EuroBusiness Media : Orange, 1er opérateur français de téléphonie et l'un des leaders européens du secteur, publie ses résultats pour l'année 2016. Stéphane Richard, bonjour. Vous êtes le Président-directeur général d'Orange. Eh bien, l'année 2016 est finalement une année historique, à la fois avec un retour de la croissance sur le chiffre d'affaires, mais également sur l'EBITDA ajusté. Vous avez même une année d'avance sur votre plan de marche, si je comprends bien ?
Stéphane Richard : Oui, on peut dire que 2016 est une année charnière puisque c'est la première année où nous récoltons vraiment les fruits de notre stratégie qui est une stratégie de différenciation par l'investissement et la qualité du service. Si on regarde les agrégats, ça donne un chiffre d'affaire qui, effectivement, est en croissance de 0,6 % à 40,9 milliards d'euros et, ce qui est très important et très intéressant, un EBITDA aussi qui croît, même 2 fois plus vite, de 1,3 % à 12,7 milliards d'euros. Donc, on a réussi en 2016 avec 1 an d'avance sur notre plan à réaliser à la fois la progression du chiffre d'affaires et de la rentabilité du groupe.
Comment est-ce qu’on est arrivé à cela ? Grosso modo, en mettant le paquet sur les investissements et, en particulier, évidemment, sur le déploiement du très haut débit fixe et mobile. Ce que nous faisons partout dans le monde, en Europe et, aussi, en Afrique et au Moyen-Orient. On peut donner quelques illustrations de ces efforts. C'est d'abord la fibre optique. Orange est l'opérateur qui déploie le plus de fibre optique aujourd'hui en Europe : 20 millions de foyers raccordables, 3,3 millions de clients à fin 2016. C'est une augmentation de 75 % d'une année sur l'autre. C'est un des opérateurs leaders aussi sur la 4G avec 28 millions de clients, déjà, et une augmentation de 58 % du nombre de ces clients en 1 an.
Voilà. Donc, l'ensemble de ces investissements. On peut aussi évoquer la rénovation de notre réseau de distribution, 157 smart stores (ce sont les boutiques au nouveau concept, ouvertes à fin 2016) participent de cette stratégie qui vise à nous différencier de la concurrence par la qualité des infrastructures, celle des investissements. On investit près de 17 % de notre chiffre d'affaires. Et puis aussi par la relation client sur laquelle on a également fait énormément d'efforts. Donc, on est bien sûr heureux de voir que ces choix qui sont des choix de long terme, que nous avons faits il y a maintenant plusieurs années, commencent effectivement à donner des vrais résultats. Ça se voit sur l'ensemble de nos résultats financiers et, c'est encore plus important, ça se voit surtout sur nos résultats commerciaux.
EBM : Alors, peut-on revenir un instant sur les grandes lignes de la croissance par zone ?
Stéphane Richard : Oui. Ce qu'il faut d'abord rappeler, quand même, c'est qu'on est dans un secteur qui est toujours hyper concurrentiel. Il ne faut pas imaginer, que ce soit en Europe d'ailleurs ou en Afrique, qu'on a été dans un contexte de marché plus favorable que les autres années. Si on regarde maintenant un peu les grandes zones sur lesquelles nous opérons. On va commencer bien sûr par la France, qui est le principal marché, qui est notre pays d'origine et notre marché domestique. La France, d'abord, a connu une année extrêmement difficile sur le plan de l'intensité concurrentielle. Je rappelle juste que, en 2016, il y a eu pratiquement 11 mois sur 12 de promotions venant de l'ensemble de nos concurrents. Orange y a participé beaucoup moins que les autres, mais on a connu une année d'agitation commerciale très forte. Et malgré ce contexte extrêmement concurrentiel, on a réussi à bien tirer notre épingle du jeu puisqu'en termes de chiffre d'affaires, on est à la quasi stabilité -on est à - 1 %- et surtout, on a consolidé nos positions, toujours grâce à la stratégie d'investissements, dans, en fait, ce que sont un peu les leviers de croissance sur ce marché. Le très haut débit fixe, c'est la fibre, avec une accélération de nos investissements dans le déploiement de la fibre optique. La 4G, la convergence aussi, qui est d'ailleurs, aussi, une politique que nous suivons partout en Europe et qui porte ses fruits, mais qui en France donne également des résultats très importants avec, pratiquement 60 % de notre base, aujourd'hui, de clients fixes qui sont sur les offres convergentes. Donc, on peut dire qu'en France, malgré, une fois de plus, cet environnement de marché très difficile, on a des résultats qui sont très bons, très encourageants et qui montrent que la différenciation, une fois de plus, par la qualité du service et du réseau, eh bien ça marche. Ça marche. Je pourrais citer la part de conquêtes qu'on a sur le fixe, sur le marché du fixe, qui est de près de 50 %, qui est un niveau qu'on n'avait jamais connu depuis de très, très nombreuses années.
Ensuite, il faut évoquer l'Espagne. L'Espagne est pour nous une grande satisfaction. Alors, l'Espagne, c'est un marché qui a connu une consolidation. Une consolidation convergence, fixe et mobile, avec pour nous, l'acquisition de Jazztel, qui est une formidable réussite industrielle, humaine aussi, d'ailleurs, puisqu'en fait, Jazztel, on a pu intégrer cette entreprise dans un délai record et elle donne aujourd'hui des synergies qui sont bien au-delà de ce qu'on avait annoncé aux marchés. Ce n'est pas toujours le cas donc il faut quand même le souligner. Le résultat, c'est qu'on a en Espagne une croissance exceptionnelle de 6 %. Je crois qu'il n'y a pas beaucoup de pays d'Europe occidentale où un des grands opérateurs peut revendiquer un tel chiffre. Et une vraie dynamique vertueuse qui s'est enclenchée autour de ces 2 marques : Orange et Jazztel, soutenue toujours par un effort d'investissement très important. On déploie massivement la fibre optique en Espagne. Depuis l'été 2016, d'ailleurs, on en fait plus que Telefonica, l'opérateur historique. C'est dire combien, là aussi, on fait d'efforts dans ce domaine. Et sur la 4G, on avait pris le parti, il y a déjà quelques années, d'être en avance de phase sur la 4G et ça aussi, ça continue à porter ses fruits. Donc, on est très heureux, vraiment, de ce que le groupe a accompli en Espagne. Il faut d'ailleurs rendre un hommage tout particulier à nos équipes dans ce pays.
Si on continue du côté des vraies satisfactions, il y a la Belgique. La Belgique a eu des années un peu difficiles, notamment parce que le marché devenait un peu convergent et que nous, on ne l’était pas. Depuis l’année dernière on est convergents puisqu'on a lancé une offre fixe sur le câble grâce à la régulation du câble. Cette offre connaît un début très encourageant : on a un peu plus de 30 000 clients à la fin de l'année 2016. Et globalement, la Belgique améliore sensiblement ses performances dans le mobile, là aussi, le choix de la 4G a été fait avant. On a une couverture de 100 % du territoire en 4G. Et on commence là aussi à entrer dans cette dynamique vertueuse de la convergence grâce à l'offre fixe. Donc, la Belgique qui, d'ailleurs, va reprendre aussi la distribution de dividende, est une des satisfactions de l'année 2016.
Si on regarde maintenant des zones qui sont un peu plus difficiles, sans être non plus des soucis particuliers, mais pour lesquelles, clairement, il y a un défi à relever, il faut d'abord parler de l'Afrique et du Moyen-Orient qui, globalement, continuent à fournir une croissance -un peu plus de 2 %-, mais cette croissance est un peu plus faible que les autres années. Il y a eu 2 situations particulières qui expliquent ce chiffre. Celle de l'Egypte qui, sur le plan du business, a plutôt pas mal marché, mais a connu un contexte macro-économique très particulier avec une dévaluation massive de la monnaie, qui, bien évidemment, a un impact sur les comptes. Et puis il faut mentionner également le cas de la RDC, la République Démocratique du Congo, qui, comme beaucoup d'autres pays africains d'ailleurs, a pris des mesures drastiques sur l'identification des clients, ce qui a eu pour effet de réduire massivement les bases de clients de plusieurs millions dans ce pays. Donc, tout ça, évidemment, a eu un impact.
Je tiens quand même à souligner, en sens inverse, la formidable réussite d'Orange Money en Afrique : 29 millions de clients à la fin 2016. L'Afrique est vraiment le continent qui voit émerger le mobile banking, le mobile payment, comme un des aspects dominants du développement africain, et les opérateurs télécom sont en train de prendre une place gigantesque dans le développement et les économies de ces pays.
Enfin, je terminerai par la Pologne. La Pologne est historiquement un marché compliqué parce qu'on a une position d'opérateur historique mais, paradoxalement, qui est assez faible dans le fixe et qui, du coup, nous a obligés à engager un programme d'investissement dans la fibre, dans le FTTH, pour pouvoir soutenir une politique de convergence. Donc, ce qu'on fait en Pologne, aujourd'hui, c'est qu'on investit dans la fibre, comme ce qu'on fait en France ou en Espagne, mais on a commencé plus tard et, donc, forcément, les résultats vont venir un peu plus tard. Les débuts de la fibre, d'ailleurs, sont bons et encourageants. On a un peu redressé la barre dans le mobile également. Mais, au total, la Pologne est quand même un marché toujours en récession pour nous, dans lequel l'accent est plutôt mis sur la réduction des coûts, et sur lequel, je dirais qu'il faut encore un peu de patience pour que l'effort d'investissement très important que nous faisons donne véritablement ses fruits. C'est la raison aussi pour laquelle on a annoncé la suspension du dividende en Pologne parce qu'il nous semble que la priorité à court terme c'est vraiment de consacrer l'essentiel de nos ressources sur l'investissement.
Alors, je voudrais terminer ce tableau en mettant un peu l'accent sur les efforts de gestion qui sont faits. Parce qu'on parle là de performances commerciales, on parle d'investissements. Tout ceci se fait aussi dans une très grande rigueur de gestion du groupe sur ses dépenses, ses dépenses opérationnelles. Peut-être qu'on y reviendra. Mais il faudrait que personne n'imagine que nous relâchons nos efforts sur la gestion de nos ressources que ça soit dans l'optimisation de nos dépenses d'exploitation, sur l'optimisation de nos effectifs aussi. Tout ceci reste pour nous une grande priorité.
EBM : Alors, justement, on va y venir maintenant. Faisons un point d'étape sur votre plan d'efficacité opérationnelle qui s'appelle Explore 2020. Où en êtes-vous ?
Stéphane Richard : alors, vous vous souvenez qu'il y a quelques années on avait lancé un plan qui s'appelait Chrysalid, et qui avait pour objet, précisément, d'inscrire le groupe dans une stratégie, une dynamique de recherche de performance et d'efficacité, qui est, pour nous, une obligation quand on voit les caractéristiques de nos marchés. Donc, ce plan Chrysalid est arrivé à son terme, il a d'ailleurs fourni les résultats qu'on en attendait : plus de 3 milliards d’euros d'économies. Et désormais, nous avons un nouveau plan qui s'appelle Explore 2020, qui a pour objectif de dégager 3 milliards d’euros, là aussi, d'économies à l'horizon 2018. Ce qu'on peut dire, c'est qu'à fin 2016, on est très bien engagés puisqu'on est à 1,7 milliards d’euros d'économies constatées, donc 57 % de l'objectif total de ce plan. Donc, je suis très confiant sur le fait qu'on atteindra et même qu'on dépassera cet objectif d'Explore 2020. 760 millions d’euros d'économies réalisés sur l'année 2016. Voilà. Donc, ce plan marche, il a défini des axes qui sont des axes pertinents et, surtout, il fait l'objet de la part du management et de moi-même, d'ailleurs, d'un accent managérial très important dans la gestion de nos pays.
EBM : Vous avez des succès commerciaux qui sont les fruits attendus de vos engagements majeurs en termes de capex. Est-ce que ça veut dire que vous conservez la même recette de capex, maintenant, pour 2017 ?
Stéphane Richard : Alors, les capex. 2016, 3 % de hausse encore des capex, près de 7 milliards d'euros à l'échelle du groupe. Ça fait 17 % du chiffre d'affaires. On est sur des niveaux historiquement élevés. Cet effort va devoir se poursuivre encore quelques années. D'abord, parce qu'ils correspondent à de grands programmes d'investissements en France sur la fibre, notamment, qui doivent se dérouler sur plusieurs années. Il y a 60 % de ces capex qui vont dans nos réseaux. Et si on prend le cas de la France, on va dépasser le milliard d'euros d'investissements dans la fibre, et tout le monde a compris que c'était, pour nous, un levier de reconquête majeure. Donc, oui, il faut poursuivre cet effort d'investissements. On peut considérer qu'il y a encore 2 années, en gros 2017-2018, qui vont rester à des niveaux élevés. Et qu'après, parce qu'il y a des cycles évidemment dans ces investissements, et avant qu'arrive la 5G, on aura des années où la pression sur les investissements sera moins élevée. Mais on va rester intensif en termes de capex au moins dans les 2 années qui viennent et, après, on peut attendre une normalisation de cet effort.
EBM : Oui, mais alors, est-ce que votre bilan est, lui, assez solide, pour poursuivre ce type d'effort ? Et, du coup, est-ce que vous pouvez nous parler de votre politique de dividende, après la proposition que vous faites d'augmenter le dividende de 5 centimes pour 2017 ?
Stéphane Richard : Alors, il faut d'abord dire qu'Orange, parmi tous les grands opérateurs européens, est celui qui a le bilan le plus solide. On a, fin 2016, une dette nette qui est à 24,4 milliards d'euros, un ratio de dette nette sur EBITDA qui est à 1,93, c'est-à-dire sensiblement en-dessous de l'objectif qu'on s'est fixé sur le moyen terme, qui est de 2. Et donc, le bilan d'Orange est très solide, très sain, et lui permet non seulement de financer ses efforts d'investissement mais aussi d'envisager une redistribution de la valeur créée, sur laquelle je vais revenir.
Pourquoi est-ce qu'on a un bilan aussi solide ? Parce qu'on gère, d'abord, comme je vous l'ai dit, de façon très rigoureuse nos opérations, parce qu'on a un EBITDA qui est en augmentation, et aussi parce qu'on a su, ces dernières années, gérer notre portefeuille d'une façon, disons, sélective, opportuniste aussi. Et je mentionnerais en particulier la cession de EE, au Royaume-Uni, qui est intervenue quelques mois avant le Brexit et avant, il faut le dire aussi, les difficultés de British Telecom et qui, pour nous, nous a permis effectivement de réduire assez sensiblement la dette du groupe à la fin de 2016. Donc, je crois que c'est là une belle opération, et dont il est, après tout, normal que l'ensemble de nos actionnaires en profitent, à la fois par le biais du dividende, on va dire, mais aussi par la capacité d'Orange à soutenir ce rythme d'investissements qui est central dans sa stratégie.
Le dividende. Il faut se souvenir quand même que nos actionnaires ont été mis à contribution de façon, quand même, sensible, par la baisse du dividende qui est intervenue ces dernières années. Je rappelle qu'il était à 1,40 euros il y a quelques années. On l'a baissé progressivement pour faire face, je dirais, aux défis qui étaient devant nous. Il est aujourd'hui à 60 centimes d'euro, il a été confirmé bien entendu pour 2016. Moi je souhaite proposer à l'Assemblée Générale une augmentation du dividende de 5 centimes d'euros, donc, c'est une augmentation d'un peu moins de 10 %, qui n'est pas négligeable. Je pense que c'est le bon moment pour le faire. Pourquoi ? Parce que d'abord, c'est une façon de dire à nos actionnaires « Vous avez contribué aux efforts qui ont été fait dans ce groupe, avec évidemment les équipes, les salariés du groupe, pour remettre Orange sur les bons rails, les rails de la croissance soutenue par l'investissement. On commence à en récolter les fruits. » On a 1 an d'avance sur notre plan. C'est normal que nos actionnaires eux aussi, profitent, finalement, de ces bons résultats. Et puis, il y a pour moi une question clé autour de la répartition de la valeur créée entre les différentes parties prenantes qui permettent cette création de valeur et, en particulier, je dirais, l'équilibre entre les actionnaires et les salariés. Car on a bien besoin de ces 2 parties prenantes, ces 2 moteurs pour avancer. Et c'est la raison pour laquelle, parallèlement à une politique de retour sur nos salariés, notamment par le biais d'actions gratuites, j'estime nécessaire et équitable que nos actionnaires bénéficient également d'une hausse de leurs dividendes. Donc, c'est la mesure que je vais proposer à la prochaine Assemblée Générale.
EBM : Alors, quelles sont aujourd'hui vos guidance pour 2017 maintenant que vous avez 1 an d'avance sur votre plan de marche ?
Stéphane Richard : Sur 2017, ce que nous souhaitons, c'est clairement poursuivre sur cette dynamique positive. Tout d'abord en délivrant un EBITDA supérieur à celui de 2016. Donc, on aura ainsi 2 années de croissance d'EBITDA. Il est capital de remettre ce groupe sur une dynamique de moyen terme de progression de sa rentabilité. Et donc, c'est ce que nous allons faire en 2017, en tout cas, c'est notre objectif. Pour le reste, nous souhaitons conserver finalement ce qui a fait le succès d'Orange jusqu'à maintenant, c'est-à-dire un bilan parfaitement maîtrisé, donc on aura toujours cet indicateur du ratio dette nette sur EBITDA autour de 2, et on y sera très vigilants. Et puis, sur le plan de ces développements, une politique très sélective toujours de gestion de son portefeuille, de rotation de son portefeuille, qui est d'ailleurs indispensable si on veut conserver ces éléments d'équilibre, notamment du bilan, que j'évoquais tout à l'heure.
EBM : J'ai enfin gardé, pour la fin de cet entretien, 2 questions un petit peu sensibles qui sont, d'une part, le sujet Canal+ et Vivendi. Peut-être pouvez-vous nous en dire un mot ? Et ensuite, la consolidation en France, où en est-on ?
Stéphane Richard : Alors, le sujet des contenus. Le sujet des contenus, vous savez, c'est toujours un peu l'Arlésienne du secteur des Télécom. Il y a eu, comme ça, des moments où il y a eu beaucoup d'opérations de convergence média/télécom et puis d'autres où il y a eu plutôt un désengagement. Nous essayons, nous, chez Orange, de nous situer un peu au-delà de ces cycles, de tirer un peu les leçons de notre propre expérience puisqu'on a eu aussi des périodes d'investissements lourds dans les contenus, d'être réalistes, pragmatiques, opportunistes aussi, et de regarder ce sujet marché par marché. Car ce qui est pertinent, ou ce qui peut être pertinent en Pologne ou en Espagne, peut ne pas l'être en France, ou inversement.
Qu'est-ce que ça donne tout ça ? Eh bien, ça donne le sentiment que, d'abord, Orange est un acteur important dans les contenus aujourd'hui. D'abord par le volume de ses dépenses : on dépense plus de 500 millions d'euros, 550 millions d'euros, en 2016 dans les contenus. Donc ça fait de nous, de toute façon, un acteur important des contenus. On a des beaux actifs dans les contenus. On a une chaîne, OCS, qui distribue en exclusivité les programmes de HBO en France, qui a 2,5 millions d'abonnés, qui est une très belle chaîne. On est présents aussi dans le cinéma, notamment. Donc, on ne part pas de zéro.
Qu'est-ce qu'on souhaite faire maintenant ? Ce qu'on souhaite, c'est être attentifs aux mouvements de cette industrie, aux stratégies aussi de nos concurrents, bien entendu. Et finalement, ça tourne autour d'une idée très simple : nous souhaitons garantir à nos clients l'accès aux meilleurs contenus disponibles aujourd'hui. Nous souhaitons éviter à tout prix que nos clients, quel que soit le marché sur lequel ils sont, puissent se voir privés de l'accès à des contenus clés comme, notamment, le sport, le football en Europe, voire le cinéma ou des séries. Donc, notre stratégie, elle a cette dimension défensive, d'abord, qu'il faut mettre en avant parce qu'on ne peut pas envisager aujourd'hui un développement dans le très haut débit fixe et, notamment, dans la fibre optique, si on n'a pas "sécurisé", je dirais, l'approvisionnement et l'accès aux contenus. C'est capital.
Ensuite, il y a aussi une dimension un peu plus offensive parce que le monde change, les usages du digital changent, les modes de consommation des contenus changent. Si vous regardez un adolescent aujourd'hui, vous verrez qu'il ne regarde plus la télévision sur le canapé de ses parents. C'est fini. Il la regarde sur son PC, sur sa tablette, sur son smartphone de plus en plus. Donc, il faut s'adapter à cette nouvelle donne et il faut regarder en quoi les opérateurs que nous sommes, qui maîtrisons finalement le terminal, ou l'usage du terminal en tout cas et la connectivité qui permet de s'en servir, peuvent anticiper ces évolutions de consommation, y apporter aussi des innovations et, finalement, je dirais, conforter la dynamique que nous avons sur le marché de l'accès par le volet des contenus. C'est ça un peu notre réflexion.
Qu'est-ce que ça donne, s'agissant de Canal+ ? Canal+ est un acteur, bien sûr, important en France. C'est l'acteur leader de la télévision payante. Il y a des terrains de coopération naturelle entre Orange et Canal+. Orange est le n° 1 du fixe, Canal+ est le n° 1 de la télévision payante. Bien évidemment, Orange est un distributeur très important de Canal+. Il y a des terrains aussi de coopération possible en dehors de France - je pense à l'Afrique notamment, voire à la Pologne. Il y a des terrains de coopération possible quant aux innovations du secteur, par exemple les séries en format court, en format smartphone - c'est un des axes qui nous intéresse. Donc, on a beaucoup de liens, beaucoup de projets en commun avec Canal+. Est-ce que tout ceci doit déboucher nécessairement sur une opération capitalistique ? Non. Ce qui est important pour nous, c'est de renforcer nos partenariat industriels et commerciaux avec Canal+ en France. Mais il y aura d'autres alliances possibles en Espagne, voire dans d'autres pays.
Voilà pour le sujet "contenus".
Sur le sujet de la consolidation en France, qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui ? La première chose que je vais dire très clairement, c'est qu'il n'y a pas d'opération en vue. Aujourd'hui, au moment où on parle, il n’y a pas de deal en vue. Les raisons qui ont poussé, à plusieurs reprises d'ailleurs, les opérateurs à se parler pour voir si une consolidation était possible, ces raisons demeurent. L'optimisation des investissements, la recherche d'une taille critique et convergente pour les opérateurs du marché aujourd'hui. Moi, je reste personnellement convaincu que la taille du marché français ne permet pas, ou en tout cas, ne permet pas de dire qu'il est évident et obligatoirement vrai, que ce marché peut vivre avec 4 opérateurs durablement. Il suffit de regarder d'ailleurs autour de nous : en Allemagne il y en a 3, en Espagne, maintenant, il y en a 3, en Italie il y en a 3. Aux Etats-Unis, qui est un marché autrement plus important, il n'y en aura peut-être bientôt plus que 3. Donc, personne ne peut, je dirais, valablement affirmer que le marché français serait en quelque sorte un des seuls marchés de cette taille au monde à pouvoir bien fonctionner avec 4 opérateurs. Donc, ces raisons-là, elles existent toujours et tout le monde les voit.
Nous parlons les uns avec les autres, en permanence. D'abord, on a des projets communs. On a des accords de co-investissements dans la fibre, par exemple. On a des accords de partage de réseau pour certains d'entre nous. Personne ne peut aujourd'hui exclure le fait qu'un jour ou l'autre, on reviendra à une table de négociations pour envisager une nouvelle opération. La seule chose que je veux dire c'est que, pour l'heure, il n'y a pas d'opération en vue, il n'y a pas de deal en vue même si, je le répète, les conditions propres à une consolidation demeurent.
Et, pour ce qui concerne Orange, c'est ça qui est important, nous sommes certainement celui des 4 opérateurs qui en a le moins besoin pour survivre et même, d'ailleurs, pour bien réussir. Mais on peut y trouver aussi un intérêt, bien entendu. Et ça nous met dans une position assez détendue, finalement, par rapport à ce sujet et, surtout, une position qui place une exigence très claire qui est celle de la création de valeur. C'est-à-dire que nous ne rentrerons dans un schéma de consolidation qu'à une condition, c'est qu'elle soit très clairement, et je dirais, massivement, créatrice de valeur pour Orange et ses actionnaires.
EBM : Stéphane Richard, Président-directeur général d'Orange, je vous remercie.
Stéphane Richard : Merci à vous.