EuroBusiness Media (EBM) : Le Groupe BNP Paribas, une des plus grandes banques d’Europe, publie ses résultats du troisième trimestre 2012. Jean-Laurent Bonnafé, bonjour et bienvenue, vous êtes Administrateur Directeur Général de BNP Paribas. Quels sont vos commentaires sur les résultats du Groupe pour le troisième trimestre ?
Jean-Laurent Bonnafé : Au troisième trimestre, BNP Paribas a réalisé des résultats solides, en net rebond par rapport à un troisième trimestre 2011 qui avait été marqué par la crise de la dette souveraine.
Le résultat net part du Groupe atteint 1,3 milliard d’euros, ou plus exactement 1,6 milliard d’euros si l’on élimine les éléments exceptionnels. En cumulé sur 9 mois, le résultat net dépasse légèrement 6 milliards d’euros, preuve de la capacité bénéficiaire de BNP Paribas, même dans une conjoncture difficile.
Le PNB des pôles opérationnels progresse de 8,4 %, avec une croissance dans tous les pôles : Retail Banking (+1,3 %), Investment Solutions (+3,7 %) et CIB (+33,2 %), CIB bénéficiant du rebond observé sur les marchés ce trimestre et se comparant à un troisième trimestre 2011 qui avait subi l’impact de la crise des marchés. Notre bonne maîtrise des coûts est confirmée sur l’ensemble des activités. En outre, malgré un environnement économique de plus en plus difficile, le coût du risque reste encore faible à 55 points de base de l’encours des prêts à la clientèle.
BNP Paribas continue à développer activement sa base de dépôts, avec une progression de 8 % par rapport à 2011 dans le pôle Retail Banking, et de 5 % dans le pôle Domestic Markets. Le pôle CIB a également développé activement sa collecte, avec une augmentation de 9 milliards d’euros des dépôts du Corporate Banking depuis le début de l’année.
Au troisième trimestre, nous avons achevé notre plan d’adaptation, qui a permis de renforcer sensiblement nos ratios de solvabilité. Notre ratio Common Equity Tier 1 atteint désormais un niveau élevé de 9,5 % selon la norme Bâle 3 « fully loaded », ce qui correspond à 11,4 % sous Bâle 2.5.
Une fois de plus, BNP Paribas a réussi à augmenter son actif net comptable par action, qui se monte à plus de 60 euros à fin septembre, tandis que son actif net comptable tangible par action atteint pratiquement 50 euros. Ceci démontre la forte capacité du Groupe à créer de la valeur pour l’actionnaire.
EBM : La croissance des revenus du pôle Domestic Markets semble ralentir. Faut-il s’en inquiéter ? Pensez-vous être en mesure d’y faire face ?
Jean-Laurent Bonnafé : Pour le pôle Domestic Markets, le niveau bas des taux d’intérêts et le ralentissement de la demande de crédit pèsent sur les revenus, même si les marges se tiennent plutôt bien. Dans ce contexte, BNP Paribas adapte constamment son offre pour répondre, encore mieux, aux besoins de ses clients, et multiplie les initiatives commerciales dans tous les réseaux qui forment Domestic Markets.
L’une de ces initiatives, One Bank for Corporates, lancée début 2011 sur nos quatre marchés, a permis l’ouverture de près de 2 200 nouveaux comptes par des clients entreprises de Domestic Markets dans le réseau mondial de BNP Paribas.
De même, nous avons récemment lancé pour les clients particuliers l’offre Priority, qui rencontre un franc succès. En France et en Belgique, où ce service a été lancé initialement, 200 000 clients ont déjà adhéré à cette offre.
En parallèle, le groupe met en œuvre des mesures de maîtrise des coûts dans tous ses marchés, améliorant sans relâche son efficacité opérationnelle. De fait, depuis le début de l’année, le coefficient d’exploitation a été amélioré de 0,30 point de pourcentage en France, 1,8 point en Italie et 2 points en Belgique.
Ainsi, grâce à son dynamisme commercial et à une maîtrise rigoureuse des coûts, le Groupe entend, en dépit de la conjoncture, accroître encore son efficacité opérationnelle sur ses Marchés Domestiques en 2012. Combinés avec la qualité reconnue de notre contrôle des risques, ces efforts nous permettront de traverser avec succès la conjoncture actuelle.
EBM : Pouvez-vous commenter l’activité du pôle CIB au troisième trimestre ? Votre pôle Capital Markets a-t-il tiré profit du rebond des marchés financiers ? Enfin où en êtes-vous de la mise en œuvre de votre plan d’adaptation ?
Jean-Laurent Bonnafé : Au 3e trimestre, le pôle CIB a réalisé une bonne performance, porté par un rebond des revenus de ses activités de Marchés de Capitaux. Comme je l’ai déjà indiqué, le PNB progresse de 33,2 % par rapport au troisième trimestre 2011, qui avait subi l’impact des pertes sur cessions de titres souverains.
Les revenus de la plateforme Marchés de Capitaux ont bénéficié du bon niveau d’activité en Fixed Income - particulièrement en septembre - ainsi que du rebond observé dans les métiers Actions par rapport au niveau faible observé en 2011. Fixed Income a connu une forte activité sur le marché primaire, et a dégagé de bonnes performances sur les produits de taux et de crédit. Sur les neuf premiers mois, BNP Paribas conforte sa première place dans le classement « All Bonds in Euro », et se place au septième rang mondial du classement « All International Bonds ». Le métier Actions et Conseil a enregistré une activité soutenue sur le marché Equity Linked : BNP Paribas y occupe la deuxième place pour la zone « Europe, Moyen-Orient et Afrique », avec 7 positions de bookrunner pour le seul mois de septembre.
Pour Corporate Banking, la baisse du PNB est en ligne avec le plan de réduction du bilan. Grâce aux efforts continus de nos équipes, nous avons maintenu nos positions de leader dans les crédits syndiqués en Europe, où nous occupons la première place en nombre d’opérations et la deuxième en volume. Parallèlement, nous avons poursuivi la mise en œuvre de l’approche « Originate to Distribute », avec plusieurs dossiers majeurs notamment en Financement d’Actifs.
Nous avons continué de plus à renforcer notre plateforme Cash Management, où nous occupons le 5e rang mondial, et à développer nos capacités de collecte de dépôts, avec la mise en place de notre Corporate Deposit Line. Cette approche a été clef pour augmenter le volume des dépôts de la clientèle, qui enregistrent une progression de 5 milliards d’euros pour le seul troisième trimestre.
Concernant le plan d’adaptation de CIB, l’objectif de réduction de 45 milliards d’euros des actifs pondérés est atteint. Le coût total des cessions d’actifs a été limité à 250 millions d’euros environ, bien en deçà de nos prévisions initiales, grâce à la qualité de notre portefeuille et surtout à la mobilisation de nos équipes. Maintenant que ce cap a été franchi avec succès, CIB bénéficie d’un positionnement idéal pour repartir de l’avant.
EBM : Comment s’est comporté le pôle Investment Solutions au cours du trimestre ? En particulier, est-ce que la décollecte en assurance-vie en France constitue une véritable menace pour la progression à venir de vos commissions?
Jean-Laurent Bonnafé : Au troisième trimestre, Investment Solutions a réalisé une bonne performance d’ensemble. La progression du résultat s’explique largement par une hausse de la contribution des métiers Assurance et Securities Services. Investment Solutions clôture le trimestre sur une progression de 20 % de son bénéfice avant impôt par rapport au troisième trimestre 2011, même en corrigeant ce dernier de l’impact du provisionnement sur la dette grecque.
Les actifs sous gestion progressent à 886 milliards d’euros, sous l’effet de la reprise des marchés en août et en septembre.
En termes de collecte nette, la plateforme Wealth Management enregistre de bonnes performances tant sur nos réseaux domestiques qu’en Asie. L’Assurance connaît également une évolution favorable grâce aux apports nets de l’Asie, particulièrement à Taiwan et en Corée du Sud. Securities Services continue sur son excellente lancée, obtenant plusieurs mandats importants et poursuivant son développement aux États-Unis, en Asie et en Amérique latine.
Pour répondre au deuxième volet de votre question, il est vrai que le marché de l’assurance-vie en France continue d’enregistrer un mouvement de décollecte, mais les retraits de nos clients particuliers sont très limités par rapport au marché et, considérée globalement, l’activité d’assurance-vie de BNP Paribas affiche une collecte positive en France. De plus, au cours des 9 premiers mois, les encours ont bénéficié du redressement des marchés financiers. Enfin, comme je l’ai déjà mentionné, nous poursuivons le développement à l’international de notre activité d’assurance qui a dégagé sur les 9 premiers mois de l’exercice un résultat en progression de 6 % à périmètre constant.
EBM : La qualité des actifs reste un sujet pour les banques, particulièrement dans des pays comme l’Italie. Comment évolue le coût du risque dans vos différents métiers ?
Jean-Laurent Bonnafé : Le coût du risque du groupe reste encore à un niveau faible ce trimestre. La situation économique générale reste morose dans la zone euro, et c’est certainement le cas en Italie comme vous l’indiquez. Nous continuons néanmoins de financer nos clients, sans renoncer à notre politique rigoureuse de gestion des risques. C’est ce qui explique que notre coût du risque reste bien sous contrôle. C’est vrai en France et en Belgique, où le coût du risque est faible, mais aussi en Italie, où le coût du risque de BNL ne progresse que modérément.
Aux États-Unis, le coût du risque continue à baisser chez BancWest, tandis qu’il se stabilise chez Personal Finance après une amélioration significative.
Enfin, nous observons une augmentation modérée dans la plateforme Corporate Banking du pôle CIB, où nous avions jusqu’à présent un coût du risque pratiquement négligeable grâce à des reprises de provisions.
EBM : Depuis le plan de réduction du bilan, le refinancement du groupe est moins une question pour vous. Cependant, dans certains métiers ou régions, il est possible que vous soyez contraints de vous tourner davantage vers un financement local. Comment adaptez-vous vos entités étrangères à ces changements ?
Jean-Laurent Bonnafé : BNP Paribas bénéficie d’une bonne liquidité. Le plan d’adaptation que nous avons réalisé a également modifié significativement notre structure de financement. BNP Paribas s’est ainsi progressivement constitué un excédent de ressources stables par rapport aux besoins de financement de l’activité de clientèle, tant en euros qu’en dollars. Cet excédent a encore progressé de 19 milliards d’euros au troisième trimestre pour atteindre 71 milliards d’euros. Exprimé sous forme d’un ratio, nous sommes désormais au niveau élevé de 110 %.
Je vous rappelle également qu’en parallèle, nous avons fortement augmenté notre réserve de liquidités immédiatement disponibles. Le montant cumulé des dépôts auprès de Banques Centrales et des actifs éligibles au refinancement auprès de celles-ci atteint le chiffre considérable de 239 milliards d’euros fin septembre.
Les nouveaux textes réglementaires, qui restent encore à finaliser, devraient sans aucun doute aller vers un financement plus équilibré au niveau de chacune des entités, et c’est ce que la banque fait. Par exemple, nous avons limité le besoin de financement de BNL par le biais d’opérations de titrisation et par des émissions d’obligations « retail ». En un peu plus d’un an, ce besoin a été très sensiblement réduit, à 13 milliards d’euros à fin septembre. Ce n’est pas un problème pour le Groupe.
EBM : Le cadre réglementaire et fiscal risque de se durcir pour les banques. Ainsi, en France, certaines taxes ont été augmentées, et il est question de scinder les activités de banque d’affaires et de banque commerciale. Quelle est votre stratégie dans cette période d’incertitude ?
Jean-Laurent Bonnafé : Avant tout, je tiens à rappeler que seulement environ un quart de notre résultat avant impôt et de nos actifs pondérés en risque de crédit sont en France. Aujourd’hui, BNP Paribas est l’une des premières banques européennes, avec quatre marchés domestiques en Europe et une présence mondiale significative. De nombreux pays ont décidé d’alourdir leur fiscalité, et nos concurrents dans la zone euro, au Royaume-Uni et aux États-Unis sont aussi confrontés à ces mesures.
En matière de réglementation, j’ai déjà indiqué qu’il est important de connaître le plus rapidement possible les nouvelles règles du jeu. En tout état de cause, dans notre modèle économique centré sur le service à la clientèle, les activités qui pourraient être considérées comme spéculatives sont marginales.
Dès lors, dans cette période d’incertitude, notre stratégie est de continuer à faire ce que nous faisons le mieux : accompagner nos clients dans leurs besoins de financement, tout en adaptant notre offre à l’évolution de la conjoncture et aux attentes de la clientèle.
EBM : Vous avez réussi à rétablir la solvabilité de l’entreprise. Êtes-vous de nouveau en mesure d’inscrire la croissance externe à votre agenda ? Ou allez-vous plutôt privilégier la croissance interne et développer vos activités aux États-Unis et en Asie ?
Jean-Laurent Bonnafé : Je suis très heureux que vous me posiez cette question. Avant tout, permettez-moi de préciser que nous n’avons pas dû « rétablir » notre solvabilité, puisqu’à aucun moment la crise ne l’avait mise en péril. Nous l’avons simplement renforcée par croissance organique, et sur une période relativement courte. À 9,5 % selon la norme Bâle 3 « fully loaded », nous disposons désormais de l’un des ratios Core Tier 1 les plus élevés du marché. Pour autant il nous est difficile d’envisager des opportunités significatives de croissance externe avant d’avoir une vision vraiment claire du cadre réglementaire.
D’ici là, nous continuons de développer notre présence dans les marchés et les métiers en croissance.
Compte tenu de notre solvabilité élevée, nous sommes prêts à saisir les opportunités de croissance organique aux États-Unis :
_ - en renforçant encore par exemple notre plateforme Fixed Income au sein du pôle CIB ;
_ - ou en étendant notre modèle de banque de détail au sein de BancWest, qui développe ses activités de clientèle entreprise et de banque privée.
De même, nous continuons d’accroître notre large base de clientèle dans la zone Asie-Pacifique, qui génère déjà quelque 12 % de nos revenus hors Retail. Nous disposons d’une présence significative dans 14 pays, et d’une licence bancaire complète dans 12 d’entre eux. Nous avons l’ambition de participer à la forte croissance que connaît l’Asie en aidant notre clientèle internationale à y développer ses activités et réciproquement, en soutenant nos clients asiatiques à la recherche d’investissements dans le monde occidental.
Un autre exemple de marché en croissance est la Turquie, où nous sommes présents par l’intermédiaire de TEB. Les résultats du trimestre écoulé confirment la forte augmentation des volumes qui se traduit par une augmentation significative des revenus et une amélioration constante de notre efficacité opérationnelle. En outre, les ventes croisées avec CIB et Investment Solutions continuent de se développer.
Si nous regardons les métiers, Investment Solutions compte deux métiers dont l’activité connaît un fort développement dans le cadre du développement d’ensemble du Groupe : l’Assurance et le Securities Services.
Lorsque j’évoque l’Assurance, je pense à BNP Paribas Cardif, un acteur mondial dans le domaine de l’assurance de personnes, qui développe son offre sur Domestic Markets et en Turquie tout en investissant en Asie et en Amérique Latine. Notre activité d’Assurance continue de dégager des résultats élevés, comme l’indique la croissance de ses revenus que j’évoquais plus haut, et une contribution de 770 millions d’euros au résultat avant impôts pour les 9 premiers mois de 2012.
Les Services Titres sont une autre plateforme dans laquelle nous continuons d’investir. Elle figure dans le top 5 mondial et occupe la première place de ce métier en Europe. Ses principaux axes de croissance sont les États-Unis, l’Asie et l’Amérique latine.
En conclusion, notre forte solvabilité nous permet de viser la croissance dans des marchés et des activités en développement rapide.
EBM : Jean-Laurent Bonnafé, Administrateur Directeur Général de BNP Paribas, merci beaucoup.
Jean-Laurent Bonnafé : Merci à vous.