EuroBusiness Media (EBM) : SUEZ ENVIRONNEMENT, leader mondial dans les métiers de l’eau et des déchets, publie ses résultats de l’exercice 2011. Vous êtes le Directeur général de SUEZ ENVIRONNEMENT. SUEZ ENVIRONNEMENT semble avoir une fois de plus enregistré en 2011 d’excellents résultats, malgré quelques difficultés dans le contrat de construction d’une usine de dessalement à Melbourne. Si l’on exclut ce dossier, le groupe dépasse même ses prévisions 2011. Comment avez-vous réalisé ce niveau de performance ?
Jean-Louis Chaussade : En 2011, SUEZ ENVIRONNEMENT a réalisé une excellente performance opérationnelle. Nous avons engrangé plusieurs succès industriels et commerciaux. Le chiffre d'affaires a progressé de 6,9 % et le RBE, de 7,6 % à change constant, malgré un one-off sur un contrat en Australie. Nous avons maintenu notre stratégie de leadership dans la performance environnementale. Nous avons continué d’innover, dans nos technologies et dans nos contrats. Nous avons progressé en développement durable, avançant à grands pas vers davantage de recyclage et vers des solutions plus efficientes sous l’angle tant environnemental que social. Nous avons également amélioré notre productivité et dépassé notre objectif de réduction de coûts, améliorant notre RBE de 130 M€. Nous sommes restés très attentifs à notre situation financière : nouvelle augmentation du cash-flow disponible, stabilité de l’endettement à 7,6 Md€, et maintien de notre ratio dette nette/RBE à un niveau de 3 fois de puis juin 2011.
Le résultat net atteint 323 M€, et aurait atteint 560 M€ sans les coûts liés à Melbourne. Le chiffre d'affaires, le cash-flow disponible et la dette nette sont tous supérieurs aux prévisions, malgré Melbourne. Hors Melbourne, le RBE progresse de 15 %. Se basant sur ce résultat et sur notre bilan solide, le conseil d'administration a approuvé un dividende de 0,65 € par action pour l’exercice 2011. Cela représente un taux de distribution proche de 100 %, et un rendement actuel situé entre 6 et 7 %.
EBM : L’exercice 2011 a également été marqué par le contrat de construction d’une usine de dessalement à Melbourne, que vous avez qualifié de « problème isolé ». Arrêtons-nous un instant à ce contrat. Que s’est-il passé, et où en est ce dossier ?
Jean-Louis Chaussade : Le contrat de Melbourne, signé en juillet 2009, est un partenariat avec Thiess pour la construction et l’exploitation sur trente ans d’une usine de dessalement produisant 450 000 m³ d’eau par jour, avec un chiffre d'affaires total de 1,6 Md€. Cette usine sera une vitrine mondiale pour la technologie de l’osmose inverse, dont Degrémont est un leader. En 2011, plusieurs épisodes cycloniques ont frappé l’État de Victoria, engendrant des conditions climatiques anormales et des tensions sociales, d’où une très faible productivité et des surcoûts. Ce projet a eu sur le résultat net du groupe une incidence négative de 52 M€ au 1er semestre et 185 M€ au 2e semestre. Depuis octobre, plusieurs mesures ont permis d’améliorer la productivité : meilleure supervision, renforcement des équipes, nouvelle équipe d’électriciens, et meilleure organisation du travail grâce à l’amélioration des relations avec les organisations syndicales suite à la signature d’un accord relatif aux heures supplémentaires. Le projet ne rencontre aucun problème technique et son état d’avancement, fin janvier, atteint 89 %. La première production d’eau est donc prévue pour la mi-2012, et la fin du chantier, pour la fin de l’année.
EBM : Le marché français de l’eau a fait beaucoup parler de lui l’an dernier : pressions sur les prix, enquête de la Commission européenne, tendance à la municipalisation plutôt qu’à la privatisation. Qu’en est-il de la performance de SUEZ ENVIRONNEMENT sur le marché de l’eau ?
Jean-Louis Chaussade : Dans le domaine de l’eau, nous visons essentiellement trois types de marchés. Le premier est l’Europe méridionale. Nos deux piliers européens (France et Espagne) génèrent 25 % de notre chiffre d'affaires par le biais de contrats à long terme. Ensuite, les États-Unis et le Chili (7 % du chiffre d'affaires), nous procurent une très forte visibilité ; nous y avons nos propres installations et des contrats permanents. Enfin, nous sommes bien positionnés en Chine, en Australie, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient où nous avons un fort potentiel de développement. Il y a aussi Degrémont, notre filiale d’ingénierie, qui assure 11 % du chiffre d'affaires en 2011. En 2011, le chiffre d'affaires de l’activité « eau » a progressé de 1,5 % à change constant, et de 3,4 % hors contrat Melbourne. Au niveau RBE, la croissance a été encore plus forte.
Nos métiers bénéficient de moteurs de croissance forts et à long terme, particulièrement dans le domaine des eaux usées, et grâce au développement des grandes villes et des zones de stress hydrique. Nous rencontrons une forte demande d’infrastructure et de services pour une eau de grande qualité. Pour revenir à la France : oui, le marché français de l’eau est concurrentiel. SUEZ ENVIRONNEMENT y renouvelle annuellement environ 10 % de ses contrats, avec un taux de succès proche de 90 %. Sur le solde du portefeuille, la rentabilité progresse par le biais de hausses tarifaires et de gains de productivité. En 2011, Lyonnaise des Eaux a renouvelé, dans des conditions financières satisfaisantes, la plupart de ses contrats venus à échéance, notamment à Agde et à Tarbes. Les prix ont progressé de 2,6 % en 2011, et notre balance commerciale nette, c’est-à-dire le net entre les contrats amendés, gagnés, perdus et renouvelés, est positive. Nous avons repris de nombreux contrats à nos concurrents, notamment à Hyères et à Angers. Nous travaillons sans relâche au développement de nos nouveaux métiers et voulons offrir à notre clientèle des solutions innovantes, notamment avec notre nouveau « Contrat pour la santé de l’eau » .
EBM : L’autre activité de SUEZ ENVIRONNEMENT est la gestion des déchets qui, en 2011, évolue favorablement avec une croissance de 13 %. Pouvez-vous expliquer cette performance ?
Jean-Louis Chaussade : Dans le domaine des déchets, nous disposons d’un ancrage européen sans égal, et nous sommes fortement implantés dans des marchés de croissance. L’activité de tri et de recyclage de déchets en Europe représente 11 % de notre chiffre d'affaires. Ces activités sont caractérisées par une croissance rapide avec notamment une tendance structurelle vers davantage de valorisation matière, dans le sillage d’objectifs réglementaires ambitieux et du développement de l’économie circulaire.
Le reste de nos activités de service et de traitement de déchets représente 32 % du chiffre d'affaires. Notre plateforme européenne, sans rivale, nous aide à adopter une approche globale de la gestion des flux de déchets. Elle nous aide à mieux gérer nos unités de traitement pour améliorer nos marges. À l’international, nous exerçons nos activités de traitement de déchets essentiellement en Australie et en Chine. Nous atteignons une masse critique dans tous les pays où nous sommes actifs. Nous sommes les leaders en France, au Benelux et en Allemagne ainsi qu’en Australie depuis 2011. Nous sommes très bien positionnés au Royaume-Uni, en Scandinavie, en Pologne, en Chine, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le chiffre d'affaires 2011 de l’activité déchets progresse de 13 %. En 2011, nous avons traité 25 millions de tonnes de déchets en Europe soit 3 % de plus qu’en 2010. Nous bénéficions aussi de l’effet positif des prix des matières premières secondaires. Et notre bonne performance bénéficie également de l’augmentation de nos capacités. Cette forte performance s’explique par notre positionnement orienté vers la valorisation et l’innovation technologique.
EBM : Pour conclure, quels sont vos principaux objectifs et comment voyez-vous l’exercice 2012 ?
Jean-Louis Chaussade : Notre excellent potentiel de développement dans les métiers de l’eau et des déchets nous donne toute confiance pour les perspectives de SUEZ ENVIRONNEMENT. Le contexte macroéconomique 2012 devrait néanmoins être atone. Et même si le ralentissement économique n’atteint pas encore la même intensité qu’en 2009, nous adoptons une approche similaire . Nous avons déjà commencé à réorienter nos priorités dans le sens de la rentabilité et d’un bilan solide. Nos objectifs pour 2012, basés sur l’hypothèse d’une croissance nulle du PIB en Europe, se présentent donc comme suit : chiffre d'affaires et RBE supérieurs ou égaux à 2011 à change constant ; nouvelle amélioration du cash-flow libre. Pour 2013, nous visons un RBE supérieur de 8 % à celui de 2011, à savoir supérieur ou égal à 2,7 Md€. Côté bilan, nous maintenons notre objectif de ratio de dette nette/RBE proche de 3 fois. Nous resterons extrêmement sélectifs dans nos investissements nets , qui seront limités à 1,3 Md€ en 2012 et 2013. Nous maintiendrons une politique de dividende attractive, avec au moins 0,65 € par action relatif à 2012. Nous voulons donc consolider notre performance et offrir de la visibilité en terme de dividende. Nous sommes bien positionnés pour exploiter au mieux le potentiel des marchés de l’eau et du déchet, et nous prévoyons une forte demande pour nos services à chaque stade des cycles de traitement de l’eau et des déchets.
EBM: Jean-Louis Chaussade, Directeur général de SUEZ ENVIRONNEMENT, je vous remercie.
Jean-Louis Chaussade: Merci.