EuroBusiness Media (EBM): Stéphane Richard bonjour.
Stéphane Richard : Bonjour Adrian.
EBM : Vous êtes Président-Directeur-Général d’Orange, tout d’abord merci de nous accorder cette interview dans le respect des gestes barrières lors de ce tournage, et ensuite, première question, vous venez de présenter les résultats du quatrième trimestre dans une période toujours hors normes, et le groupe s’est, comme au troisième trimestre, encore distingué. Alors, pourriez-vous revenir tout d’abord sur les faits marquants du quatrième trimestre.
Stéphane Richard : Je vais vous dire quels sont les faits marquants, mais je voudrais d’abord commencer par exprimer ici ma satisfaction et ma fierté pour l’ensemble des résultats du groupe et la mobilisation sans failles de toutes nos équipes partout dans le monde qui ont rendu ces résultats possibles. Vous l’avez dit, on est dans un contexte quand même très particulier qui est toujours profondément marqué par cette crise sanitaire - et économique du coup - et donc dans ce contexte très spécial, il y a plusieurs éléments très forts qu’il faut souligner. Le premier, c’est le niveau des performances commerciales du groupe lors de ce quatrième trimestre. Je vais commencer par la France. Nous avons enregistré, pour la troisième fois consécutive, un record sur les ventes nettes de la fibre. On peut dire qu’aujourd’hui la fibre est un très grand succès populaire, la crise sanitaire et le confinement – les confinements- que nous avons traversés, n’ont fait qu’augmenter l’appétit encore un plus des français pour la fibre, et nous en profitons. En Europe, c’est aussi un très bon trimestre, le meilleur des deux dernières années en termes de conquête fibre. Et puis il y a la situation de l’Espagne. Chacun sait que c’est plus difficile en Espagne depuis quelques trimestres, et depuis cet été on a vraiment un retournement assez spectaculaire de la dynamique commerciale d’Orange avec des conquêtes fixes et mobiles qui sont repassées dans le vert et ce phénomène s’amplifie, là aussi, au cours du dernier trimestre. Au total ça nous permet d’avoir un chiffre d’affaires pour le groupe très solide, très résiliant. Il a été aussi nourri, il faut le dire, par la dynamique de nos activités dans la zone Afrique et Moyen Orient, qui enregistrent une croissance record de plus de 8% de son chiffre d’affaires, mais aussi sur la fin de l’année par la France, qui reste dans le vert, légèrement positive, en dépit de la situation que nous connaissons. Sur la partie B2B, là je voudrais parler plus particulièrement des deux pépites que nous avons dans la sphère IT et Services, le Cloud et la Cybersécurité qui -là aussi en dépit que le contexte que nous connaissons -enregistrent une belle croissance, presque à deux chiffres, sur la fin de l’année 2020. Il y a un autre point important qui est à souligner et c’est celui des travaux que nous avons engagés sur les infrastructures, vous savez ça faisait partie des annonces fortes qui ont été faites fin 2019, de lancer ces chantiers sur nos infras, aussi bien dans le fixe que dans le mobile, et je peux vous dire qu’on est au rendez-vous, puisque nous avons annoncé la vente de 50% du capital, avec le co-contrôle d’Orange Concessions, le véhicule que nous avons créé sur les zones rurales, qu’on appelle des RIP, avec un niveau de valorisation honnêtement exceptionnel, qui a été obtenu sur cette partie-là. Puis nous avons aussi beaucoup progressé dans le travail de détourage pour les deux TowerCo que nous créons en France et en Espagne. Elles vont s’appeler Totem, donc c’est le projet Totem, qui a vu aussi son rythme d’exécution, son rythme de mise en œuvre, fortement accélérer au cours des derniers mois. Finalement tout ça se résume assez bien par l’indicateur du cash-flow organique que nous suivons tout particulièrement, vous le savez, je sais que nos investisseurs sont très attentifs à cette capacité de générer du cash-flow organique et en 2020, en dépit de cette crise historique que nous avons traversée, nous avons réussi à dégager un cash-flow organique de 2,5 milliards d’euros, c’est-à-dire significativement au-dessus de l’objectif que nous nous étions fixé, 2,3 milliards d’euros. Ce chiffre naturellement ne tient pas compte du remboursement de 2,2 milliards d’euros que nous avons perçus à la fin de l’année en remboursement d’un contentieux fiscal que nous avons fini par remporter.
EBM : Quelle est la tendance forte qui ressort de ce trimestre, et surtout quel pays ou activité contribue le mieux à la résistance du groupe dans ce contexte de crise qui perdure ?
Stéphane Richard : Rappelons d’abord le chiffre global ; le chiffre d’affaires du groupe est quasi stable au quatrième trimestre : -0.2%, donc quasiment stable, et il très légèrement positif sur l’ensemble de l’année 2020, à + 0.3%. Je suis très heureux de ce chiffre parce que chacun sait qu’on a traversé en 2020 une crise historique à cause de l’épidémie et des conséquences économiques et franchement réussir à avoir des revenus en augmentation, certes légère, mais quand même en augmentation sur l’ensemble de 2020, malgré les impacts massifs que nous avons eus du fait de la crise, je vais en évoquer deux, rapidement, le roaming, il n’y a plus de voyage, quasiment plus de voyageurs et donc il y a un effondrement des revenus du roaming. Ça représente 300 millions d’euros d’impact négatif, et puis les fermetures prolongées de boutiques dans beaucoup de pays ont entrainé aussi une baisse très forte des ventes d’équipements de l’ordre de 300 millions. Donc rien que sur ces deux postes-là, ça fait 600 millions d’effet négatif lié à la crise, et malgré cela, on a réussi quand même à avoir un chiffre d’affaire en très légère augmentation. Qu’est-ce qu’il y a derrière ? Il y a deux grands moteurs. Il y en a un qui est la France, et l’autre qui est l’Afrique. Les deux représentent 300 millions d’euros chacun. Ces deux moteurs permettent de compenser des reculs que nous enregistrons aussi. Parfois c’est lié à la crise, parfois c’est un peu au-delà de la crise. L’Espagne qui est rentrée depuis deux années à peu près maintenant dans un cycle concurrentiel extrêmement difficile, agressif – tous les opérateurs sont sous pression en Espagne – nous avons une baisse de nos revenus d’environ 300 million d’euros, puis la partie Entreprise qui a plus que des autres divisions du groupe encaissé l’impact de la crise. Le reste de l’Europe, dans son ensemble, fait un résultat très très légèrement négatif sur l’ensemble de l’année 2020, donc cette année 2020, elle est restée dans le vert en termes de revenues essentiellement grâce à la France et à l’Afrique.
EBMl : Passons désormais à l’EBITDAaL, en léger repli, mais du fait de raisons tout à fait compréhensibles…
Stéphane Richard : Oui, quand on voit, j’ai évoqué tout à l’heure le roaming, 300 millions d’euros d’impact sur les revenues, c’est presque autant sur l’EBITDAaL. La particularité de ce revenu, c’est qu’ils ont une contribution marginale, donc ils sont très très riche en EBITDAaL. La vente d’équipement c’est moins le cas. Puis il y a eu des coûts, beaucoup de coûts directs, qui ont été liés à cette crise COVID. Donc malgré ces effets adverses très puissants quand même, on a réussi à faire en 2020 un EBITDAaL en baisse certes, mais très modeste, de l’ordre de 1%, qui montre une dynamique et une résistance très très positive en termes de profitabilité, de rentabilité de nos opérations, d’abord dans la zone MEA, Afrique et Moyen Orient, où là on a une croissance à deux chiffres de l’EBIDTAaL, c’est quand même assez remarquable, et en Europe, où au total hors Espagne on a aussi réussi à être en croissance sur l’EBITDAaL, environ 2%, naturellement ces bonnes performances sont mitigées par à la fois la situation de l’Espagne, qui est en recul sur le chiffre d’affaires mais aussi en recul assez fort sur EBITDAaL, ce qui était attendu, on est a -13% parce qu’il y a une baisse des revenus moyens des ARPOs donc ça entraine mécaniquement cette baisse de l’EBITDAaL. Et puis également il y a une baisse assez prononcée sur la partie OBS, la partie B2B de l’ordre de 15% qui elle est très très largement liée à l’impact COVID.
EBM : Quels points exceptionnels illustrent certains pays, les bons points comme les moins bons ?
Stéphane Richard : Si je commence par les points négatifs, en tous cas qui nous soucient aujourd’hui, il y a d’abord l’Espagne. L’Espagne a été une belle histoire pour le groupe. On a eu des années de croissance très forte, des revenus, de la croissance, on a construit le deuxième opérateur espagnol et on en était très loin il y a dix ans. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce marché rentrait dans un nouveau cycle, il y a des nouveaux acteurs qui sont apparus, il y a eu des opérations de consolidation aussi qui ont déclenché des remèdes, qui ont été autant de tremplins pour des nouveaux acteurs, pour rentrer sur ce marché. C’est un marché qui est très fragmenté avec aussi une tendance à aller massivement vers le low-cost dans un pays qui est en crise aussi. Donc l’Espagne en 2020 est dans la crise, même si je l’ai dit depuis cet été, nous avons un vrai renversement de dynamique sur le plan commercial. Par ailleurs j’ai nommé un nouveau manager pour l’Espagne, Jean-François Fallacher, qui a fait ses preuves en Pologne où il est arrivé dans une situation un peu comparable à celle de l’Espagne aujourd’hui et où il a réussi un retournement très très spectaculaire tout en lançant un certain nombre de chantiers structurants qui font que on est qu’aujourd’hui, en Pologne, sur un dynamique extrêmement positif. Donc Jean-François travaille aujourd’hui sur le plan de retournement de l’Espagne. Il en va de notre stratégie en matière de prix, de notre positionnement marketing, des marques que nous utilisons, vous avez peut-être vu qu’on a commencé à simplifier aussi le dispositif. Il y a tout un chantier aussi sur la partie IT, sur l’organisation du travail, sur le B2B, qui est une belle opportunité encore devant nous en Espagne. J’estime qu’il faut au minimum 18 mois pour enregistrer vraiment les premiers résultats tangibles de ce retournement, sur nos agrégats financiers, c'est-à-dire sur le chiffre d’affaire et sur l’EBITDAaL et je dois dire que je suis très confiant sur la capacité de cette équipe et de ce nouveau CEO de réussi ce retournement, même s’il faudra être un peu patient et qu’on ne peut pas attendre une bonne année en 2021 sur l’Espagne, notamment sur l’EBITDAaL. C’est le principal point négative clairement. Voyons maintenant les points positifs. D’abord dans les points positifs il y a l’Afrique et le Moyen Orient. Je parlais de la croissance des activités, et du revenu. L’EBITDAaL lui il croît de 10% en 2020, et même de 18% si on regarde la performance sur 2 années. Pour tous ceux qui s’interrogent encore sur la profitabilité, la richesse de la croissance que nous avons en Afrique, voilà, je pense, la plus belle démonstration qu’on peut leur faire. Non seulement on fait de la croissance, mais en plus, on améliore aussi notre rentabilité et aujourd’hui la profitabilité moyenne de nos activités en Afrique est supérieure à la moyenne du groupe. Donc l’Afrique est un endroit où non seulement on fait de la croissance mais aussi plus de rentabilité. Les moteurs de cette croissance c’est d’abord la data, et l’internet mobile, puisqu’en Afrique ça vient essentiellement par le réseau mobile, nous sommes 4G pratiquement partout aujourd’hui en Afrique et on a des croissances phénoménales du parc de clients qui utilisent la 4G, donc l’internet mobile. Puis il y a le Mobile Banking avec Orange Money, qui cette année en 2020 a dépassé la barre des 500 millions d’euros de chiffres d’affaire qui devient un contributeur très significatif à nos activités en Afrique.
EBM : Faisons maintenant un point sur les infrastructures, avec Orange Concessions et la TowerCo.
Stéphane Richard : Comme vous le savez, on a annoncé lors du Capital Market Day en 2019 ce double projet, à la fois d’organiser nos infrastructures dans le domaine de la fibre en France, de telle façon que sur une partie du déploiement des zones rurales nous puissions créer les conditions d’une alliance avec des partenaires financiers pour optimiser nos capex et saisir les opportunités de croissance qui peuvent exister dans ces zones RIP, c’est le projet Orange Concessions. Ce projet Orange Concessions a été mené à son terme, puisque nous avons signé cette transaction, avec à la clé une valorisation remarquable, 600 euros par prise fibre, je pense que c’est le niveau le plus élevé qui a été atteint aujourd’hui sur le marché français, ça c’est pour la partie fixe. Deuxième chantier qui a été annoncé, c’est celui d’une ou deux TowerCo. Une TowerCo c’est un projet Européen, mais qui sera mené à bien avec naturellement des entités nationales. Nous avons engagé ce travail, vous savez que c’est un travail très long, très lourd parce qu’il faut détourer ces actifs, et puis ensuite il faut organiser l’ensemble des relations contractuelles, juridiques, opérationnelles, économiques, entre ces unités TowerCo et les opérateurs de chacun des pays, donc c’est un travail très long, mais ce travail a été mené en un temps record et je félicite toutes les équipes qui ont participé à cela au niveau du groupe et des pays et donc ce détourage aujourd’hui il est en très bonne voie en France et en Espagne. Cette TowerCo Européenne va s’appeler Totem et elle sera constituée au départ d’une entité France qui sera la plus grosse et l’entité d’Espagnole. Au-delà de la rationalisation que ça va nous permettre d’obtenir, de l’amélioration de la gestion aussi de ces infrastructures, c’est aussi pour moi une nouvelle carte dans le jeu d’Orange, et un nouvel outil aussi de conquête et de croissance. Moi je suis convaincu aussi que sur ce marché des infras il va y avoir des mouvements, il va y avoir des sans doute des consolidations aussi au niveau Européen, et c’est très important qu’Orange puisse y participer. Donc notre vision c’est que maintenant qu’on a cette carte dans notre jeu, on va s’en servir, on va veiller, regarder tous les mouvements qui s’opèrent, on a des projets et on va être à la fois tactique, évidemment pragmatique et utiliser ces TowerCo, y compris d’ailleurs dans la flexibilité financière et capitalistique ce ça nous permet d’avoir aujourd’hui, pour jouer un vrai rôle dans cette consolidation à venir.
EBM : Que dire aujourd’hui concernant votre plan de refonte des coûts appelé ScaleUp ?
Stéphane Richard : ScaleUp est un programme, un projet, un objectif même que j’avais annoncé, là aussi, lors du Capital Market Day en 2019, en précisant que c’était une ambition, ce n’était pas encore un programme, que d’ailleurs sur cette ambition qu’on avait chiffré à 1 milliard d’euros d’économies nettes sur la structure du coût du groupe, on en avait déjà identifié une petite partie, mais ça restait une ambition, sans un engagement ferme de l’entreprise et du management. Il y a maintenant un peu plus d’un an, nous avons transformé cette ambition de départ en un programme, un programme avec un objectif. On a mis en place toute une organisation pour s’assurer qu’on obtiendra bien ce milliard d’euros d’économies d’ici à 2023, ça s’entend sur une base de 14 milliards à peu près d’euros de coûts indirects dans le groupe. Donc nous avons lancé ce programme. Il y a une équipe qui a été constituée, il y a des relais qui existent dans tous les pays, et donc on est passé dans la phase industrielle, de la mise en œuvre de ce programme ScaleUp qui est aujourd’hui une réalité dans les objectifs de l’ensemble de la ligne managériale. Nous allons donner un certain nombre d’informations, je crois qu’on n’en avait pas tellement données jusqu’à maintenant, sur le sous-jacent, sur la matière, sur la physionomie de ces coûts. Et sur aussi les points particuliers sur lesquels nous allons travailler à l’intérieur de ScaleUp. Je vais en citer rapidement quelques-uns. Il y a d’abord évidement le volet du travail, de la force au travail, des effectifs, de l’organisation du travail et du coût du travail naturellement. Ce que je peux dire c’est que la crise sanitaire, y compris les confinements, le télétravail massif que ça nous a amené à mettre en œuvre, nous a ouvert de nouvelles perspectives et sans doutes de vraies opportunités aussi, parce qu’on voit qu’aujourd’hui dans beaucoup d’endroits, beaucoup de personnes, beaucoup de métiers du groupe d’ailleurs, aspirent à travailler un peu différemment, à être peut-être moins regroupés géographiquement en permanence sur des grands sites qui coûtent chers, à construire, à entretenir etc. Donc la proportion du télétravail va être différente, les organisations du travail d’ailleurs du coup aussi vont s’adapter et au total, cette crise est aussi une opportunité, selon moi, pour accélérer un peu la transformation de certains modes de travail à l’intérieur de l’entreprise. Ensuite il y a un volet qui tient plus à la démographie du corps social en France. On a eu beaucoup de départs à la retraite ces dernières années, ça nous a permis d’en remplacer qu’une petite partie, et du coup de faire des économies déjà substantielles sur le coût de la force au travail en France, tout en donnant des augmentations salariales correctes ces dernières années, on a quand même économisé 500 millions d’euros sur les coûts salariaux en France dans les cinq dernières années. Dans les années qui viennent on va continuer d’abord, une attrition naturelle, mais, nous souhaitons ouvrir les discussions avec les partenaires sociaux pour voir dans quelles conditions on peut accélérer cette attrition naturelle en visant un groupe de salariés qui sont prêts de l’âge de départ à la retraite et en essayant de corriger aussi un certain nombre de déséquilibres historiques dans l’entreprise, notamment ce qui existe entre les fonctions supports, les sièges – et il y en a plusieurs chez nous en France – et puis ceux qui sont en face du client. Avec une idée simple, qui est qu’on veut garder le maximum de capital et de force devant le client, parce que c’est ça qui fait la qualité de l’expérience client aussi, et essayer, par contre, d’optimiser les autres fonctions qui sont très importantes et pour lesquelles je suis persuadé qu’on peut faire mieux en termes d’efficacité. Donc l’ensemble de cette opération-là va s’étaler sur une période de trois ans, 2020-2023, ce sera un des éléments importants du plan de réduction d’économies qui est ScaleUp.
EBM : Pourriez-vous nous donner plus d’explications sur vos guidances de cash-flow après les impacts anticipés de l’utilisation des fonds reçus pour le remboursement exceptionnel du contentieux fiscal à hauteur de 2,2 milliards d’euros ?
Stéphane Richard: Vous avez raison de poser cette question parce que c’est une bonne nouvelle d’avoir reçu un remboursement de ce niveau-là. D’abord, on est contents d’avoir été tenaces, de jamais avoir lâcher le morceau si vous permettez l’expression, et j’en profite pour dire aussi parfois on nous soupçonne peut-être d’avoir une forme de complaisance avec l’état, parce que l’état est quand même notre principal actionnaire, et on a quand même montré à travers ce contentieux qu’on a été capables d’aller vraiment à la bagarre, et finalement d’obtenir 2,2 milliards d’euros, c’est quand même énorme, de remboursement qui sort de la caisse de l’état, donc pour tous ceux qui ont des questions sur le sujet je pense que c’est un épisode qu’il convient de souligner. Maintenant, ceci-étant dit, ce montant qui est important, il ne doit pas d’abord masquer la réalité des performances opérationnelles sous-jacentes. Et par ailleurs, il faut le considérer comme une opportunité pour nous d’accélérer sur certains domaines, de faire des investissements peut-être spécifiques dont on sait qu’ils vont créer beaucoup de valeur pour nos actionnaires pour l’avenir et ça a été un peu la philosophie de répartition de ces 2,2 milliards d’euros de remboursement obtenu sur le litige fiscal. Je pense qu’il est important, quand on regarde 2021, de mesurer ce que sont nos engagements en dehors de l’impact de ces 2,2 milliards. Vous êtes d’accord avec moi, cette une très bonne nouvelle, une nouvelle one-shot, donc il faut regarder ce qui est en dessus et ce qu’on est capables de faire. Quand on fait cet exercice, on se rend compte qu’en fait l’engagement que nous prenons sur 2021 c’est de dégager un cash-flow organique qui sera supérieur à 2,6 milliards d’euros, c'est-à-dire en progression par rapport aux 2,5 milliards de 2020, donc on est tout à fait dans la ligne du plan stratégique qu’on s’est fixé. Ceci donc hors les effets de ce remboursement fiscal. Et d’ailleurs cet objectif de 2,6 milliards d’euros il ne pourra être atteint, on est confiants naturellement sur notre capacité à l’obtenir, que si nous gérons avec discipline nos capex, ce que nous sommes engagés à faire et ce que nous avons largement démontré aussi en 2020. Comme je le disais, ces 2,2 milliards d’euros de remboursement, c’est aussi pour nous une opportunité et donc c’est la raison pour laquelle nous allons utiliser une partie de ces sommes pour financer le plan de transformation de la France, dont j’ai évoqué les grandes lignes tout à l’heure, dont les effets positifs vont se ressentir sur notre rentabilité un peu en 2021, surtout en 2022 et après. Nous allons l’utiliser aussi en partie pour financer un plan d’actionnariat salarié, ce qu’on appelle un URP, ça c’est pour offrir aux salariés du groupe une possibilité d’acheter des actions et donc de participer aussi à la création de valeur du groupe. L’actionnariat salarié c’est un des rares moyens à notre disposition qui permet d’aligner un peu les intérêts de tout le monde, c'est-à-dire ceux de nos actionnaires et ceux de nos salariés. Donc c’est pour cela que j’y tiens. Je pense que c’était important, alors qu’on a eu cet évènement positif, de prévoir ce plan d’actionnariat salarié qui est fondamentalement très créateur de valeur à long-terme pour l’entreprise et toutes ces parties prenantes. Et puis nous allons utiliser une petite partie de ces sommes également pour faire quelques investissements supplémentaires très ciblés, essentiellement en France, et un peu moins en Afrique, notamment sous l’angle des co-financements, ceci parce que dans ces catégories d’investissements ciblés on est sûrs aujourd’hui d’obtenir un rendement très élevé de ces investissements. Donc il ne s’agit pas d’augmenter ou plutôt d’abandonner la discipline que nous voulons nous imposer sur l’investissement, il s’agit d’utiliser cette opportunité de remboursement pour faire un peu plus dans des secteurs très ciblés sur lesquels nous savons obtenir un rendement très élevé. Donc quand on a pris tout ça en compte, et je sais que c’est un peu compliqué, je m’en excuse auprès de nos actionnaires, mais 2,6 milliards, ça c’est la cible de cash-flow organique, hors remboursement fiscal, et quand on prend en compte quelques effets qui sont négatifs, comme par exemple l’offre actionnariat salarié sur l’EBITDAaL 2021, ça se traduit en un objectif de 2,2 milliards d’euros pour 2021, qui correspond bien à ces 2,6 milliards que j’évoquais tout à l’heure. Voilà ce que je peux dire sur 2021, enfin Adrian, le point peut-être le plus important, c’est de regarder le moyen terme, et là-dessus il y a un an on s’est fixé un objectif ambitieux, qui est d’atteindre un organic cash-flow dans une fourchette de 3,5 à 4 milliards d’euros d’ici 2023 au terme de cette première phase du plan que nous avons engagé et je peux aujourd’hui vraiment confirmer que cet objectif est notre objectif, celui sur lequel nous sommes pleinement engagé et je dirais même qu’en ce début d’année 2021 je suis sensiblement plus confiant sur notre capacité à atteindre cet objectif de 3,5 à 4 milliards d’euros qui il y a un an, par le travail qui a été fait et par aussi l’appui que le remboursement fiscal va nous permettre d’avoir sur les années qui viennent. Donc je réitère ici devant tout le monde cet objectif de générer un organic cash-flow de 3,5 à 4 milliards d’euros en 2023, c’est à dire quand même pratiquement le double de ce que nous avons fait il y a un an.
EBM : Stephane Richard nous arrivons à la fin de cet entretien, un mot pour conclure ?
Stéphane Richard : Je crois que 2020 a été une année extraordinaire, peut-être pas dans le sens le plus positif du terme, mais une année inédite, inattendue qui a soumis tout le monde à de grands défis pour nos vies personnelles, pour nos vies familiales, pour nos vies professionnelles, pour les entreprises dont nous nous occupons, pour l’ensemble de nos projets. Elle nous a peut-être fait prendre conscience de notre vulnérabilité et de la fragilité finalement du monde dans lequel nous vivons. Il y a beaucoup de secteurs qui ont été très profondément impactés par ce qui s’est passé. Dans notre industrie des télécoms on a la chance d’avoir fourni aux sociétés, aux entreprises, aux familles, aux particuliers un service qui leur a permis de traverser ces épreuves en gardant le lien avec les autres et avec leurs familles, mais aussi en continuant à pouvoir travailler depuis la maison, s’éduquer depuis la maison, participer à la vie économique etc. La première conclusion que je tire de cette année 2020, c’est que je crois vraiment qu’on a démontré notre utilité sociale, économique et je dirais même au-delà c’est plus que de l’utilité, c’est aujourd’hui un service qui est critique, qui est vital dans la vie des sociétés modernes et on le savait déjà mais je pense que vraiment 2020 l’a démontré. Face à cette exigence, je crois que l’entreprise a remarquablement réagi, d’abord parce qu’elle a été très mobilisée dans toutes ses composantes et partout dans le monde. Elle a été très agile aussi, elle a été capable de s’adapter en quelques jours à des changements radicaux dans sa façon de fonctionner, je pense au télétravail notamment. On a eu plus de 100,000 salariés qui sont passés en télétravail en quelques jours. Et finalement au total on termine cette année avec un tableau économique qui est quand même très solide, avec un chiffre d’affaires qui est en légère augmentation, c’est symbolique mais c’est très important et finalement des améliorations très profondes, très structurelles aussi de nos métiers. Et je trouve que c’est quand même une belle satisfaction collective qu’on peut partager nous, mais aussi tous nos actionnaires autour de nous, d’avoir été capable cette année si particulière de 2020 de réaliser ces performances. Peut-être un dernier mot aussi pour évoquer la question du retour de la rémunération de nos actionnaires, j’avais dit dès l’été 2020 que mon objectif personnel et celui de l’équipe c’était de revenir le plus vite possible à une distribution de 70 centimes d’euros qui me paraît correspondre à la qualité des performances que nous faisons et au juste retour vers nos actionnaires. J’ai pu obtenir l’engagement du Board de le faire, à l’automne 2020 et puisque nous avons eu la bonne nouvelle du remboursement fiscal, nous avons même aujourd’hui la possibilité d’augmenter de 20 centimes d’euros, sous une forme exceptionnelle, ce qui fait qu’au total cette année 2020, non seulement va nous permettre de distribuer 70 centimes, finalement qui est je pense le niveau justifié par nos résultats, mais en plus même de proposer 20 centimes additionnels à nos actionnaires, ce dont je me réjouis. Donc en résumé, une année difficile bien sûr, beaucoup de défis, beaucoup de défis opérationnels, une accélération des changements, beaucoup d’opportunités aussi et une très bonne position aujourd’hui pour Orange pour relever les défis des années qui viennent et mettre en œuvre son plan stratégique de 2025.
EBM ; Stéphane Richard, Président Directeur Général d’Orange, merci beaucoup.
Stéphane Richard : Merci à vous.