puisqu’il clôture le trimestre avec un bénéfice net de 765 millions d’euros.
En ce qui concerne l’exercice complet, le Produit Net Bancaire a dépassé les 42 milliards d’euros, pour des coûts ramenés à 26 milliards d’euros et un coût du risque – à nouveau hors dépréciations grecques - réduit de 26 %. Sur l’exercice, l’impact global de la dépréciation de la dette grecque a atteint 3,4 milliards d’euros.
Dès lors, le résultat net de l’exercice a dépassé 6 milliards d’euros, soit un rendement des fonds propres de 8,8 % et un retour sur fonds propres tangibles de 11,1 %. Par rapport au reste du marché, je pense qu’il s’agit là d’une excellente performance.
BNP Paribas a continué de créer de la valeur pour toutes ses parties prenantes, comme le démontre la nouvelle augmentation de la valeur comptable par action, à 58,2 euros (+5 % par rapport à l’an passé).
EBM : En prévision des contraintes croissantes en termes de réglementation et de consommation des capitaux propres, devons-nous nous attendre à une nouvelle vague de restructuration cette année, voire à des objectifs de ratio de solvabilité plus élevés encore ?
Jean-Laurent Bonnafé : Je souhaiterais tout d’abord rappeler que BNP Paribas a doublé le montant de ses capitaux propres « common equity Tier 1 » au cours des trois dernières années. Nous avons en outre initié, l’été dernier, un effort important de réduction de la taille de notre bilan dont l’exécution, dans bien des domaines, est plus rapide que prévu.
A la fin de 2011, nous avons déjà atteint, et dépassé avec six mois d’avance, l’objectif de 9 % fixé par l’Autorité Bancaire Européenne.
Nous sommes donc en bonne voie d’atteindre un ratio Common Equity Tier 1 de 9 % selon les critères complets et anticipés de Bâle III et ce, dès le 1er janvier 2013.
Je pense que grâce aux mesures que nous déployons actuellement, le groupe sortira de la crise actuelle plus fort et doté d’une excellente base en termes de solvabilité.
EBM : Les banques américaines ne sont pas tenues de respecter les mêmes contraintes réglementaires que les banques européennes. Faut-il dès lors craindre leur concurrence en 2012 ?
Jean-Laurent Bonnafé : La Réserve fédérale est membre du Comité de Bâle et les Etats-Unis se sont engagés à appliquer Bâle III, mais probablement selon un calendrier différent. Pour le moment, ils sont en train de travailler à la mise en œuvre de la loi « Dodd-Franck », ce qui est une autre sorte de contrainte réglementaire. Nous espérons vraiment que les autorités US appliqueront rapidement Bâle III. C’est une condition essentielle pour assurer une concurrence équitable entre banques américaines et européennes.
Quant aux activités du pôle CIB dans leur ensemble, nous comptons tirer parti de notre position de leader et de notre expertise reconnue pour préserver, et si possible accroître, nos parts de marché.
EBM : Dans ce contexte mouvant, vous attendez-vous à un recours accrû à la désintermédiation par les entreprises, qui pourraient de plus en plus choisir de se financer grâce à leurs propres notations plutôt qu’en faisant appel aux banques ?
Jean-Laurent Bonnafé : Je pense que c’est déjà le cas et que cela va même aller en s’accentuant. Ceci dit, tout changement est souvent aussi source d’opportunité, et BNP Paribas, grâce à son important pôle Fixed Income, est bien placé pour tirer partie de cette tendance.
En effet, BNP Paribas est n°1 « All bonds issues in Euros » et n°2 « All corporate Bonds in Euros ». De plus, depuis 2010, nous avons aidé 37 entreprises clientes à lancer leur première émission sur le marché.
EBM : Suite aux mesures d’austérité en Europe, dans un contexte de récession et alors que bon nombre de vos concurrents ont suspendu le paiement d’un dividende, comptez-vous en verser un cette année ? Si oui, de quel ordre ?
Jean-Laurent Bonnafé : Nous avons proposé au Conseil le paiement d’un dividende de 1,2 euros par action, ce qui correspond à un ratio de distribution de 25 %. De plus, nous proposons la possibilité d’un règlement en actions. Cela signifie qu’au moins les trois-quarts du bénéfice 2011 seront réinvestis dans la société pour améliorer notre capacité à financer nos clients et pour renforcer notre solvabilité.
BNP Paribas se distingue donc comme une des rares banques à payer un dividende significatif en 2011. Je tiens à souligner que grâce à sa forte capacité bénéficiaire, BNP Paribas a continué à rémunérer ses actionnaires, chaque année, tout au long de la crise.
EBM : Votre activité de banque de détail en France, en Belgique, au Luxembourg et en Italie va très probablement souffrir du ralentissement économique qui frappe l’Europe, avec pour conséquences le ralentissement de la croissance du PNB et l’augmentation du coût du risque, ainsi que des nouvelles contraintes de financement. Comment voyez-vous la performance de votre activité de détail cette année ?
Jean-Laurent Bonnafé : Nos 4 marchés domestiques ont réalisé une performance particulièrement bonne en 2011 avec une croissance de 15% du résultat avant impôt, et ce dans un contexte difficile, particulièrement en Italie.
Les revenus ont augmenté dans tous les marchés, tirés par la forte croissance des volumes. En moyenne, les prêts ont progressé de 5,1 % et les dépôts de 6,4 %.
Le groupe a encore amélioré son efficacité opérationnelle, comme en témoigne l’amélioration de son coefficient d’exploitation dans les quatre pays, malgré les investissements en cours pour développer le dispositif commercial.
Le coût du risque a diminué partout, même si de manière structurelle, le niveau observé en Italie reste sensiblement supérieur à celui de la France et du BeLux.
En 2012, avec le ralentissement économique et l’augmentation des coûts de financement, l’environnement deviendra encore plus difficile. Néanmoins, grâce à l’adaptation de nos conditions combinée à une innovation produits de grande qualité, je suis convaincu que nos marchés domestiques vont continuer à contribuer de manière significative à la rentabilité du groupe.
EBM : Pour ce qui est de CIB, votre plan de réduction du bilan aura une incidence sur vos recettes. Où en êtes-vous de la mise en œuvre de ce plan et son état d’avancement est-il conforme à vos prévisions ? Risque-t-on d’assister à une révision des tarifs, et donc des marges, de la part d’opérateurs globaux tels que vous ?
Jean-Laurent Bonnafé : Notre programme de réduction de la taille du bilan se poursuit de manière active. L’objectif final est de parvenir à une amélioration de 100 points de base de notre ratio de solvabilité d’ici à fin 2012. A fin 2011, nous avions déjà enregistré une amélioration de 32 points de base, soit environ un tiers de l’objectif total.
S’agissant de la réduction des actifs moyens pondérés, c’est le pôle CIB, comme vous le savez, qui en détient la majeure partie. Ils y ont été diminués de 22 milliards d’euros, répartis à égalité entre les activités de marché et les métiers de financement. Pour les activités de marché, nous nous adaptons aux nouvelles réglementations, tandis que pour les métiers de financement, nous réduisons activement notre exposition.
En termes de réduction des besoins en dollars US du pôle CIB, nous sommes très en avance puisque nous les avons diminués de 57 milliards pour un objectif de 60, porté ensuite à 65.
Quant aux marges nettes, l’augmentation du coût de financement et du coût du capital les met effectivement sous pression. Mais il en va de même pour toutes les banques. L’imposition de nouvelles réglementations et de nouvelles contraintes, couplée à la réduction des bilans en cours de réalisation chez de nombreux opérateurs, ont dégagé pour les opérateurs globaux tels que BNP Paribas des marges de manœuvre pour une meilleure adéquation des conditions tarifaires. Ce processus prendra cependant du temps pour se traduire pleinement dans le compte de résultat.
EBM : Votre pôle Investment Solutions a souffert d’une décollecte significative en gestion d’actifs, mais a bien résisté dans les autres domaines. Comment l’expliquez-vous et comment voyez-vous évoluer votre modèle économique dans ce métier ?
Jean-Laurent Bonnafé : Dans la pôle Investment Solutions, la gestion d’actifs a été pénalisée par des conditions de marché particulièrement difficiles et un mouvement de décollecte généralisé qui a frappé le secteur en Europe continentale.
Je tiens toutefois à souligner deux choses :
- d’abord, qu’une partie importante de la décollecte a touché des produits à faible marge tels que les fonds monétaires, et
- deuxièmement, que nous avons enregistré des flux positifs de collecte dans les zones Asie-Pacifique, Moyen-Orient et Amérique latine.
Donc, en gestion d’actifs, nous mettons en œuvre un plan de restructuration destiné à adapter notre activité à notre nouvel environnement. La plupart des frais de restructuration ont déjà été comptabilisés au quatrième trimestre 2011 et nous anticipons une baisse de 10 % de notre base de coûts en 2012.
Tous les autres domaines d’activité, à savoir la Banque Privée, Personal Investors, les Services Immobiliers et l’Assurance affichent une collecte nette pour l’année, tirant parti des récents investissements commerciaux et de la diversification géographique.
Enfin, le métier Titres a réussi à accroître son volume d’actifs gérés grâce à l’obtention de nouveaux mandats.
EBM : En 2011, vous avez réduit votre exposition aux obligations souveraines. Allez-vous continuer à faire de même en 2012, et quel autre type d’investissements allez-vous faire à la place ?
Jean-Laurent Bonnafé : Ces obligations étaient détenues à des fins de gestion de trésorerie et de couverture et non à des fins de placement.
Si nous avons décidé de réduire notre exposition souveraine globale en 2011, c’était uniquement pour limiter la sensibilité de notre ratio Tier 1 aux réévaluations successives à la valeur de marché de notre portefeuille obligataire souverain. Nous avons donc agi en anticipation de la pleine mise en œuvre de la réglementation Bâle III. Actuellement, une partie de ces produits est déposée auprès de banques centrales afin d’assurer notre liquidité à court terme.
Nous poursuivrons notre gestion active et opportuniste de notre exposition souveraine de manière à minimiser la volatilité de nos ratios de solvabilité.
EBM : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur Général de BNP Paribas, merci beaucoup.
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.