EuroBusinessMedia (EBM) : Sanofi, leader mondial et diversifié de la santé, publie aujourd’hui ses résultats du deuxième trimestre 2013. Chris Viehbacher, bonjour. Vous êtes le Directeur Général de Sanofi. Comment voyez-vous la performance du Groupe au deuxième trimestre 2013, qui montre, à première vue, des chiffres décevants ?
Chris Viehbacher : Soyons francs : j’estime que c’est un trimestre frustrant. Frustrant, parce que dans les faits, beaucoup de choses vont très bien. Je suis ravi de la performance de notre division Diabète ; de son côté, Genzyme progresse encore (0 virgule) de plus de 25%. La performance de nombreux Marchés Émergents est excellente et ce qui me satisfait le plus dans l’évolution du groupe, c’est que d’excellentes nouvelles nous parviennent de notre portefeuille de R&D. En même temps nous avons observé, ce trimestre, des performances moindres dans certaines activités ainsi que des contretemps, alors que le point de comparaison avec l’exercice précédent est défavorable. Ce 2e trimestre est le dernier qui puisse se comparer à un trimestre ayant enregistré, au moins partiellement (virgule) des ventes de Plavix®. Plavix® pèse sur le bénéfice par action à hauteur de 18 cents environ, soit +/-230 millions d’euros. Soit un total de 795 millions d’euros perdus du fait de la disparition des ventes de Plavix® depuis l’année dernière. Bien sûr, c’est conforme à nos prévisions : nous avions annoncé (virgule) en début d’année (virgule) un chiffre proche de 800 millions d’euros. L’activité Santé animale est en sous-performance, elle souffre d’une concurrence générique accrue sur notre produit phare Frontline®, et aussi des conditions climatiques défavorables. Le printemps, à la fois froid et humide, s’est traduit par un recul des ventes de produits contre les puces et les tiques. Moindre performance également au Japon, où les autorités ont décidé d’encourager l’utilisation des génériques. Les ventes d’Allegra® et de Myslee® (aussi appelé Stilnox® ou Ambien®) en ont souffert. Et enfin, nous avons dû régler des problèmes au Brésil. Nous avions des stocks excessifs dans nos canaux de distribution : nous avons dû comptabiliser une réduction de valeurs sur certaines de nos créances clients et déprécier des stocks qui ont été ou vont nous être retournés, soit un impact d’environ 17 cents par action. Cela dit, même si le trimestre n’est pas extraordinaire, j’estime que rien de fondamental n’a changé pour nos activités. Je reste persuadé que notre positionnement de leader dans les marchés émergents est remarquable ; notre activité Diabète se développe bien ; nous sortons de nouveaux produits ; nous venons de procéder à des lancements réussis tels qu’Aubagio®. Aujourd’hui, nous devons nous retrousser les manches et nous devrions pouvoir renouer avec la croissance au 2e semestre.
EBM : Après ce premier semestre en demi-teinte, pensez-vous renouer avec la croissance au deuxième semestre 2013 ? Quelles sont vos perspectives de croissance du BNPA des activités pour l’année 2013 ?
Chris Viehbacher : Dans l’état actuel des choses, oui, je pense que notre croissance va reprendre progressivement au 2e semestre (0 virgule) pour deux raisons essentielles : la première, c’est qu’aux 3e et 4e trimestres, nous n’aurons plus ces éléments de comparaison défavorables avec l’exercice précédent : les génériques de Plavix® ont été lancés mi-mai l’an dernier ; pour Eloxatine®, cela remonte à début août. Nous abordons donc une période où nous allons pouvoir comparer des éléments comparables. Ce qui m’amène à la deuxième raison : la performance de nos plateformes de croissance atteint 7,7% au premier semestre. C’est un peu moins qu’en 2012 (0 virgule) mais c’est très honorable vu la conjoncture, et c’est cet élan qui va nous porter. Compte tenu de notre sous-performance et de la nécessité qui est la nôtre d’assainir la situation au Brésil, nous ne pourrons pas compenser le retard pris au premier semestre, ce qui nous amènera à revoir à la baisse nos prévisions pour l’exercice. Nous prévoyons aujourd’hui un recul de 7 à 10% de notre BNPA, à taux de changes constants.
EBM : Quel sera l’impact de cette guidance révisée sur votre politique de rémunération de l’actionnaire ?
Chris Viehbacher : Nous maintenons notre politique qui consiste à trouver le moyen de rémunérer nos actionnaires, soit par des rachats d’actions, soit par le biais de dividendes. Le dividende a été et restera un élément essentiel de valorisation du titre. Nous nous sommes fixé pour objectif pour 2013 un dividende égal à 50% du BNPA et nous maintenons cet engagement. De même, nous avons toujours affirmé vouloir procéder à des rachats d’actions opportunistes et c’est ce que nous avons fait avec le rachat de 890 millions d’euros d’actions au 1er semestre. C’est plus que ce que nous avions racheté sur toute l’année 2012. Nous entendons maintenir un endettement net minimum d’environ 10 milliards d’euros, soit approximativement notre situation à fin juin et nous continuerons d’y être attentifs au cours des prochaines années., Par conséquent, le résultat de l’année n’a pas d’incidence sur les perspectives à long terme de la société et n’en a donc pas, a fortiori, sur notre politique de rémunération des actionnaires.
EBM : Quels espoirs mettez-vous dans votre portefeuille Diabète au vu des derniers résultats de votre nouvelle insuline expérimentale U300 et des difficultés récemment rencontrées par vos concurrents ?
Chris Viehbacher : Au sujet des résultats actuels, il y a de quoi être très satisfaits. Nous en sommes à notre dixième trimestre consécutif de croissance à deux chiffres. Notre activité Diabète progresse de plus de 16%, Lantus® de plus de 17 et la transition vers SoloSTAR® dépasse maintenant les 56% aux États-Unis, ce qui donne une très forte performance. Nous espérons qu’elle se maintiendra, ce qui devrait être le cas, compte tenu du retard encouru par degludec. Apidra® progresse de 25%, en net rebond après quelques limitations de nos livraisons. Notre nouvelle génération de produits est en bonne voie comme le montre notamment le lancement de Lyxumia®. L’Allemagne est le premier pays dans lequel nous avons lancé ce produit ; après 18 semaines, nous avons obtenu une part de marché très satisfaisante, d’environ 10%. Nous avons également lancé Lyxumia® au Royaume-Uni et allons le lancer progressivement dans d’autres pays d’Europe. Le lancement au Japon a également eu lieu. Pouvoir lancer un produit au Japon avant les États-Unis est très inhabituel, mais c’est une excellente occasion d’assurer à Lyxumia® un lancement mondial. Et enfin, le dossier est entre les mains de la FDA et leur décision est prévue pour le quatrième trimestre. Autrement dit, le lancement de Lyxumia® est en bonne voie. Et puis il y a notre insuline de nouvelle génération, une nouvelle insuline expérimentale particulièrement prometteuse qui présente un profil beaucoup plus régulier et prolongé, avec une réelle couverture sur 24h : il s’agit là de notre prochaine source de croissance pour les années 2015 et suivantes. Autant dire que nous attendons avec impatience la nouvelle vague de croissance qu’amènera l’U300.
EBM : La progression de votre activité Vaccins a connu quelques retards de production. Sont-ils résolus ?
Chris Viehbacher : En matière de vaccins, les comparaisons d’un trimestre à l’autre sont souvent difficiles pour des raisons de saisonnalité. Les ventes de vaccins antigrippaux concernent l’hémisphère Sud au premier semestre et l’hémisphère Nord au deuxième. Considérons le premier semestre dans son ensemble : les ventes ont progressé de 7%. Cette année, nous avons enregistré davantage de ventes au premier trimestre qu’au deuxième alors que c’était exactement l’inverse l’an dernier. La performance trimestre par trimestre n’a donc pas vraiment de sens. Menactra® a également souffert du calendrier de commandes publiques. Aujourd’hui, nous connaissons quelques limitations d’approvisionnement pour Pentacel®, comme nous l’avions déjà annoncé mais prévoyons un retour progressif à la normale au cours du second semestre. Entretemps, les ventes de Pentaxim®, particulièrement dans les marchés émergents, ont compensé le recul des ventes de Pentacel®.
EBM : Est-il vrai que Genzyme gagne des parts de marché sur ses concurrents dans le domaine des maladies rares ? Êtes-vous satisfait des progrès réalisés dans l’univers de la sclérose en plaques ?
Chris Viehbacher : Genzyme se développe extrêmement bien : c’est particulièrement gratifiant. L’an dernier, nous parvenions à rétablir la production à sa pleine capacité. Aujourd’hui, nous voyons comment Genzyme prend son rythme de croisière, enregistrant, par rapport à la concurrence, une remarquable performance. Progression de plus de 17% pour les Maladies Rares, 18% pour Cerezyme®, 28% pour Fabrazyme®, 15% pour Myozyme® : ces très belles progressions confirment à quel point la marque Genzyme et son approche centrée sur le patient sont des atouts importants, elles nous montrent aussi qu’elle n’a pas souffert des problèmes de production du passé. Une performance remarquable donc. Mon autre sujet de satisfaction est le lancement de nouveaux produits contre la sclérose en plaques. Lorsque nous avons intégré Genzyme, je tenais à y mettre l’activité sclérose en plaques en raison de cette forte « approche patient », car la sclérose en plaques est justement une maladie qui nécessite de prendre particulièrement en compte les besoins du patient, ce qui est exactement l’un des points forts de Genzyme. Et aujourd’hui, ce que nous observons sur le marché de la sclérose en plaques est une véritable révolution. Il y a un an, je vous aurais dit que les interférons couvraient 80% du marché et que Tysabri, avec Gilenya®, unique produit à prise orale à l’époque, couvraient les 20% restants ®. Suite à Gilenya®, nous avons lancé Aubagio®, Biogen Idec a lancé un autre produit, et pour la première fois, le monopole des interférons est remis en cause. Aujourd’hui, environ un tiers des nouveaux patients a recours aux produits à prise orale. C’est un changement inédit sur ce marché, du jamais vu depuis une décennie. Aubagio® se développe extrêmement bien, mieux que prévu. L’un des principaux atouts d’Aubagio® réside dans son excellent profil d’innocuité. Il faut savoir que lorsqu’un patient passe à la thérapie par voie orale, sa priorité est l’efficacité. Mais, et, surtout en début de traitement, il ne transige pas sur la notion de sécurité ; et d’ailleurs, les médecins sont également naturellement prudents avec les nouveaux médicaments. Le profil de sécurité d’Aubagio® est ce qui lui permet d’avoir une bonne image auprès des patients . La concurrence avec Gilenya® et Tecfidera™ est rude mais Aubagio® s’en sort très bien. Nous sommes aussi sur le point de lancer Lemtrada™. Nous avons obtenu l’avis positif du CHMP pour à la fois Aubagio® et Lemtrada™ en Europe. Nous allons donc assister à leur mise en place progressive en Europe, et nous attendons également cette année la décision de la FDA sur Lemtrada™.
EBM Qu’en est-il de la croissance de votre division Santé animale ? À quel degré de concurrence est confronté votre principal produit de santé animale, Frontline® ?
Chris Viehbacher : Cela fait maintenant quatre ans que Frontline® n’est plus protégé par un brevet. L’équipe n’a pas ménagé ses efforts pour maintenir ses parts de marché face à la forte concurrence des génériques et des marques de distributeurs. Je pense que Merial s’est très bien défendu sur ce secteur. La concurrence s’est encore intensifiée cette année, et les chiffres s’en ressentent. Le chiffre d'affaires de Merial recule de 5,7% au cours du trimestre. La météo a joué également son rôle. L’Amérique du Nord, et surtout le secteur Nord-Est, a connu un printemps froid et humide et les effets se sont fait sentir dans plusieurs secteurs et pas seulement celui de la Santé animale. Nous maintenons une excellente performance dans les marchés émergents, qui concernent surtout le segment animaux de production, en croissance à deux chiffres. Pour l’instant, le recul de la croissance s’explique essentiellement par la concurrence accrue dont souffre Frontline®. Heureusement, notre activité de Recherche & Développement a été très efficace, et nous espérons lancer un successeur à Frontline® à temps pour la prochaine saison des puces et des tiques.
EBM : Quelle est votre progression dans les Marchés émergents ?
Chris Viehbacher : Nous nous avons dû mettre de l’ordre dans notre activité de génériques au Brésil, ce qui a pesé sur notre croissance. Mais en dehors de cela, la croissance des Marchés Émergents atteint 5,3% au deuxième trimestre. Je reste persuadé que les Marchés Émergents sont l’une des plus belles opportunités de croissance pour notre secteur, et aucune autre société n’est mieux positionnée que Sanofi pour en tirer profit. Nous avons enregistré une croissance à deux chiffres chez Genzyme, dans notre division Diabète, dans la Santé animale et dans la division Vaccins. Nous avons réalisé une croissance à deux chiffres à la fois en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. Autrement dit, ceux qui craignent un ralentissement lié à une plus faible croissance du PIB se trompent. Notre cible englobe les classes moyennes émergentes, celles dont l’expansion et l’émergence n’est pas directement liée à la croissance macroéconomique générale. Je pense que, même en cas de ralentissement de la croissance macroéconomique, les opportunités restent importantes et nous allons continuer à investir significativement dans ce sens.
EBM Maintenant que la falaise brevetaire est derrière vous, quels sont les produits qui vont alimenter votre croissance à l’avenir ? Quelles nouveautés pouvons-nous attendre de votre portefeuille au deuxième semestre ?
Chris Viehbacher : L’évolution de notre portefeuille de R&D me satisfait pleinement. Il y a quatre ans, nous n’avions pas de portefeuille R&D. En très peu de temps, nous avons pu l’étoffer considérablement. Plusieurs de nos nouveaux projets obtiennent des résultats de Phase III, des autorisations de mise sur le marché, ou alors sont en phase de lancement. Le trimestre qui vient de se terminer a été particulièrement riche à ce sujet : ainsi, en Europe, nous avons obtenu l’avis positif du CHMP pour Aubagio® et Lemtrada™. Nous avons présenté les résultats d’études de Phase III sur U300 au congrès de l’ADA. Nous avons également présenté les résultats des études de Phase III pour notre inhibiteur de JAK2. Nous sommes sur le point de lancer les études de Phase III pour notre vaccin C. Difficile. Le flux de nouveautés est soutenu et il va le rester. Nous attendons des données complémentaires de notre programme de Phase III sur notre anticorps anti-PCSK9. Nous serons en mesure de soumettre notre demande de mise sur le marché pour notre inhibiteur de JAK2 vers la fin de l’année. Tout bien considéré, cela fait 15 à 16 nouveaux produits à lancer d’ici 2016. Nous voyons donc beaucoup de ces produits émerger. Autant dire que ce que je vois en Recherche me réjouit. Nous venons de mettre en place une toute nouvelle équipe qui regroupe nos 25 meilleurs spécialistes en R&D. Plus de la moitié d’entre eux n’a rejoint le groupe qu’au cours des 18 derniers mois. Nous avons réussi à attirer des talents expérimentés en biotechnologies. Je pense que nous avons abordé quelques nouveaux domaines scientifiques intéressants. Nous avons su privilégier la rigueur et la qualité de l’approche scientifique. Dans ces conditions, rencontrer nos équipes de recherche pour passer en revue leurs projets est un très grand plaisir. Je suis ravi de voir que malgré nos excellentes plateformes de croissance, nous n’avons pas oublié l’importance de l’innovation et que nous assisterons bientôt au lancement progressif de nouveaux produits, dès cette année et pour les années à venir.
EBM : Avant de nous quitter, voudriez-vous ajouter quelque chose ?
Chris Viehbacher : Personnellement, je serai très heureux de ne plus être confronté aux points de comparaison avec Plavix® et Eloxatine®. Cela fait quatre ans que nous parlons de falaise brevetaire. Le prochain trimestre sera le premier à véritablement franchir la falaise. Je suis également très enthousiaste face à la composition de notre nouvelle équipe de direction. Nous avons mis en place une équipe commerciale extrêmement forte. David Meeker, le patron de Genzyme, a été nommé au Comité exécutif. Nous avons recruté une personnalité extérieure, Pascale Witz, pour superviser les aspects stratégiques de notre développement commercial et nos divisions. Elle prendra en charge les divisions Diabète, Oncologie et Santé Grand Public, et sera également chargée de mener à bien le lancement de tous ces nouveaux produits. Peter Guenter est un manager extrêmement expérimenté, avec une grande expérience de management dans les six régions du globe. Nous avons également convaincu Carsten Hellmann de nous rejoindre et de prendre la tête de l’activité Santé animale. Je le répète, la division Santé animale est sur le point d’entrer dans une nouvelle phase de croissance grâce au lancement de nouveaux produits. Bref, nous voici avec un Comité exécutif renouvelé, particulièrement motivé pour ramener le groupe sur la voie de la croissance, pour oublier définitivement la falaise brevetaire, multiplier les progrès en R&D et pour lancer de nouveaux produits sur le marché.
EBM : Chris Viehbacher, Directeur Général de Sanofi, merci beaucoup.
Chris Viehbacher : Merci à vous.