EuroBusiness Media (EBM) : Sanofi, leader mondial et diversifié de la santé, publie aujourd’hui ses résultats du troisième trimestre 2012. Jérôme Contamine, bonjour. Vous êtes le Directeur financier de Sanofi. Quels commentaires vous inspire le résultat du Groupe au troisième trimestre ? Le BPA non corrigé s’inscrit en recul sous l’influence de la falaise brevetaire. Pouvez-vous recadrer cette information pour nous aider à la replacer dans un contexte plus large ?
Jérôme Contamine : Bien sûr. La perte de l’exclusivité d’Eloxatine® aux États-Unis est un tournant décisif dans l’histoire récente de Sanofi. Désormais, nos anciens produits phares subissent tous la concurrence des génériques. Cette situation se traduit par une légère progression du chiffre d'affaires (+3,3 %) : ainsi, pour la première fois, les ventes dépassent 9 milliards d’euros au cours de change publié, même si elles reculent légèrement (-3,1 %) à change constant. D’un côté, la concurrence des génériques nous prive de 448 millions d’euros de chiffre d'affaires. Mais simultanément, nos plateformes de croissance progressent de 6,4 %, représentant désormais plus de 70 % de notre chiffre d'affaires. Au cours du trimestre, nous avons également géré rigoureusement nos coûts pour limiter l’impact de l’expiration des brevets et de la falaise brevetaire sur notre BNPA. C’est ainsi que notre BNPA a reculé de 14,5 % au cours du trimestre. Compte tenu de la performance réalisée sur 9 mois, nous avons ajusté notre guidance pour 2012. Nous prévoyons maintenant un recul proche de la limite haute de la fourchette 12-15 %, à savoir approximativement -12 % pour l’exercice à change constant, sauf événement défavorable imprévu.
EBM : Pouvez-vous décrire la performance de Lantus® et vos projets d’expansion de la franchise Diabète ?
Jérôme Contamine : L’activité de notre franchise Diabète enregistre une excellente évolution, affichant pour le 7e trimestre consécutif une croissance à deux chiffres (+17,5 %). C’est avant tout Lantus® qui réalise une excellente performance, avec une croissance supérieure à 20 %, surtout aux États-Unis et dans les marchés émergents. En Europe, nous avons déposé un dossier d’agrément en Europe pour Lyxumia®, notre molécule GLP-1, et nous prévoyons une décision du CHMP avant la fin de l’année. D’ici là, nous déposerons le même dossier aux États-Unis en y joignant des données relatives à une étude de mortalité et morbidité d’origine cardiovasculaire. Nous étudions également la possibilité de combiner Lyxumia® et Lantus® dans un même dispositif unique. Notre nouvelle formule de glargine est actuellement en phase III avec six essais cliniques en cours. Nous avons eu l’occasion d’observer un profil PK/PD différent, promesse d'un nouvel effet intéressant de cette formulation. Enfin, nous continuons de développer notre offre de dispositifs. Ainsi, depuis ce trimestre, AllStar™ est disponible en Inde. C’est le premier dispositif produit en Inde pour un groupe international.
EBM : Quels progrès avez-vous enregistrés dans la lutte contre la sclérose en plaques, depuis le récent enregistrement du traitement à prise orale Aubagio® aux États-Unis et le statut du dossier d’enregistrement d’un autre de vos produits, également aux États-Unis ?
Jérôme Contamine : Vous avez raison. Nous avons franchi au T3 une étape importante avec l’approbation par la FDA d’Aubagio®, un traitement oral de la sclérose en plaques destiné aux patients souffrant de rechutes fréquentes. Aubagio® est un médicament en une seule prise orale par jour, le seul à réduire de manière significative l’invalidité, dans deux essais cliniques distincts. Avantage supplémentaire : ce médicament est plus facile à prendre que certaines formules concurrentes, injectables. Le lancement d’Aubagio® aux États-Unis a commencé en octobre, sous l’impulsion d’une force commerciale récemment recrutée par Genzyme. Quant à Lemtrada™, la resoumission du dossier d’enregistrement actualisé est en bonne voie, et nous reviendrons sur ce point dès que la FDA aura accepté le dossier d’enregistrement. Fait important, nous allons divulguer dans quelques semaines le résultat complet de deux études majeures, CARE-MS I et CARE-MS II, dans une revue scientifique des plus sérieuses, dotée d’un comité de lecture.
EBM : Quels sont vos progrès dans les produits de l’activité Maladies rares chez Genzyme ?
Jérôme Contamine : Très franchement, depuis notre acquisition de Genzyme début 2011, l’évolution de cette société est une source de grande satisfaction. Le chiffre d'affaires de la société progresse de plus de 20 % au cours du trimestre, principalement grâce au redressement de Fabrazyme®. Fabrazyme® bénéficie bien évidemment du fait de l’approvisionnement provenant de la nouvelle usine de Framingham, mais aussi du retrait du dossier de Replagal® BLA aux États-Unis par le groupe Shire. Ainsi, au T3, les ventes de Fabrazyme® atteignent 87 millions d’euros contre seulement 32 millions d’euros il y a un an. Depuis le début de l’année, la croissance du chiffre d'affaires de l’activité Maladies rares de Genzyme dépasse 15 %.
EBM : Le T3 est généralement un excellent trimestre pour les vaccins saisonniers contre la grippe. Qu’en est-il de l’activité vaccins pour le trimestre ?
Jérôme Contamine : Les ventes de vaccins pour le trimestre atteignent environ 1,5 milliard d’euros, en léger progrès par rapport à l’année précédente. Ce chiffre reflète une bonne croissance sous-jacente, notamment due au lancement d’Imovax® au Japon, pour un chiffre d'affaires de 65 millions d’euros depuis le lancement. Ce chiffre reflète également la chute des livraisons de Pentacel® aux États-Unis, de même qu’une fluctuation saisonnière - et habituelle - des ventes de nos vaccins antigrippaux dans l’hémisphère nord. Ainsi, cette année, nous avons vendu moins de vaccins antigrippaux au cours du T3 que l’an dernier, mais comme l’an dernier, nous comptons vendre plus de 60 millions de doses au cours de la saison. Nous nous attendons donc à un léger glissement des ventes du T3 au T4 2012 par rapport à 2011. En termes de nouveaux vaccins, la FDA a accepté un dossier d’enregistrement pour notre nouvelle formulation quadrivalente de notre vaccin Fluzone®. De même, notre joint-venture Sanofi Pasteur MSD, en Europe, a déjà déposé un dossier d’enregistrement d’un nouveau vaccin hexavalent qui sera disponible en Europe l’an prochain.
EBM : Les mesures d’austérité prises en Europe ont-elles une incidence sensible sur Sanofi ?
Jérôme Contamine : Disons qu’au T3, les mesures d’austérité prises en Europe continuent d’avoir une incidence sur l’ensemble du secteur pharmaceutique européen. On pourrait même dire que cette incidence a été quelque peu plus intense dans les pays d’Europe méridionale. Heureusement, Sanofi se prépare depuis plusieurs années à cette évolution, et de plusieurs manières :
a) plusieurs acquisitions et le développement de nos activités nous ont permis de réduire notre dépendance à l’égard de l’Europe occidentale, grâce à une expansion aux États-Unis et sur les marchés émergents. Ainsi, la quote-part du chiffre d'affaires que nous réalisons en Europe occidentale ne représente plus que 22,6 % au T3 2012, contre 33,0 % il y a trois ans.
b) nous diversifions notre présence en Europe en mettant davantage l’accent sur les médicaments sans prescription ou sur ceux qui ne sont pas remboursés par les organismes de sécurité sociale, dans la santé grand public, la santé animale et même les vaccins, qui ne sont certainement pas de petites molécules administrées sous forme orale.
Enfin, c) nous continuons d’étoffer nos plateformes de croissance en Europe. Par exemple, au T3, nos ventes en Diabète progressent de plus de 7 %, celles de Genzyme en Maladies rares progressent de 21,4 % au cours du trimestre. Nos actionnaires serons aussi satisfaits d’apprendre que nous avons sensiblement réduit les encours de créances au bilan en Europe au cours de l’année, réduisant ainsi notre exposition au risque européen.
EBM : Vous organisez en novembre prochain un séminaire « Relations investisseurs » relatif à l’Amérique latine. En attendant de découvrir vos perspectives sur cette région, qu’en est-il de la performance des marchés émergents au T3 ?
Jérôme Contamine : Les Marchés émergents restent un excellent moteur de croissance pour le groupe. Au troisième trimestre, notre chiffre d'affaires y atteint 2,8 milliards d’euros (+6,8 %) et nos plateformes de croissance y enregistrent une croissance supérieure à 10 %, comme par exemple les divisions Diabète (+26,5 %) ou Santé grand public (+16,1 %). Rien que les quatre pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) représentent désormais 1 milliard d’euros de chiffre d'affaires, en croissance à deux chiffres. De même, l’Amérique et l’Asie maintiennent une forte croissance proche de 10 %. Vous aurez noté, en octobre, l’annonce de la signature du contrat d’acquisition de Genfar, société pharmaceutique colombienne leader dans son pays et dans d’autres pays de la région. Cette acquisition renforcera la position de Sanofi en Amérique latine et augmentera la gamme de produits et de médicaments - de médicaments à prix abordable - qui seront mis à la disposition du marché latino-américain.
EBM : Pour conclure, pouvez-vous nous donner quelques détails sur vos derniers lancements de produits ou sur votre activité de R&D ?
Jérôme Contamine : Notre portefeuille de produits en recherche continue de s’étoffer. Au T3, nous aurons vu trois homologations de produits par la FDA : Aubagio®, notre traitement contre la Sclérose en plaques, Zalstrap® contre le cancer colorectal métastatique, et le dispositif Auvi-Q™ pour les patients atteints d’allergies dangereuses. Deux nouvelles indications de Plavix® ont été approuvées au Japon. LA division Vaccins a fait homologuer deux vaccins, l’un aux États-Unis et l’autre en Europe. Aux États-
Unis, nous avons déposé une demande d’homologation pour Fluzone Quadrivalent®, et en Europe, notre joint-venture a fait de même pour un nouveau vaccin pédiatrique hexavalent. Nous avons lancé plusieurs nouvelles études de phase III importantes, dont un pour notre nouvelle formulation glargine et un autre pour notre anticorps anti-PCSK9. Cette molécule, qui a toutes les chances de devenir la première de sa catégorie, avec un potentiel considérable, pourrait aider des millions de patients souffrant aujourd’hui de niveaux de cholestérol incontrôlés. Enfin, eliglustat, un nouveau composé oral destiné au traitement de la maladie de Gaucher, a atteint un premier jalon au terme de l’étude de phase III ENGAGE. Ainsi, fin octobre, nous disposons de 65 nouvelles molécules en phase de développement, dont 17 sont soit en phase III, soit au stade du dépôt d’une demande d’enregistrement.
EBM : Jérôme Contamine, CFO de Sanofi, merci beaucoup.
Jérôme Contamine : Merci, Adrian.