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Perspectives macroéconomiques
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EuroBusinessMedia (EBM): Quelles sont aujourd’hui vos principales perspectives macroéconomiques ?
Marie-Pierre Peillon : Les perspectives macroéconomiques pour 2012 et 2013 prennent en compte la forte dégradation de l’environnement mondiale que l’on a observée au cours de ce semestre, avec un point bas atteint au quatrième trimestre de 2012. En ce qui concerne les Etats-Unis, nous avons eu des bonnes nouvelles, une bonne nouvelle concernant le marché de l’immobilier où là il y a eu un réel redémarrage, par contre des plus mauvaises nouvelles, cette fois-ci concernant le marché de l’emploi qui est de nouveau en panne de création d’emploi. Les Etats-Unis sont également touchés par le ralentissement de la zone euro. Donc nous anticipons pour 2012 notamment une croissance molle sur les Etats-Unis. La Chine, elle, est également touchée par le ralentissement observé en zone euro, donc le gouvernement Chinois a mis en place un mini plan de relance, qui n’a rien à voir avec celui de 2008, mais cela permettra d’avoir, selon nous, un « soft landing » pour l’année 2012 et 2013. Evidemment les dangers se situent, bien sûr, en zone euro, avec un point d’attention particulier sur l’Italie et l’Espagne qui là, effectivement, affichent des résultats que l’on peut dire catastrophiques, aussi bien en termes d’investissement, en termes de consommation des ménages, en termes de marché de l’emploi. Là nous sommes relativement pessimistes puisque nous anticipons, pour la zone euro, aussi bien en 2012 qu’en 2013, une récession.
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Crise de la dette européenne
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EBM : Les risques liés à la crise de la dette européenne vous paraissent-ils en bonne voie aujourd’hui d’être maîtrisés ?
Marie-Pierre Peillon : Notre scénario centrale repose sur l’idée que les politiques européens accepteront de repousser les ajustements budgétaires demandés au pays européens. Ca c’est absolument indispensable pour résoudre la crise de la zone euro, ce qui signifie que le sommet du 28 juin a été un premier pas puisqu’il a commencé à instaurer une partie de l’union bancaire. Il faut aller encore un cran plus loin dans l’union bancaire mais il faut aussi parler d’intégration budgétaire et d’un plan de croissance beaucoup plus dynamique. C’est en ce sens que nous pensons que les risques pourraient être complétement dissipés, sinon on risque de revenir à un enlisement de la crise en zone euro. Mais il ne faut pas oublier également que nous avons un risque aux Etats-Unis que l’on appelle aujourd’hui « le mur fiscal ». En effet, un accord doit être trouvé entre le gouvernement américain nouvellement élu et le congrès, sur les mesures de restriction budgétaire d’ici la fin de l’année. On parle d’un montant de $500 milliards, ce qui représente 3.5% du PIB américain. Donc là encore, dans notre scénario, nous considérons que cet accord sera bel et bien signé entre les deux parties pour que cela puisse soutenir la croissance américaine, puis mondiale.
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Banques centrales
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EBM : Vous pointez le rôle des politiques dans la résolution de la crise actuelle, mais quid du rôle des autorités monétaires ?
Marie-Pierre Peillon : Nous considérons que nous resterons dans des politiques monétaires très accommodantes aussi bien du coté de la FED que du côté de la BCE avec encore une baisse des taux sur la BCE de 0.25 BP, peut-être une monétisation de la dette - mais ça c’est pas encore gagné - et puis surtout, ce qu’il faut quand même mettre en avance, c’est que la politique monétaire a beaucoup joué aujourd’hui dans la résolution de la crise mais qu’il faut quand même maintenant, comme ne cesse de répéter Mr. Dragui, que les politiques, eux aussi, fassent leur travail.
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Obligations souveraines européennes
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EBM : Quelles sont vos vues de marché aujourd’hui sur les obligations souveraines européennes ?
Gaëlle Malléjac : La manque de visibilité jusqu’à une intervention beaucoup plus décisive des autorités européennes favorise le maintient des taux, notamment des pays « core », l’Allemagne principalement, sur de bas niveaux, c’est-à-dire autour des niveaux de marché auxquels ils évoluent en ce moment. Du côté des dettes périphériques, la pression sur les primes de risque de ces pays devraient continuer de se maintenir, principalement dû à leur niveau de notation et principalement sur l’Espagne, qui est aux portes de la catégorie spéculative. Notre préférence va donc pour les pays « semi-core », c'est-à-dire ceux qui offrent un excès de rendement plutôt attractif par rapport à la dette allemande mais qui sont dans une catégorie de notation qui reste élevée.
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Crédit
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EBM : Quelles sont vos vues sur la classe d’actifs crédit?
Gaëlle Malléjac : Sur le crédit nous restons prudents d’un point de vue général, mais cela masque en fait deux points de vue très, très différenciés en fonction de la provenance géographique des émetteurs. Nous favorisons les émetteurs en provenance des pays « core », des pays plutôt du nord de l’Europe, indépendamment un petit peu de leur appartenance sectorielle, donc sans préférence entre les dettes industrielles et les dettes financières. Et nous restons très prudents et plutôt très pondérés sur les émetteurs privés en provenance des pays périphériques dans ce contexte de crise souveraine.
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Actions
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EBM : Quelles sont vos vues sur la classe d’actifs actions?
Claire Chaves D’Oliveira : Sur les marchés actions on craint qu’une crise ne remplace l’autre et on a l’impression qu’après la crise de la dette dans laquelle on s’enfonce depuis un an et demi, on commence à voir apparaître, de façon significative, la matérialisation du ralentissement économique mondial dans les résultats des entreprises. Et c’est des inquiétudes qu’on voit depuis le deuxième trimestre, de façon assez forte, et qui se matérialisent très fortement au mois de juin avec une avalanche de profit warnings au mois de juin et début juillet et ce dans tous les secteurs et dans tous les pays. Aux Etats-Unis comme en Europe, dans les secteurs de consommation comme les secteurs industriels et pour des clientèles qui sont en Europe, en zone euro comme en Chine où aux Etats-Unis. Et comme c’est l’essentiel des marchés actions – bien sûr c’est le cœur du métier – cela va avoir un effet assez désagréable pour les marchés actions pour lesquels les résultats des entreprises ne seront plus un soutient alors que cela l’était depuis déjà plusieurs mois.
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Secteurs
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EBM : Dans ce contexte, quelles sont vos perspectives sectorielles ?
Claire Chaves D’Oliveira : D’un point vue sectorielle on est un peu embêté parce que finalement sur les marchés actions en ce moment les valeurs les plus cycliques font peur puisqu’elles sont exposées au premier plan au ralentissement mondial, et donc elles subissent les avertissements sur des résultats de plein fouet, et les valeurs très défensives sont très, très chères. En ce moment, on n’a jamais vu autant d’écart entre les valeurs les plus défensives, donc les plus chères, et les valeurs les plus cycliques, les moins chères, ou à l’anglo-saxonne ce qu’on appelle la « value » contre la « growth ». Il n’y a jamais eu autant d’écart de valorisation entre les valeurs de croissance chères et les valeurs cycliques pas chères. Donc on est un peu embêté entre les deux parce qu’évidemment on n’a pas envie de trop s’exposer aux cycles en plein ralentissement alors qu’on a un scénario qui est quand même assez noir. Et on n’a pas envie d’aller non plus chercher les valeurs plus chères. Donc on fait notre marché dans les secteurs entre les deux. On va chercher des valeurs pharmaceutiques, par exemple, qui ont le même profil de croissance que le secteur agro-alimentaire mais qui sont moins chères ou certaines valeurs technologiques ou le secteur des services aux entreprises où il y a beaucoup de très belles valeurs qui ont un profil de croissance tout à fait satisfaisant.